Intervention de Michèle PICARD sur le rapport n° : 4 « CADRE de VIE. Avis de la ville de Vénissieux sur la concertation portant sur l’extension et le renforcement de la ZFE.»
Il n’y a pas de développement durable possible et partagé sans la prise en compte de la dimension sociale. La ZFE, comme bien d’autres sujets, nous le prouve. Nier le réchauffement climatique, au sujet duquel les scientifiques du GIEC nous alertent depuis des années, et les effets de la pollution sur la santé de chacun n’est pas une solution.
Améliorer la qualité de l’air dans les grandes agglomérations est une nécessité, mais aussi un enjeu sanitaire. Nous le savons tous, et cet été est venu nous le rappeler, la politique de l’autruche en matière climatique serait la pire des réponses, d’autant que nous devons dès maintenant penser et construire les villes de demain à l’aune du réchauffement en cours. Bref, la ville du tout-voiture et de la surconsommation est derrière nous.
A la ZFE actuelle, dont une partie de Vénissieux est concernée, la Métropole veut désormais étendre le dispositif à la totalité des villes de Lyon, Caluire, ainsi que les zones intra-périphériques des villes de Vénissieux, Bron et Villeurbanne. Puis l’élargir à un périmètre beaucoup plus large comprenant les communes de l’est lyonnais. Le tout assorti d’aides et de dérogations.
Il faut agir, mais malgré l’urgence, il faut aussi savoir s’accorder un peu de temps. On ne change pas un parc automobile du jour au lendemain. Toutes les familles ou tous les professionnels n’ont pas le budget pour acheter un véhicule électrique ou hybride. Et le contexte d’hyper inflation actuel a modifié les priorités du moment : elles se concentrent sur les charges directes, à savoir la consommation d’énergies, l’alimentation, le paiement des loyers…
Notre ville a adopté une ligne claire depuis le début de la ZFE. Le conseil municipal du 31 janvier 2022 a formulé un avis favorable, sur les objectifs de la ZFE-VP 5+, mais un avis réservé, sur les actions et les mesures d’accompagnement envisagées, ainsi que sur les moyens financiers et humains à mettre en œuvre. L’ extension de la ZFE confirme dans sa délimitation l’impact social de la mesure.
Pourquoi l’Ouest lyonnais n’est-il pas concerné ? Parce que les habitants aux revenus médians les plus élevés basculent ou ont déjà basculé vers l’achat de véhicules Crit’air 0 et 1. Les moyens des familles à l’Est de l’agglomération étant plus limités, le parc automobile évolue beaucoup plus lentement. En clair, on garde son véhicule car on n’a pas le budget pour s’en acheter un autre. Dans le cadre de cette ZFE 2, la Ville de Vénissieux veut réduire l’impact sur les habitants, autant pour les 16288 propriétaires des véhicules de Crit’air 3 et plus qui sont concernés pour l’ensemble de la zone étendue que pour les 15398 propriétaires des véhicules de la zone centrale. Notre ville considère à l’heure actuelle que les personnes aux revenus limités n’ont pas les moyens financiers d’acquérir un véhicule Crit’air 0 ou 1. Les aides de l’État et de la Métropole ne le leur permettent pas, d’autant que le marché d’occasion est déséquilibré entre des véhicules essence ou diesel à la cote dépréciée et des véhicules électriques dont la valeur augmente.
Ce projet concerne plus de 80% des Vénissians, et beaucoup d’entre eux ne mesurent pas concrètement les effets de la mise en place de la ZFE. Notre ville a donc décidé d’organiser début 2023 une grande concertation avec les habitants aussi bien sur le dispositif lui-même que sur l’avis de la ville. Qu’attendent-ils au niveau des aides, des dérogations ? Comment imaginent-ils leurs prochaines mobilités ? Quelles attentes et quels besoins en termes de transports en commun ? L’expression des Vénissians est capitale, elle viendra renforcer nos demandes auprès de la Métropole. Étude sur le marché de l’occasion, possibilité d’ouvrir de nouvelles aides en fonction des nouveaux critères, élargissement de certaines dérogations, mobilisation des employeurs dans l’accompagnement des salariés, prise en compte des déplacements liés au travail de nuit : notre ville défendra de nombreuses propositions auprès de la Métropole afin que les conditions d’une ZFE socialement juste soient réunies. Nous partageons l’objectif final d’un air moins pollué dans l’agglomération lyonnaise. Mais nous formulons aussi des réserves sur l’extension aux véhicules Crit’air 2, pour lesquels il convient de ne pas précipiter les choses.
La ZFE sur l’ensemble de la Métropole, c’est 20 000 personnes concernées en 2022, pour les critères 5+. Ensuite, ce sera 45 000 pour les Crit’Air4, puis 150 000 pour les Crit’Air 3, sans parler des Crit’Air 2, pour lesquels il faut déjà s’interroger.
Il nous faut avancer pas à pas, sans créer d’inégalités entre les territoires et entre les habitants de la Métropole, sans créer de nouvelles exclusions. N’inventons pas un libéralisme vert, qui serait source de profits pour les uns et surcoûts pour les plus modestes, et qui surtout diviserait et détournerait les Français du défi majeur du réchauffement climatique. Ce schéma-là serait contre-productif à tous les égards. Ne l’oublions pas, la ZFE est avant tout une question de justice sociale dont son succès dépend, ni plus ni moins.
Je vous remercie.
