Personnels de l’Éducation nationale

« Être enseignant n’est pas non plus un métier comme les autres. Parce que vous êtes à la base d’une société intelligente, à la base d’une société éclairée, à la base d’une société tolérante. »

D’abord, un grand merci, un immense merci même, pour les enfants de Vénissieux, pour la défense notre belle école républicaine, laïque et gratuite, pour cette question centrale de la citoyenneté et du vivre ensemble. Une école n’est pas un bâtiment public comme les autres. Être enseignant n’est pas non plus un métier comme les autres. Parce que vous êtes à la base d’une société intelligente, à la base d’une société éclairée, à la base d’une société tolérante. C’est entre vos mains, pas uniquement certes mais en grande partie, que l’enfant se construit, s’émancipe, qu’il s’ouvre au monde.

Muriel Dechant, Nathalie Chaminade, Fabienne Loreau, Agnès Galelli, Pierre Rochaix, Jean-Claude Tournier, Martine Arnaudies, Bernard Pourmonet, Antoine Castano, René Regaudiat, vous êtes dix cette année, IEN, professeurs du 1er et 2ème degré, directeur, proviseur, à prendre une retraite méritée, et à quitter les établissements de notre commune. Je sais que votre métier est éprouvant, qu’il demande beaucoup d’énergie, de l’attention, de grandes qualités d’écoute, et de la persévérance.

Quitter le milieu enseignant n’est d’ailleurs pas le verbe approprié, car aucun professeur n’abandonne jamais son intérêt pour les sciences humaines, ni même pour l’évolution des méthodes pédagogiques, ou les schémas d’acquisition des enfants. En somme, quand on intègre l’Éducation nationale, il y a une porte d’entrée, mais pas vraiment de sas de sortie. On est instituteur, professeur, principal, proviseur, inspecteur, dans les statuts, mais surtout dans l’esprit, et ça, c’est inaltérable.

Dans les quartiers populaires, la transmission des savoirs et des valeurs de tolérance est capitale. C’est devenu un enjeu de société, à l’heure où les repères se brouillent, où le numérique, formidable outil par ailleurs, peut créer des confusions, des amalgames. Votre métier structure les enfants, en leur donnant des bases, en favorisant leur émancipation, en stimulant leur esprit critique. Les dix dernières années ont été terribles pour l’Éducation nationale. Aux dizaines de milliers de suppression de postes se sont ajoutés une forme de déconsidération, de mépris, et des conditions de travail qui n’ont cessé de se dégrader. On peut déjà lire les deux conséquences négatives de ces politiques libérales : dans une étude qui vient d’être publiée, seulement 5% des enseignants français estiment que leur métier est valorisé par la société. Pas assez d’accès à des formations, des premières affectations de jeunes professeurs, souvent livrés à eux-mêmes, en ZEP : on a dévitalisé cette profession, au point de créer dans certaines disciplines, des pénuries en matière de recrutement.

Le deuxième indice est tout aussi consternant : dans sa dernière enquête, le rapport PISA souligne que les inégalités se sont creusées en France, et que dans certaines disciplines, de réels décrochages des scolaires français, parmi les pays de l’OCDE, ont été enregistrés. Ce n’est pas l’Éducation nationale qui a fait progresser le déterminisme social, mais bien des politiques nationales dévastatrices de casse aveugle et systématique des services publics. Nos enfants en payent le prix fort. L’éducation doit redevenir une priorité. A Vénissieux, cette priorité, contre vents et marées, n’a jamais cessé. Nous venons de fêter les 80 ans de l’école Pasteur.

A la rentrée, les jeunes vénissians découvriront leur nouveau lycée Jacques Brel. La construction d’un nouveau groupe scolaire dans le centre est actée, il ouvrira ses portes à l’horizon 2016. Bref, notre histoire commune avec le milieu enseignant, avec les parents d’élèves, avec la jeunesse et l’enfance, se poursuit à travers les générations. Nos combats aussi, pour la scolarisation des enfants dès l’âge de 2 ans, pour le remplacement des enseignants en congé maladie, pour la laïcité, pour cette école républicaine, une école de l’égalité des chances, sans discrimination, sans ostracisme. Cette prochaine rentrée, qui se fera sans vous, mais je sais que vous n’en serez pas très loin non plus, verra l’application de la réforme des rythmes scolaires, dans l’ensemble de nos 20 groupes scolaires. Il y a beaucoup à dire au sujet de cette réforme, qui a manqué de concertation en amont, et de financement en aval.

Ce qui est navrant au final, c’est que l’intérêt de l’enfant ait fini par être relégué à l’arrière-plan, chaque collectivité faisant comme elle peut, parfois même comme elle veut. Il n’est pas logique non plus de faire peser sur les budgets des collectivités, soumises à des politiques d’austérité sans précédent, la mise en place d’une réforme nationale, une réforme d’État.

Pour la ville de Vénissieux, le coût est estimé à 1 million d’euros, ce qui est considérable. Malgré tout, nous avons tenu à offrir aux écoliers vénissians, des activités périscolaires de qualité, d’éveil et de découvertes, car c’est cela aussi l’empreinte vénissiane, une ville qui favorise les conditions d’épanouissement de sa jeunesse. Voilà, je sais que vous avez donné beaucoup pour l’éducation de nos enfants, et pour la valorisation de notre ville, que vous serez toujours là pour défendre notre belle école publique. Alors au nom de tous les Vénissians, je vous adresse mes plus sincères et chaleureux remerciements.

Bonne et heureuse retraite à chacun d’entre vous !

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