Journée festive du CASC

Le 15 décembre – Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD à l’occasion de la journée festive du CASC, mercredi 14 décembre 2011.

Le 15 décembre

Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD  à l’occasion de la journée festive du CASC, mercredi 14 décembre 2011.

Un sentiment d’abandon et d’impuissance. L’impression d’être ignoré, non représenté, d’être absent des débats et des préoccupations des partis politiques, gauche et droite confondues. Enfin, dans le bruit sonore d’une résignation de plus en plus partagée perce une pointe d’acidité, une cassure : notre société fait marche arrière ; la France des riches avance en faisant reculer la France des plus modestes,  la France rurale et péri-urbaine, la France aussi des classes moyennes.

Le travail des sociologues, géographes, politologues, paru au début du  mois, est unanime sur un point : la France se fissure, et une partie de plus en plus large de nos concitoyens hésite entre la colère sourde et le ressentiment. Le tableau est inquiétant car au terme des différentes enquêtes menées remonte une tendance forte : la montée et la tentation du  recours au populisme.

Tableau inquiétant, mais est-il vraiment surprenant après 5 ans de Sarkozysme et un capitalisme financier en train de faire exploser les Etats, les peuples, les politiques sociales et les souverainetés nationales. Comment ne pas voir que le monde de la finance est en train de mettre au pas l’espace politique et l’espace citoyen. Réveillons-nous, mais vite ! Aucune leçon n’a été tirée de la crise de 2008 : les marchés gouvernent de plus belle, et en toute impunité, ils spéculent sur les dettes publiques, sur le dos des peuples, soumis à des plans d’austérité ignobles et scandaleux pour rembourser les gabegies du capitalisme financier.

Les grecs, les espagnols, les français, les italiens, tout le monde paye et rembourse les auteurs et responsables de cette crise. Un comble et un véritable désastre. Ils veulent la peau de l’Etat social et si l’on ne se mobilise pas, ils ont une occasion unique de l’obtenir.

Car pendant que ce système marche sur la tête, (et marche sur nos têtes !), la pauvreté explose et les liens qui tissent la République implosent : privatisation accélérée des droits les plus élémentaires (santé, retraite, éducation), abstention massive dans les urnes et la précarité qui gagne du terrain sur l’ensemble du territoire.

Oui, la pauvreté gagne à nouveau du terrain depuis 10 ans en France. Cette inversion du curseur montre bien que nous sommes à un moment charnière et qu’il faut vite, très vite, changer de politique. 8,2 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont environ un million de personnes âgées dans notre pays. Rendez-vous compte : certaines d’entre elles vivent avec 628 euros de pension minimum vieillesse. Non seulement on peine à vivre, mais en plus on vit dans des conditions de plus en plus sommaires. 55% des ménages touchés par la précarité énergétique ont plus de 60 ans.

Précarité sociale, précarité sanitaire, précarité énergétique. Nous avons là trois fléaux qui guettent les plus de 65 ans, et qui risquent d’exploser très vite au cœur de nos sociétés. C’est le fruit des politiques nationales menées depuis plus dix ans. La dernière réforme des retraites du tandem Sarkozy-Fillon va jeter de l’huile sur le feu car elle est synonyme de pensions de retraite incomplète et d’une perte de pouvoir d’achat très marquée dans les 10 ans à venir.

La hausse des tarifs des mutuelles, annoncée il y a deux mois par le gouvernement, le forfait hospitalier, les déremboursements de nombreux médicaments remettent en cause le principe universel de la santé pour tous.  Je pose une question simple, comment les personnes âgées vont-elles faire pour se soigner ? Aujourd’hui, elles consacrent en moyenne 90€ par mois, soit 5,8% de leurs revenus. En 2020, les dépenses santé pour les retraités devraient représenter environ 10% de leurs pensions ! Le phénomène qui s’annonce est clair : alors que beaucoup de Français n’accèdent déjà plus aux soins, ou les reportent, les prochains touchés sont les seniors.

Il y a matière à s’inquiéter pour nos aînés, pour les futures générations et pour la République, tout simplement. Les politiques gouvernementales du tandem Sarkozy-Fillon suivent, accompagnent et encouragent la folie libérale qui met à genoux les peuples d’Europe et d’ailleurs.

Ils veulent mettre la main sur les services publics, démanteler le statut de la fonction publique et bâillonner les collectivités locales. C’est à un dynamitage vertical du pilier républicain auquel on assiste, et auquel bien sûr nous nous opposons.

Le budget 2011 renforce encore cette dérive avec la baisse des crédits, de nouvelles coupes massives dans les effectifs des fonctionnaires (32 000 équivalents temps plein) et le gel des dotations aux collectivités locales. Et pour 2012, la ministre du budget, Valérie Pécresse, a demandé 200 millions d’euros d’économies aux collectivités locales. Avec ces politiques-là et à ce rythme-là, que vont devenir les missions de services publics ? Avec ces politiques-là et à ce rythme-là, comment les collectivités, étranglées financièrement par les orientations gouvernementales, vont-elles maintenir l’ensemble des missions sans être confrontées, un jour ou l’autre, à des choix cornéliens ? De l’école publique, dont on sape les fondations, à la Maison de la République, dont on sabote l’autonomie, l’indépendance et toute forme de résistance, tout le modèle social et démocratique, né du CNR et de l’après-guerre, est bombardé, torpillé, liquidé.

Nous sommes tous ici attachés aux services publics de proximité parce que c’est un espace sans valeur marchande. Parce que dans ce domaine-là, c’est la solidarité, l’égalité sur l’ensemble du territoire qui constituent l’unité de mesure, pas la rentabilité. C’est l’homme qui est au centre des actions et des attentions, pas l’homme comme simple variable d’ajustement.

Jamais la société française depuis la seconde guerre mondiale n’avait présenté un tel délitement, un tel morcellement, une telle décomposition. Il nous faut donc imaginer un autre mode de développement économique, un autre modèle social, plus solidaire, plus juste, plus harmonieux, une autre façon d’exercer la politique, plus proche, au contact et avec l’implication des citoyens, de tous les citoyens.

La quête matérialiste et individualiste de ces dernières décennies n’a pas rendu notre société plus heureuse. Au contraire, elle l’a anesthésiée, atomisée, aseptisée.

En laissant faire le déterminisme social dès le plus jeune âge, en excluant du marché du travail sa jeunesse, en laissant sur le bas-côté de la route les plus fragiles et le 3ème âge, cette société-là n’a pas de souffle, ni de coffre : elle n’est ni enviable, ni une référence. Et puisqu’elle ne fait rêver plus personne, alors réinventons ensemble le rêve qu’elle devrait à nouveau porter et incarner.

Je vous remercie.

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