Arrêtés contre les expulsions : audience au tribunal administratif

Le 15 avril 2013 – Retrouvez la vidéo et l’intervention de Michèle PICARD, lors de la requête en référé des arrêtés interdisant sur la commune de Vénissieux les expulsions locatives, les coupures d’eau et d’énergies et les saisies mobilières le lundi 15 avril 2013.

Le 15 avril 2013

Retrouvez la vidéo et l’intervention de Michèle PICARD, lors de la requête en référé des arrêtés interdisant sur la commune de Vénissieux les expulsions locatives, les coupures d’eau et d’énergies et les saisies mobilières le lundi 15 avril 2013.

8,6 millions de Français vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit 14 % de la population.  Parmi eux, 50 % sont en situation de très grande pauvreté (moins de 780 Euros/mois).

Une précarité tellement exponentielle qu’elle est hiérarchisée : les pauvres et maintenant les plus  pauvres ! Mais au final un constat dramatique : des milliers de personnes sont privées, en France, au 21ème siècle, des droits les plus fondamentaux et vitaux.

Les associations caritatives n’arrivent plus à faire face à cette explosion de la précarité qui frappe aujourd’hui toute la population.

  • † 2 millions de travailleurs pauvres.
  • † Les moins de 25 ans représentent 43 % de la population pauvre.
  • † Le chômage est de 10, 2 % et frôle le taux historique de 1997.
  • † 1 personne sur 3 renonce à se soigner faute d’argent – 4 millions de Français n’ont pas de mutuelle.

La crise du logement touche 1 Français sur 6

  • † 700 000 personnes sont privées de domicile personnel.
  • † 150 000 vivent dans la rue
  • † La Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale du Rhône (FNARS) tire la sonnette d’alarme : le 115 est dans l’incapacité de répondre à plus de 80 % des demandes d’hébergement.

Les prix de l’énergie explosent : En 7 ans, le prix du gaz a augmenté de 76 %.

Vénissieux, une ville populaire qui compte plus de 50 % de logements sociaux, est particulièrement touchée : j’apporte les derniers chiffres connus :

  • † En 2009 : 32 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté (étude Compas 2012)  a le double de la moyenne nationale.
  • † En 2009 : près de 57 % des foyers vénissians étaient non imposables sur le revenu contre 41 % dans le Département.
  • † En 2009 : le taux de bas revenus était de 35 % contre 17 % dans le Département
  • †Fin janvier 2013, Vénissieux comptait près de 7 000 demandeurs d’emplois, soit un taux de chômage de 27 %.
  • † 14,3 % de la population est bénéficiaire du RSA contre 5,7 % dans le Département
  • † L’an dernier, 12 000  personnes ont sollicité les services sociaux de la ville, toutes demandes confondues a plus de 20 % en 1 an.
  • † Un nombre important de demandes de domiciliations en Mairie a 110 en 2012 : 33 % ont pourtant un emploi !
  • En 2 ans, les aides financières accordées par le CCAS ont augmenté de près de 16 % : elles concernent principalement les difficultés de paiement des factures d’énergies et les loyers. Une inquiétude soulignée en 2012 par l’Union Nationale des CCAS.
  • †En 2012 : sur plus de 5 000 enfants inscrits à la cantine, 39 % ont bénéficié de réduction de cantine soit plus de 23 % en 3 ans.

 

Derrière les chiffres

  • ŽLa détresse humaine de milliers de personnes confrontées à des difficultés qui s’enchevêtrent, se démultiplient et les enfoncent dans un véritable cercle vicieux de la précarité. Au quotidien la même angoisse : comment se nourrir, se soigner, se loger, se chauffer ? Un sentiment de colère, d’épuisement et d’abandon et une peur : celle de sombrer dans l’exclusion.
  • ŽUn désespoir qui peut mener à l’irréparable – Exemple : le 15 février 2013 à Nantes : un chômeur en fin de droit s’immole par le feu devant une agence de Pôle Emploi.

 

En tant que maire, cette pauvreté je la côtoie au quotidien !

  • Ž Développement sur la ville de groupes de 4/5 personnes qui vivent dans des tentes. Des situations prises en charge par nos services au travers du dispositif de prévention et de sécurisation des populations.
  • Ž Repérage d’hommes, de femmes qui dorment dans leur voiture
  • Ž Apparition de la mendicité sur la ville
  • Ž Un dispositif de veille sociale, mis en place par la Ville et renforcé lors du plan grand froid pour repérer, orienter et trouver des solutions à ces situations.

 

Jusqu’à quand allons-nous supporter ces bidonvilles et autres favelas de la honte ? Il n’est pas acceptable, il n’est pas tolérable de laisser ainsi des familles entières, des enfants vivre dans des conditions dignes du Moyen-âge !

 

Les infirmières scolaires et enseignants témoignent de situations intolérables sur la ville

  • Des enfants qui n’ont pas de suivi médical régulier : les parents ne peuvent pas assumer les frais d’ophtalmologie ou d’orthodontie car ils n’ont ni CMU, ni mutuelle.
  • Des enfants en échec scolaire : comment faire ses devoirs quand on vit dans un logement surpeuplé, sans espace personnel ?
  • Des enfants stigmatisés, isolés, humiliés : pour eux, pas de sorties scolaires car même l’achat d’un pique-nique pose problème. Leur quotidien : la queue aux Restos du Cœur ou au Secours Populaire.

 

En 2010, le Défenseur des enfants nous interpellait déjà sur les conséquences de la pauvreté chez les enfants ayant des effets comparables à ceux de la guerre !

  • † La pauvreté des enfants représente à elle seule les 2/3 de la progression de la pauvreté en France.
  • † Aujourd’hui 1 pauvre sur 3 est un enfant, un niveau jamais atteint depuis 1996
  • † 600 000 enfants sont victimes du mal logement.
  • † 20 000 sont sans domicile fixe.
  • † Dans son rapport 2012, l’UNICEF fait ce constat effroyable : plus de 10 % des enfants français sont en situation de privation et n’ont pas accès aux éléments de base nécessaires à leur développement.

En clair : il existe aujourd’hui en France des enfants qui ne mangent pas tous les jours, qui manquent de soins et dorment dans les rues ! Tolérer que des citoyens soient privés de leurs droits, et notamment des enfants, c’est accepter un retour au déterminisme social insupportable ! Ne rien faire, c’est condamner les enfants pauvres d’aujourd’hui à être les exclus de demain !

Le Secours Populaire Français indique dans son enquête 2012 que :

  • Ž 85 % des Français se disent inquiets quant à l’avenir de leurs enfants. Ils considèrent que les risques de connaître un jour une situation de pauvreté, pour leurs enfants, sont plus élevés que pour leur génération.
  • Ž Les enfants eux-mêmes ont parfaitement conscience de cette précarité et redoutent à 58 % de devenir pauvres un jour.

Et pendant ce temps, les expulsions locatives continuent !

  • Ž A Vénissieux en 2012 : 211 assignations au tribunal, 60 concours à la force publique accordés, 40 programmations / 17 familles qui partent avant l’expulsion, par peur, par pression. Dix expulsions effectuées avec le concours de la force publique.
  • Ž Des chiffres qui restent stables grâce au travail considérable des services de la Ville et des partenaires sociaux â 10 expulsions c’est toujours 10 de trop !

Derrière les expulsions, saisies et coupures d’énergie :

  • ’La survie de millions d’hommes, de femmes et d’enfants.
  • ’La peur, la pression permanente, la souffrance, la culpabilisation, l’humiliation de milliers de personnes.
  • ’ Un véritable traumatisme qui pousse des hommes, des femmes à commettre des actes irréparables. Exemple : 29 octobre 2012 à Hazebrouck dans le Nord : une femme de 50 ans, mère de 2 enfants,  s’immole par le feu dans le bureau du maire de la Ville.

Les expulsions locatives : ce ne sont pas que des chiffres ou des dossiers administratifs, c’est avant tout une machine infernale qui détruit tout sur son passage. Jusqu’à quand accepterez-vous cela ? Combien de drames faudra-t-il encore avant de mettre fin à ces pratiques inhumaines ?

La précarité énergétique explose

  • † 3,8 millions de ménages sont concernés (Rapport 2012 Fondation Abbé Pierre).
  • † Selon le Médiateur national de l’énergie, 580 000 foyers ont été privés d’énergie en 2012 pour impayés.
  • † A Vénissieux, selon les situations connues par les services de la Ville, 421 foyers ont fait l’objet d’une mesure de maintien minimal d’énergie en 2012. 24 coupures ont été effectuées.

Ž  Là aussi, les conséquences peuvent être dramatiques : Exemple : le 11 décembre 2012 à Marseillan : un homme de 52 ans est retrouvé chez lui, mort d’hypothermie. L’électricité avait été coupée depuis plusieurs semaines.

Comment peut-on mourir de froid chez soi, dans la France du 21ème siècle ! C’est tout simplement scandaleux, c’est inhumain !!

Aujourd’hui, nous ignorons les situations à risques sur nos villes alors que nous sommes censés les prévenir :

  • Ž Les maires, de par leur pouvoir de police doivent assurer l’ordre public
  • Ž Comment, dans ces conditions, protéger les habitants ?
  • Ž En cas d’accident grave, c’est bien la responsabilité du maire qui est engagée !

Il faut être cohérent et donner aux maires les moyens d’assurer pleinement leur pouvoir de police !

  • † C’est pourquoi je demande à être informée en amont des coupures d’énergie et d’eau effectuées sur ma ville.
  • Ž Pour que soient mises en œuvre, au plus tôt, les mesures d’accompagnement social adaptées
  • Ž Pour prévenir les risques liés à l’utilisation de moyens de substitution de chauffage et d’électricité.

POURQUOI CES ARRETES ?

Pour interpeller les pouvoirs publics avant qu’il ne soit trop tard

Pour dénoncer ces pratiques indignes et inhumaines : parce que l’expulsion n’a jamais rien réglé, au contraire, elle ne fait que rajouter de la misère à la misère !

Pour lutter contre l’habitat indigne et ces marchands de sommeil, ces marchands de mort, qui spéculent sur la misère humaine !

Pour refuser que des hommes, des femmes, des enfants soient jetés à la rue et sombrent dans l’exclusion : En 2012, ce sont 423 personnes, sans domicile fixe, qui sont mortes en pleine rue, 102 depuis le début de l’année !

Il n’est pas supportable que des hommes, des femmes puissent mourir ainsi dans l’indifférence quasi générale !

CES ARRETES C’EST AUSSI :

Pour permettre à des milliers d’hommes et de femmes de conserver leur dignité.

Pour assurer à chaque enfant, le droit à un toit, le droit d’être chauffé, d’être soigné : le droit à un avenir !

Pour éviter les situations qui peuvent dégénérer : Exemple : 2 octobre 2012 à Toulouse : un homme de 59 ans se jette par la fenêtre de son appartement à l’arrivée d’un huissier venu lui signifier son expulsion locative.

– Il y a bien là, trouble à l’ordre public

– Il y a bien là, non assistance à personne en danger

– Ce sont des pouvoirs de police du maire, donc pleinement de ma compétence.

 

Pour prévenir les accidents dus aux moyens de substitution de chauffage et d’électricité : Exemple : Le 9 septembre 2012 à Saint-Denis : 2 morts et 16 blessés dans l’incendie d’un immeuble insalubre.

Pour que les droits fondamentaux pour tous, inscrits dans la Constitution, soient enfin respectés !

En prenant ces arrêtés

  • Ž J’assume pleinement mes responsabilités de maire.
  • Ž Je refuse ces bidonvilles des temps modernes qui se développent tous les jours un peu plus.
  • Ž Je n’accepte pas que mes administrés, sous pression, puissent mettre leur vie ou celle de leurs voisins en danger !
  • Ž Ces arrêtés : c’est un acte responsable, un acte de désobéissance civique nécessaire. Face à l’urgence sociale, c’est un acte de résistance, une assistance à personne en danger !
  • Ž Face à l’exclusion sociale la pire des attitudes serait l’indifférence !

Nous savons mieux que quiconque ce que vivent nos populations !

  • Ž ce sont les maires qui quotidiennement sont confrontés à la paupérisation de la société
  • Ž ce sont eux que l’on appelle lorsque les choses tournent mal
  • Ž garants de l’ordre public, c’est à eux de régler les situations explosives
  • Ž ils sont les pompiers de service et quand ils prennent des mesures de précaution, de prévention, on le leur interdit !

 

Que fait l’Etat pour assurer ses missions régaliennes ?

  • Ž Il ne remplit pas son rôle de sûreté d’emploi, de logement, d’accès aux soins, à l’éducation a des droits inscrits dans la Constitution.
  • Ž Il ne traite plus l’accompagnement social qui repose de plus en plus sur les communes sans moyens supplémentaires.
  • Ž Il n’assume pas sa mission de solidarité nationale.

Il se désengage du logement social

  • Ž Baisse de l’aide à la pierre et des APL.
  • Ž Racket sur le 1 % logement : 0,45 % aujourd’hui.
  • Ž Loi SRU modifiée : l’obligation de construction de logements sociaux passe de 20 % à 25 %.

Aujourd’hui 1/3 des communes ne respectent pas leurs obligations.  Ce ne sont pas ces maires « hors la loi » qui passent devant les tribunaux. Qu’attend-on pour les sanctionner ?

  • Ž Loi DALO non appliquée : 20 000 ménages reconnus prioritaires par la Commission Dalo n’ont toujours pas reçu de propositions de logement. Pire, certains ont mêmes été expulsés !

L’Etat doit être un véritable partenaire des collectivités pour trouver des solutions justes et humaines. C’est à lui d’assurer à tous les citoyens les droits fondamentaux et constitutionnels (santé, logement, éducation, emploi).

Je conclurai par ce témoignage d’une personne victime de précarité : « Dans le fait d’être pauvre, le pire, c’est de regarder la vie passer et de ne jamais être dedans. C’est difficile car même si l’on fait des efforts pour être dedans, on n’y arrive pas ! On ne veut pas de nous. ».

 

Je vous remercie de votre attention.

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