Réception en l’honneur des personnels de l’Education nationale

Le 24 juin 2011 – Retrouvez l’intervention de Michèle Picard concernant la réception en l’honneur des personnels de l’Education nationale admis à la retraite ou ayant obtenu une mutation.

Le 25 juin 2011

Retrouvez l’intervention de Michèle Picard concernant la réception en l’honneur des personnels de l’Education nationale admis à la retraite ou ayant obtenu une mutation, vendredi 24 juin 2010 à 18 heures.

Un enseignant qui part à la retraite, c’est un peu comme un écolier à la veille des grandes vacances : il y a la satisfaction de clore l’année, mais aussi cette pointe d’amertume, de mélancolie qui fait que l’on quitte pendant plusieurs semaines la cour de récré, la salle de classes et les copains, tous ces lieux où bien plus qu’un simple apprentissage a pris place, tous ces lieux qu’on a habités ensemble. Je crois le deviner : on ne quitte jamais vraiment l’éducation nationale, même si l’idée d’un repos mérité s’impose aussi.

A Vénissieux, vous êtes 15 cette année à prendre votre retraite, auxquels j’associe les directeurs et chefs d’établissement ayant obtenu une mutation.

Alors, pourquoi s’attache-t-on tant à l’école publique, à l’école de Jules Ferry et de Jean Zay ? Parce que c’est tout simplement l’école de la vie.

Le métier que chacun de vous a exercé avec passion et générosité n’est pas un métier, c’est une vocation. Et il faut bien utiliser ce terme car les conditions de votre vocation, dont l’Etat devrait être le garant, n’ont cessé de se dégrader au fil des ans, et au gré de politiques publiques injustifiables et injustifiées. J’y reviendrai.

Enthousiasme de partager des connaissances, des disciplines avec une classe. Passion d’ouvrir des perspectives, des chemins et des formations aux jeunes générations, sans formater. Passion d’œuvrer au cœur de la vie, la vie de l’individu dans la vie de la cité, et de la voir grandir, changer, évoluer au fil de générations qui se succèdent sur les bancs, alors que le professeur reste, lui, fidèle au tableau noir. Il faut de l’abnégation, de la volonté et une bonne dose d’énergie pour enseigner face à une classe de trente élèves chaque jour de la semaine ouvrée, il faut savoir mettre en doute ses propres schémas pédagogiques, les adapter, les renouveler car chaque génération a de nouvelles attentes, de nouveaux besoins, car l’information et les connaissances circulent plus vite maintenant qu’il y a 10 ans.

Ce sont ces facultés qui vous ont été demandées et que vous avez remplies, dans un contexte où le lien social s’est à la fois distendu et tendu, et où l’école est bien souvent le premier réceptacle de ces tensions.

Voilà pourquoi je parle de vocation, et voilà pourquoi j’espère que la ville de Vénissieux a été à la hauteur de vos exigences bien légitimes. Je crois là encore que je peux y répondre par l’affirmative.

Notre partenariat avec l’Éducation nationale, le lien de nos équipes avec le corps enseignant sont indéfectibles, forts, solidaires. Vos combats sont nos combats, vos revendications sont nos revendications, vos préoccupations sont nos préoccupations. Car il en faut, oui, des esprits combattants pour résister à la mise en péril, voire à l’exercice de destruction dont fait l’objet l’école publique.

Le gouvernement actuel et Nicolas Sarkozy ne jouent pas aux apprentis-sorciers, ils sont les apprentis-sorciers. 40 000 postes ont été supprimés depuis 2007, plus de 60 000 depuis 2003, 16 000 pour la rentrée prochaine : c’est cauchemardesque, injustifiable, intolérable. Dans quel état vont-ils laisser notre éducation nationale ? Sureffectifs en classes, sacrifice de la formation des enseignants, volonté de faire disparaître l’école maternelle alors que les vertus de socialisation ne sont plus à démontrer, non-remplacements d’enseignants en série pour lesquels nous nous sommes battus, avec les syndicats, les enseignants, les parents d’élèves, à plusieurs reprises cette année. Rendez-vous compte : à Vénissieux, pour l’éducation des élèves, pour les conditions de travail des enseignants, l’addition s’élève à 800 journées non remplacées depuis septembre 2010 ! C’est scandaleux et insupportable.

Et les combats que nous avons menés ensemble cette année, je peux vous certifier qu’il va falloir les poursuivre dès la rentrée prochaine. Avec le nouveau système de comptage établi dans les écoles qui ne sont pas en ZEP, et selon lequel seuls les élèves ayant atteint l’âge de 3 ans au jour de la rentrée seront comptabilisés dans les effectifs, de nombreuses classes sont, de fait, menacées de fermeture. A l’Ecole du Clos Verger, la mobilisation a déjà eu lieu contre l’annonce d’une fermeture de classe en avril dernier et la rentrée s’annonce tendue dans la mesure où une exaspération légitime monte parmi les enseignants et les parents d’élèves soucieux de l’avenir de leurs enfants.

Non seulement les conditions de travail des enseignants ne cessent de se dégrader, mais c’est en plus leur profession qui est constamment dévalorisée, voire dénigrée par les gouvernements de ces dix dernières années. La conjugaison de ces deux phénomènes risque de poser, à court terme, un problème de recrutement dans certaines filières. A force de prendre des coups, la raréfaction de candidats aux concours est de plus en plus marquée année après année. En filigrane, c’est une formation à minima et à moindres coûts que le ministre de l’éducation veut mettre en place. Comme si tout le monde avait la fibre pour enseigner, animer une classe et transmettre les connaissances ! On ne devient pas enseignant du jour au lendemain, c’est le fruit, là aussi, d’un apprentissage et d’une formation capitale en matière de pédagogie.

Ces inquiétudes générales, je ne doute pas que tout le monde ici les partage et j’aspire à la constitution d’un front républicain, élus, syndicats, enseignants, parents d’élèves, pour dire stop à la casse de notre école publique, laïque, républicaine et gratuite pour tous. La détruire comme c’est le cas aujourd’hui, c’est encourager le retour du déterminisme social, et cette idée m’est insupportable.

Je vous rassure, les retraités seront les bienvenus avec nous pour poursuivre ce combat, car, et vous le savez mieux que moi, votre métier n’est pas un métier comme un autre, c’est une vocation au service de l’éducation des jeunes générations !

Je vous remercie.

RetraiteEnseignant240611

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