Présentation de la saison théâtrale de 2014/2015 à Vénissieux.

…La programmation de la saison 2014-2015 du Théâtre de Vénissieux est à l’image de notre ville : diversifiée, libre, audacieuse. Des têtes d’affiche, des jeunes talents, du théâtre, de la danse, de la musique, de l’humour, des spectacles vivants, il y en aura pour tous les goûts, pour tous les âges, pour toutes les curiosités….

Jeudi 12 juin 2014.

Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD à l’occasion de la présentation de la saison théâtrale de 2014/2015 à Vénissieux.

Démocratisation de la culture et démocratie de culture. Ce sont ces deux dimensions que la ville de Vénissieux porte en elle, et développe dans tous ses quartiers depuis des années. Nous voulons briser les frontières tant géographiques que mentales. Démocratisation de la culture, c’est la rendre accessible au plus grand nombre, aux habitants, aux enfants, aux Vénissians. C’est l’implanter dans nos territoires, j’allais dire l’enraciner, avec des équipements publics de qualité. Ici, le Théâtre, là, la Médiathèque et les bibliothèques de quartier, ici le cinéma Gérard Philipe, là, l’école de musique Jean Wiener et les ateliers d’Arts Plastiques Henri-Matisse. Notre ambition ne se dément pas, et les faits nous donnent raison : dans un rapport récent, l’inspection générale des finances, en comparant des territoires similaires ayant bénéficié ou non d’une implantation culturelle récente, établit clairement une corrélation positive entre le développement socio-économique du territoire, et l’implantation culturelle structurelle d’un équipement ou d’un festival reconduit sur la durée. Les projets de la préfabrique Opéra et de Bizarre, s’inscrivent aussi dans cette optique de dynamiques de quartier, dans la naissance de lieux de vie qui modifient le proche environnement.

Démocratie de culture, c’est faire en sorte que les Vénissians ne soient pas simplement des spectateurs du monde de la création, mais des acteurs à part entière. Initiation, implication, éducation musicale, poétique, picturale ou illustrative, émancipation. La dimension culturelle est double, collective pour le vivre ensemble, individuelle pour l’éveil et l’esprit critique. Cette démocratie de culture, nous la renforçons à travers un travail de proximité remarquable, et je tiens à saluer toutes les directions, et toutes les équipes de nos équipements culturels. Les Musicianes, le festival Hors Cadre, les ateliers des Fêtes Escales, les résidences littéraires ou des compagnies dans ce théâtre, associent les jeunes, les enfants, et plus généralement les Vénissians, dans les processus de création. En somme, nous voulons que la démocratisation, chère à Malraux, rejoigne la démocratie culturelle chère au Front Populaire, et en 2014, ce pari n’est pas simplement un défi, c’est un cap que nous tiendrons malgré les politiques libérales populistes, réductrices et anti-culturelles, menées à Bruxelles et dans les États membres de l’Union Européenne.

La programmation de la saison 2014-2015 du Théâtre de Vénissieux est à l’image de notre ville : diversifiée, libre, audacieuse. Des têtes d’affiche, des jeunes talents, du théâtre, de la danse, de la musique, de l’humour, des spectacles vivants, il y en aura pour tous les goûts, pour tous les âges, pour toutes les curiosités. Avec plus de 12 600 entrées pour la saison 2013-2014 (dont 4 400 scolaires), et un taux de remplissage de plus de 87,5%, en hausse continue depuis deux ans, notre théâtre se porte très bien et rayonne bien au-delà de notre commune. Synergie entre nos équipements à l’intérieur, passerelles dressées vers l’extérieur (Scène Régionale Rhône-Alpes, la DRAC, partenariats avec le TNP, la Biennale de la Danse, adhésion au Groupe des 20, ScènEst) : le travail mené par la directrice, Françoise Pouzache, et toute son équipe, porte ses fruits.

L’engagement du théâtre pour l’égal accès des hommes et des femmes aux postes à responsabilités, aux financements et aux outils de travail dans le secteur culturel, mérite d’être souligné. Enfin, le récent succès des Belges Journées montre que l’originalité et l’audace peuvent conquérir un large public. C’est un beau pied de nez au formatage culturel, et à la culture de consommation, sans aspérités et si vite oubliée. Les politiques de soutien à la création que nous menons, à travers les résidences de compagnies (elles seront au nombre de 3 cette année), servent aussi à cela, à donner, à voir le monde autrement, à questionner, à interpeller, à émouvoir, à briser nos certitudes. A nous renvoyer à notre propre condition humaine.

Pour nos villes, nos quartiers, pour l’idée européenne elle-même, la culture est un bien trop précieux, pour la laisser entre les mains du marché et des grands groupes de communication. En tant que spectateurs, en tant que citoyens de notre ville, nous avons le devoir de défendre le monde de la création, aujourd’hui malmené et mis à mal. La situation et la précarité des intermittents en sont la preuve. Nous sommes bien à un tournant, en matière de politiques culturelles. Veut-on tout brader au culte de l’austérité ? En Europe, la plupart des pays tranchent brutalement dans les budgets de la culture. La France n’échappe pas à la règle : -2% pour 2014. C’est un contresens historique, mais aussi économique.

Le poids du secteur culturel dans l’économie en 2011, c’est près de 670 000 emplois en France, et 3,2% du PIB national. Veut-on, là encore, brader toute ambition pour la culture de proximité et pour l’aménagement de nos territoires ? Au terme de la réorganisation territoriale annoncée par Manuel Valls, sur quelle présence de l’État pourrons-nous compter ? Quel avenir pour les DRAC ? Comment la continuité territoriale sera-t-elle assurée, alors que les Régions vont couvrir des espaces de plus en plus vastes, et réunir des identités culturelles différentes ? Quels moyens financiers seront accordés aux collectivités, alors que le 1er ministre a annoncé la suppression de la clause de compétence générale ?

Sans oublier les 11 milliards d’euros d’économies, imposés aux collectivités d’ici 2017 ! Quelle culture publique, à l’heure de la puissance numérique, détenue majoritairement par le privé ? Toutes ces questions, nous devons les avoir en tête, pour défendre la création, une culture diversifiée, le vivre ensemble et la dynamique de nos quartiers. Je crois qu’une soirée hommage sera consacrée, au cours de cette saison, à Pier Paolo Pasolini. Homme engagé, dénonçant le conformisme de la bourgeoisie et la nature régressive du fascisme, ses films, d’une poésie sociale inégalée, galerie de visages lumineux du peuple italien et de destins tragiques, ont marqué nos mémoires.

C’est à lui que je laisserai le mot de la fin, en forme d’avertissement et de réveil de nos consciences : «  qui peut, à l’ombre du pouvoir, se permettre de parler des êtres humains comme s’il s’agissait de données ? ».

Je vous remercie et vous souhaite de très vives émotions, et de belles découvertes tout au long de cette nouvelle saison.

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