Suicide d’une Vénissiane : Michèle Picard s’adresse au ministre du logement et au procureur de la République

Le 30 avril 2013 – Retrouvez les courriers de Michèle Picard à Cécile DUFLOT, ministre de l’égalité des territoires et du logement et au procureur de la République, Marc CIMAMONTI, après le décès tragique d’une Vénissiane victime d’une procédure d’expulsion.

Le 30 avril 2013

Jeudi 25 avril, une septuagénaire vénissiane était retrouvée pendue dans son logement par les forces de police et l’huissier de justice venus exécuter son expulsion. Après ce drame, Michèle Picard sollicite Cécile DUFLOT, ministre de l’égalité des territoires et du logement, pour que l’État engage un véritable plan ORSEC face à l’urgence sociale et décide d’un moratoire sur les expulsions locatives pour l’année 2013. Elle a aussi saisi le procureur de la République, Marc CIMAMONTI, d’un dépôt de plainte pour non assistance à personne en danger et atteinte à la dignité humaine.

Retrouvez les courriers de Michèle Picard ci-dessous.

Madame la Ministre,
Jeudi 25 avril, lors de l’exécution d’une expulsion, les forces de police ont découvert le corps sans vie d’une septuagénaire vénissiane. Cette locataire s’est pendue dans son logement. L’urgence sociale dans laquelle sont plongés des millions de Français pousse certains à l’irréparable.

Le Préfet du Rhône avait autorisé le concours de la force publique pour procéder à l’expulsion à compter du 18 mars. Informés de cette décision dès le 14 février dernier, nos services avaient contacté cette personne par courrier, dès le 25 février, pour étudier les possibilités d’intervention auprès de son bailleur privé. Un rendez-vous avait été fixé, auquel elle ne s’est pas présentée. Si elle était inconnue de nos services jusque là, sa situation isolée et fragilisée faisait l’objet d’un suivi par les services du Conseil général et une mesure de protection était en cours.

Depuis 4 ans, je n’ai de cesse d’alerter sur les conséquences dramatiques que peuvent engendrer les expulsions. Aujourd’hui, l’horreur est face à nous. Après cette tragédie, j’espère que cette réalité sociale que je décris inlassablement, parce que j’y suis confrontée au quotidien, provoquera une prise de conscience collective et qu’enfin cela cesse.

Depuis 2010, je prends des arrêtés interdisant sur ma commune les expulsions locatives, les coupures d’eau et d’énergies, les saisies mobilières. Des arrêtés travaillés, argumentés sérieusement, avec l’espoir de faire évoluer la justice pour en finir avec ces pratiques inhumaines. Un acte qui n’a rien d’une formalité, mais un acte de résistance, un engagement et une bataille pour la dignité humaine. J’assume pleinement mes responsabilités de maire. Il est de mon devoir d’interpeller, de dénoncer et d’alerter, comme d’assurer la sécurité de mes concitoyens.

Chaque année, ces arrêtés sont suspendus par décision de justice en référé à la demande du Préfet. Chaque année, sa défense se base sur l’absence de trouble à l’ordre public avéré, l’inexistence d’une atteinte à la dignité humaine. Il soutient aussi que le maire n’est pas compétent au regard de ses pouvoirs de police générale. Ces mêmes maires, en première ligne, qui comme moi aujourd’hui, sont confrontés à la mort violente d’une habitante, brisée par la pression et la peur.

Les parlementaires communistes des deux assemblées ont à plusieurs reprises soumis des propositions de lois sur ces questions. Je crois qu’il est urgent d’y réfléchir, comme il est urgent de faire cesser ces pratiques d’un autre âge en décrétant un moratoire pour l’année 2013 sur les expulsions locatives.

Jeudi dernier, l’atteinte à la dignité humaine est à son paroxysme. Les seuils de l’inacceptable aussi. Face à cette urgence sociale, l’État doit enclencher un véritable plan Orsec et qu’enfin les droits fondamentaux pour tous, inscrits dans la Constitution, soient enfin respectés.

Monsieur le Procureur de la République,

Jeudi 25 avril, lors de l’expulsion d’une locataire, les forces de police ont découvert le corps sans vie d’une septuagénaire vénissiane. Cette dame s’est pendue dans son logement.

Le Préfet du Rhône avait accordé le concours de la force publique pour  procéder à son expulsion à compter du 18 mars. Informés de cette décision dès le 14 février, mes services avaient contacté cette personne, par courrier, dès le 25 février afin d’étudier les possibilités d’intervention auprès de son bailleur privé. Un rendez-vous lui avait été proposé, auquel elle ne s’est pas présentée. Inconnue de mes services jusque là, cette dame faisait cependant l’objet d’un suivi par les services du Conseil général du Rhône, de par sa situation isolée et fragilisée. Une requête avait été déposée pour sa mise sous tutelle.

Depuis 4 ans, je n’ai de cesse d’alerter les pouvoirs publics sur les conséquences dramatiques que peuvent engendrer les expulsions. C’est le sens des arrêtés que je prends depuis 2010 interdisant sur ma ville les expulsions locatives, les saisies mobilières et les coupures d’énergies et d’eau.

Chaque année, ces arrêtés sont suspendus par décision de justice en référé, à la demande du Préfet. Ce dernier base sa défense sur l’absence de trouble à l’ordre public avéré, l’inexistence d’une atteinte à la dignité de la personne. Il soutient également que le maire n’est pas compétent au regard de ses pouvoirs de police générale.

En tant que maire, je suis confrontée quotidiennement à cette explosion de la précarité. Il est donc de mon devoir et de ma responsabilité d’interpeller, de dénoncer d’alerter, comme d’assurer la sécurité des habitants. Le drame qui s’est produit hier en est malheureusement la preuve concrète.

Par la présente, je vous saisis officiellement d’un dépôt de plainte pour non assistance à personne en danger et atteinte à la dignité humaine.

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