Vœux de la SACOVIV

… »Il y a 60 ans, un homme entrait en colère, se révoltait, et lançait un appel sur les ondes nationales, que la presse qualifiera « d’insurrection de la bonté » »…

Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD à l’occasion des vœux de la SACOVIV.

Il y a 60 ans, un homme entrait en colère, se révoltait, et lançait un appel sur les ondes nationales, que la presse qualifiera « d’insurrection de la bonté ». Cet homme, c’est l’abbé Pierre. Il faut relire ce texte court, ce texte coup de poing contre l’indifférence, j’ouvre les guillemets : « Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée… Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant l’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent !…

Tant que dure l’hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure… ». Et de conclure : « Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l’asphalte ou sur les quais de Paris. » Un combat d’hier, un combat d’aujourd’hui, avec au centre toujours cette question d’une vie digne, d’un toit, d’un logement pour tous, et notamment pour les plus modestes. N’oublions pas non plus que c’est à travers sa lutte et son engagement que la loi interdisant l’expulsion de locataires, pendant la période hivernale, sera adoptée.

60 ans plus tard, où en sommes-nous ? Peut-être pas au même stade, mais en tout cas dans le même état, un état de crise permanent et injustifiable. Plus de 10 millions de personnes touchées, de près ou de loin, par la crise du logement, soit 1 Français sur 6 ; 3,6 millions de personnes mal logées ; 100 000 personnes sont sans domicile fixe et pourtant, 30 % d’entre elles ont un emploi ; 600 000 enfants subissent les conséquences du mal logement, dont 30 000 sont sans toit. Ces chiffres, nous les connaissons tous, mais il ne faut pas hésiter à les rappeler, à les marteler, pour mesurer combien la crise du logement est massive, et combien le logement est devenu, ces derniers temps, un marqueur grave du déclassement social.

Si vous n’avez pas de logement, vous n’aurez pas d’emploi. Si vous n’avez pas d’emploi ou un petit salaire, vous n’aurez pas de logement, ou pas de logement approprié. Pour un enfant, cela veut dire être exposé à des risques sanitaires, cela veut dire aussi être exposé à un échec scolaire. C’est en cela que la crise du logement est terrible, car elle recouvre toutes les crises en même temps (celle du chômage, du pouvoir d’achat, de l’éducation, de la précarité énergétique, du droit à vivre dans la dignité, etc). Pour certaines familles, la part loyer représente entre 30 et 50% du budget mensuel, ce qui est insupportable financièrement. Il faut de toute urgence, sortir de la spéculation immobilière de ces deux dernières décennies, qui est à l’origine de la situation catastrophique actuelle.

Cette spéculation a été accompagnée par des politiques nationales qui, depuis la loi Barre en 1977, ont délaissé le logement social et laissé faire le marché, on en paye aujourd’hui, au prix fort, les conséquences. Lors de la campagne présidentielle, François Hollande avait affiché comme objectif de construire chaque année 500 000 logements, dont 150 000 logements sociaux. Les chiffres 2013 montrent que l’on est loin de les atteindre : un peu plus de 330 000 ont été livrés (niveau le plus bas depuis 10 ans), dont 110 000 logements sociaux, ce qui est mieux qu’en 2012, mais pas à la hauteur de l’objectif initial.

Quant aux demandes de permis de construire, elles étaient en chute de 15,7% fin 2013. Le ralentissement économique explique en partie ces mauvais chiffres, mais ils laissent peu de doute sur la suite : la crise du logement se poursuit inexorablement. Certains principes, comme le durcissement de la loi SRU, ou la cession du foncier public allant jusqu’à la gratuité, vont dans le bon sens, à l’inverse, l’encadrement des loyers, la mise en place de la garantie universelle des loyers, voulue par Cécile Duflot, semblent revus à la baisse, ce qui sous-entend que le rééquilibrage des rapports entre bailleurs et locataires n’est pas à l’ordre du jour. Lors des 12 derniers mois, Vénissieux a continué ses efforts à l’égard des familles modestes et des Vénissians. En 2013, 522 logements neufs ont été livrés dans notre commune, ce qui est considérable : 222 en locatifs sociaux, 191 en accession libre et 109 dans le cadre de résidences sociales, résidences étudiantes, Adoma, etc. Il ne s’agit pas d’actionner le seul levier social, mais bien de mettre en place une dynamique des parcours résidentiels, une diversité en mesure de répondre aux besoins de toutes les familles vénissianes.

Mais c’est à vous que je souhaitais m’adresser en priorité. La Sacoviv a connu une année mouvementée et difficile. Pour les SEM en règle générale, la double crise, celle du logement et celle de l’économie, rend la situation sur le terrain de plus en plus tendue. Des difficultés de management sont venues s’ajouter, et nous avons pris les décisions qui s’imposaient pour ramener de la sérénité, et avancer dans le bon sens. Il a fallu se serrer les coudes, trouver des solutions ensemble, et j’ai noté, à travers le Conseil d’Administration de la Sacoviv, la solidité de nos rapports avec l’ensemble de nos partenaires. C’est lorsqu’il y a des difficultés à surmonter que l’on apprécie la confiance réciproque qui nous lie.

Sur le fond, la ville de Vénissieux a fait le choix politique de rendre accessible le logement social au plus grand nombre, aux familles dans le besoin, c’est un choix politique fort qu’elle assume, de a à z ! La difficulté réside aussi dans la superposition de temps qui ne sont pas identiques : le temps de l’habitant, le temps de la SEM, le temps de l’urgence sociale, bref il faut répondre, le plus vite possible, à un ensemble d’attentes, alors que la crise rend le contexte général complexe et tendu. Il faut garder ce cap de la très grande utilité et de l’efficacité de la Sacoviv, toujours au service des Vénissians et d’un enjeu de société crucial à l’heure actuelle, le logement. Le nombre de demandes des familles, et la volonté des locataires de ne pas quitter le parc de la Sacoviv, montrent combien votre rôle et votre place, ici à Vénissieux, sont précieux. 2014 sera, je n’en doute pas, l’année d’une sérénité retrouvée et méritée.

Je vous souhaite à tous et à toutes une année d’épanouissement, une année d’espoirs pour vous, vos familles et vos proches. Je vous remercie.

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