Inauguration du Centre Winnicott

Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD, lors de l’inauguration du Centre Winnicott, vendredi 12 octobre 2012 dernier.

Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD, lors de l’inauguration du Centre Winnicott, vendredi 12 octobre 2012 dernier.

La ville de Vénissieux est particulièrement fière de compter sur son territoire, ce centre de soins psychologiques, pour enfants et adolescents. Fière parce que cela entre en résonance avec notre pacte communal, qui a fait de la jeunesse une priorité. Fière parce que l’implantation du Centre Winnicott croise, sur de très nombreux points, notre volonté politique : présence indispensable des services publics dans les quartiers populaires ; facilité, et surtout, égalité d’accès aux soins pour les populations, déjà renforcé par l’Hôpital des Portes du Sud. Cette ambition n’est pas nouvelle, ni liée à un effet de mode, la ville de Vénissieux n’est-elle pas la première en France, à avoir créé un service municipal de l’enfance ? C’était en 1966.

Au centre de tout, il y a bien évidemment la santé, et tout particulièrement la santé mentale, laquelle, à mes yeux, devrait être beaucoup plus considérée et soutenue, par les politiques sanitaires nationales. La société d’aujourd’hui est une société froide, dure, cassante. A force d’user le lien social, à force de favoriser l’individualisme et le consumérisme, les jeunes, fragilisés, finissent par perdre tout repère et, pire encore, finissent par perdre confiance en l’avenir.

La psychiatrie a un rôle majeur à jouer, pas simplement en temps de crise, mais le contexte actuel la rend en tout point indispensable. Casser l’isolement, être à l’écoute des adolescents, ce sont deux impératifs que la collectivité au sens large n’assure plus, ou pas assez.

Le résultat tient dans ce chiffre : quatre jeunes sur dix évoquent un sentiment de solitude subie, d’isolement, que ce soit à travers les liens familiaux ou les liens sociaux. Il faut prendre l’expression de cette détresse très au sérieux, la récente tentative de suicide d’une jeune vénissiane est là pour nous rappeler l’extrême fragilité des 10-25 ans, face à un monde en crise. Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents et jeunes adultes, il s’agit bien d’un réel enjeu de société !

Je crois, par ailleurs, qu’il est plus difficile d’être un adolescent en 2012 qu’il y a 30 ans. La course effrénée à la réussite, la mise en concurrence très précoce des jeunes entre eux, ont fait voler en éclats tout ce qui structurait les parcours des uns et des autres. Il ne s’agit pas de surprotéger la jeunesse, mais il est de notre responsabilité de ne pas non plus la surexposer, de l’encadrer un minimum, pour l’émanciper au maximum. Or, nous voyons aujourd’hui des parcours accidentés, des ruptures de ban, qui surprennent la société, et qui nous laissent sans voix. Il faut donc nous munir d’outils adaptés, et le centre Winnicott, que nous inaugurons cette après-midi, en est un de tout premier ordre.

Pour la ville de Vénissieux, l’installation d’une structure de pédopsychiatrie de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu s’inscrit dans une vraie continuité. Entre le secteur de la psychiatrie infanto-juvénile et l’Atelier santé Ville, un travail commun s’est engagé depuis plusieurs années. Je tiens à signaler le partenariat contracté dans le cadre de la construction d’un Point Accueil Ecoute Familles.

Il nous sera précieux pour développer l’accompagnement psychosocial des familles en situation de souffrance, liée à des conflits, des difficultés éducatives, des problèmes de santé et d’isolement.

Ce nouveau dispositif, en cours de réalisation, aura vocation à proposer des consultations, pour les familles d’enfants de moins de 12 ans, venant ainsi compléter le « Point Accueil Ecoute Jeunes », destiné aux jeunes de 12 à 25 ans.

De nombreux partenaires se sont associés (le programme de réussite éducative, le secteur de la pédopsychiatrie et de la psychiatrie adulte, le conseil général) pour apporter un soutien psychologique, et proposer une orientation vers les structures de soins, si nécessaire. La continuité dont je parlais, elle est aussi illustrée par notre participation au Conseil Local de Santé Mentale, qui existe depuis 2000, et qui réunit les villes de Vénissieux, Saint-Fons et l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu. La nécessité du partenariat, entre les acteurs de la cité et ceux de la santé, est une évidence. Il faut à la fois une approche concertée et des réponses concertées, car le thème de la santé mentale, longtemps considérée comme tabou, dépasse le cadre du strict enjeu sanitaire. Ce n’est pas un monde clos, les passages difficiles, les déséquilibres psychologiques, peuvent avoir des répercussions dans des structures comme l’école, le logement, dans la vie du quartier, l’intégration ou encore l’ordre public.

Les élus locaux que nous sommes en ont conscience, dans la mesure où toutes les politiques, mais aussi toutes les problématiques sont étroitement liées sur le territoire de nos communes. Le CLSM permet une coordination de proximité entre les services municipaux, les professionnels de la santé, les acteurs sociaux, éducatifs, de façon à apporter des réponses plus humaines, aux personnes souffrant de troubles psychiques. La présence du centre de soins psychologiques pour enfants et adolescents entre en phase avec notre politique, à destination de la jeunesse et avec nos préoccupations.

Organisée autour de trois entités (le Centre médico psychologique, le Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel, et le Centre Petite Enfance), cette nouvelle antenne du centre hospitalier Saint-Jean-de-Dieu, en regroupant les structures de soins, va faciliter un meilleur suivi des enfants, une meilleure cohésion. Elle est implantée au cœur de la population vénissiane, mais elle couvre un secteur de pédopsychiatrie redessiné, qui comprend désormais Vénissieux, Saint-Fons, Givors, Saint-Symphorien d’Ozon, Condrieu, et le 7ème arrondissement de Lyon.

Je crois qu’en 2011, l’équipe composée de 23 professionnels a suivi près de 599 personnes, ce qui donne une idée du formidable travail accompli ou en cours d’accomplissement. Je tiens donc à adresser mes remerciements à l’Association Recherche Handicap et Santé Mentale, à la direction de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu, et à l’ensemble du personnel pour le choix et la confiance qu’ils ont manifestés à l’égard de notre ville. Un mot pour finir sur la place de la psychiatrie en France. Votre profession a manifesté son mécontentement à plusieurs reprises, contre les politiques nationales menées depuis dix ans.

Mécontentement légitime, tant le secteur des maladies mentales a été dévalorisé, mais aussi pénalisé par la casse de l’Hôpital public. Je passe sur les réactionnaires, plus nombreux qu’on ne le croit, qui considèrent que les maladies mentales ne sont pas des maladies, mais un état. Je passe sur les lois de ces dernières années, votées sous le coup de l’émotion, à des fins électoralistes, qui ne répondent ni à la situation, ni au problème. Lorsque le gouvernement précédent, dans son plan de prévention de la délinquance, invitait les professionnels à repérer des facteurs de risques prénataux, périnataux et génétiques chez les enfants de trois ans, on a instrumentalisé de façon honteuse et caricaturale le secteur de la santé mentale.

Nous n’attendons pas ça de la psychiatrie, et je ne pense pas que les psychiatres attendent ça de l’Etat. Centrer les soins sur le malade, tant en terme de thérapies que de structures ; faire une place à son entourage dans le traitement ; résorber les répartitions inégales sur le territoire (il y a certains départements qui ne comptent qu’un psychiatre pour 8 400 habitants !), intervenons déjà sur cette urgence-là.

Je crois également nécessaire de renforcer les coopérations entre tous les acteurs du soin psychiatrique, d’informer la population pour que les tabous sur les maladies mentales soient enfin levés, de mieux identifier les symptômes dépressifs chez les adolescents, en soutenant les acteurs de la recherche en psychiatrie.

Enfin bien sûr, il faut en finir avec cette gestion libérale qui fait tant de mal dans nos hôpitaux publics. On ne peut pas faire de bonne psychiatrie sans moyens, notamment humains, et sans accorder du temps aux méthodes thérapeutiques. C’est bien à ce défi de société de premier ordre que les politiques nationales doivent répondre.

Je vous remercie.

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