Journée Nationale de la Résistance

La Résistance s’est exprimée dans l’action quotidienne, dans la proximité, dans toutes ces actions, souvent méconnues, qui ont sauvé des vies, ici à Vénissieux comme sur l’ensemble du territoire français

Vénissieux se souvient… Journée nationale de la Résistance. Ce 27 mai 2022, avec Arlette Bourjois, membre du bureau départemental de l’ANACR, Jacqueline SANLAVILLE, membre de l’ANACR, Michèle Picard a déposé en cette fin d’après-midi une gerbe au pied du monument de la Libération, parc Louis-Dupic, en présence des porte-drapeaux. Résister est un verbe qui se conjugue à tous les temps. Des leçons, des modèles aussi, peuvent nous venir du passé, mais les combats se mènent dans le présent.

Résister, c’est une façon d’être au monde et de lui appartenir. Il ne s’agit pas de dire non pour dire non, de s’opposer pour s’opposer, mais au contraire de construire un autre monde, d’autres possibles, donc d’en faire partie. Résister, ce n’est pas adopter la position du retrait et du refus, c’est vouloir s’engager avec d’autres dans le combat des idées, le combat du présent, le combat des valeurs qui nous constituent. Le moi rejoint le nous, l’individu le collectif, le dépassement de soi se fond dans une entité plus large.

Il n’y a pas de petite ou de grande résistance, mais une somme de résistances.

C’est le contexte historique qui en modifie la nature.

« Notre engagement était un choix individuel qui n’avait rien à voir avec telle ou telle opinion. Il s’est déterminé sur quelque chose de beaucoup plus profond, de plus personnel. »,

Daniel Cordier, ancien secrétaire de Jean Moulin, résistant dès juin 40

Oui, s’engager en 1940, s’engager contre l’occupation allemande et un régime totalitaire, c’est le faire en âme et conscience du risque encouru : le prix de sa vie. Mais là encore, il ne sert à rien de hiérarchiser les missions entre elles. Du sabotage à la prise des armes dans le maquis, de la protection et de l’accueil des juifs ou des résistants à son domicile, toutes ont concouru, d’une façon ou d’une autre, à la libération de la France.

La Résistance, une mosaïque d’hommes et de femmes d’un courage à toute épreuve

Mais lorsque l’on ouvre les pages du récit national, il n’en reste plus que les hommes la plupart du temps.

En 2022, aujourd’hui, ne serait-il pas l’heure de réhabiliter les résistantes, de leur donner la place qui leur convient dans notre histoire collective. Leur engagement fut précoce, comme l’illustre la communiste Danielle Casanova. Femmes du Nord, femmes basques, corses, bretonnes, femmes immigrées, toutes se mobilisent très vite et leur rôle dans la lente marche vers la libération de notre pays ne peut être dissocié de celui des hommes. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas eu de traduction de ce mouvement dans notre mémoire collective ? Peut-on parler d’une histoire tronquée à ce sujet, d’un récit de la Résistance masculin uniquement au service de la place et de la gloire des hommes ?

Car les faits sont là. Jusqu’à la fin des années 70, les résistantes ne représentaient en moyenne que 2 à 3% des noms cités dans les ouvrages consacrés à la Libération. Germaine Ribière, Suzanne Buisson, Berty Albrecht, Lucie Aubrac, Dina Krischer, Germaine Tillion, Elsa Triolet : ces quelques noms suffisent-ils à réparer toute forme d’omission et à imaginer le double combat qu’elles ont mené. Ces femmes ont lutté deux fois, contre le nazisme, contre l’occupation allemande, mais aussi contre les lois scélérates de Pétain dont elles étaient victimes, lutté pour déverrouiller une société patriarcale.

De même, aucune femme ne figure au CNR, et seulement 6 sur 1061 parmi les compagnons de la libération. « L’impôt du sang n’a pas suffi à fonder l’égalité », souligne l’historienne Hélène Eck.

Pour quelles raisons ? Dans son ouvrage « Pourquoi l’histoire a effacé les femmes », l’essayiste Titiou Lecoq avance quelques pistes. Il y a toujours une sous-représentation des femmes dans les programmes scolaires. A titre d’exemple, dans certains manuels d’histoire en 2019, les femmes y apparaissent dans six pages sur… 277 !

L’association Mnémosyne œuvre pour le développement de l’histoire des femmes et du genre en aidant les professeurs à enseigner une plus grande mixité. L’espace public est également très masculinisé, dans le choix des noms des rues qui se portent fréquemment sur le nom d’hommes.

L’urgence réelle à fondre les deux histoires en une seule

Il y a bien, je le crois, une urgence réelle à fondre les deux histoires en une seule, les résistants et les résistantes, comme il faut laisser une plus grande place à l’histoire vue de l’extérieur, moins repliée sur un  récit franco-français.  Le courage des femmes a su être aussi rétrospectif.

Il en a fallu à ces 31 femmes qui ont témoigné au procès Barbie en 1987. Le courage des mères rescapées qui ont perdu leurs enfants ; le courage de Francine Gudefin, défigurée par la Gestapo, qui brave la pudeur et montre son visage au tortionnaire Klaus Barbie ; le courage de Beate Klarsfeld et Ita-Rosa Halaunbrenner, qui ont traqué Barbie jusqu’en Bolivie, et sans lesquelles le « boucher de Lyon », comme il était surnommé, serait passé entre les mailles de la justice. La puissance de leurs témoignages, leur authenticité font l’objet d’un livre poignant édité par Le Progrès, dont je conseille vivement la lecture, et qui s’intitule « Vous étiez belles pour l’éternité ».

L’espace vert Lili Garel

Lors du prochain conseil municipal, nous allons proposer le nom de Lili Garel pour la dénomination de l’espace vert situé à l’angle des rues Guy Fischer et Gaspard Picard. Qui est cette Elise Garel, dite Lili ? Elle est cette femme, juive résistante, qui, à la tête de l’œuvre de Secours aux Enfants, va sauver 108 enfants juifs du camp de Bac Ky.

A Vénissieux, au 27 de l’avenue de la République, un ancien camp militaire désaffecté de Vénissieux avait été réquisitionné par le préfet régional de Lyon, Alexandre Angeli, aux ordres du régime de Vichy. Ce camp était appelé le camp de Bac Ky. Le 2 juillet 42, Oberg et Bousquet organisent les conditions d’arrestation et d’internement des juifs par la police française. La France accepte de livrer 22 000 juifs étrangers de la zone occupée et plus de 10 000 résidents dans les 40 départements de la zone libre. Elle commet l’irréparable.

A Lyon, la date de l’opération du début des rafles est arrêtée au lundi 24 août. Un millier de juifs étrangers sont ainsi parqués dans le camp de Bac Ky. 545 d’entre eux seront conduits à Drancy via la gare de Saint-Priest. Tous seront gazés à Auschwitz. Tous, sauf ceux que Lili Garel, que Gilbert Message, chef de service social des étrangers à Vichy, le père Chaillet et l’abbé Galsberg de l’amitié chrétienne et Claude Gutmann des éclaireurs Israélites de France, vont sauver en disant non à l’infamie, non au programme de déportation du gouvernement de Pierre Laval. Sans cet acte de résistance, qui a eu un impact au-delà de notre ville, Vichy aurait continué à livrer des juifs aux allemands, à raison de 3000 par semaine.

Nous avons là, sous les yeux, le fait que la Résistance n’appartient pas qu’au symbole ou à un moment d’héroïsme. Elle s’est exprimée dans l’action quotidienne, dans la proximité, dans toutes ces actions, souvent méconnues, qui ont sauvé des vies, ici à Vénissieux comme sur l’ensemble du territoire français.

Enfin, ce sauvetage du camp de Bac Ky montre combien la Résistance a réuni ensemble des hommes et des femmes, qu’au-delà du féminin ou du masculin, c’était le courage, la lutte contre la collaboration et la défense d’une France Républicaine, de la liberté, qui les réunissaient dans un destin commun.

« Que serions-nous devenus sans la Résistance ? Nous aurions eu une carrière. Grâce à la Résistance, nous avons eu une vie »

Edgar Morin, philosophe et sociologue.

L’entrée en résistance dépasse les questions partisanes, elle surgit comme une volonté spontanée, comme une initiation, un rite de passage, une force de vie et un saut dans le vide. Elle a toujours été un corps vivant, multiple, assemblage d’hommes et de femmes aux parcours et cultures variés, de classes sociales différentes. Mais ils ont eu une volonté commune : s’opposer à un monde que certains ont dévoyé, en construire un autre, dans la tradition d’une France libre et républicaine.

Le plus bel exemple donné par le CNR prend forme dans cette recherche d’un équilibre permanent entre la lutte armée contre les forces occupantes et l’urgence d’un modèle social français à recréer. 27 mai 1943, au 48 de la rue du Four à Paris, une réunion clandestine, sous la présidence de Jean Moulin, rassemble huit membres des principaux mouvements de résistance des deux zones, six délégués de partis politiques d’avant-guerre et deux syndicalistes, sans oublier Robert Chambeiron, Daniel Cordier et Pierre Meunier. Ces hommes, dans la clandestinité, traqués, menacés de mort, ont bravé toutes les peurs. Ils ont osé dire non.

Le Conseil de la Résistance, qui deviendra après la mort de Jean Moulin, le Conseil National de la Résistance, était né. Il est né et il vit toujours en nous, à travers les avancées sociales considérables et inimaginables comme la création du régime général de la sécurité sociale, etc.

Derrière ce programme rédigé et pensé pendant la guerre et sous l’occupation allemande se cache une vision du monde qui nous parle toujours encore, dont la modernité fait écho au cœur de notre société contemporaine.

Résister est un verbe qui se conjugue à tous les temps. Des leçons, des modèles aussi, peuvent nous venir du passé, mais les combats se mènent dans le présent.

Aujourd’hui, pour plus de justice sociale, pour lutter contre le réchauffement climatique, les jeunes s’engagent, avec les outils de leur époque, avec leur vision du monde et leur sens de la citoyenneté.

Qu’ils gardent en tête ce mot de l’écrivain et résistant Stéphane Hessel, qui semble leur être et nous être destiné :

« Résister, c’est créer ».

Stéphane Hessel

Je vous remercie.  

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