Médaille de la Ville à Monsieur Ali HAROUN

Retrouvez l’intervention de Michèle Picard à l’occasion de la remise de la médaille de la Ville à Monsieur Ali HAROUN : « …Car votre vie et votre engagement épousent parfaitement les relations, tragiques pendant la guerre, complexes par moments, porteuses d’espoir à d’autres, entre la France et l’Algérie, entre l’Algérie et la France… »

Jeudi 17 octobre 2013

Retrouvez l’intervention de Michèle Picard à l’occasion de la remise de la médaille de la Ville à Monsieur Ali HAROUN.

C’est avec une profonde marque de reconnaissance et d’amitié que je vous remets, Monsieur Ali Haroun, la médaille de la ville de Vénissieux.

Car votre vie et votre engagement épousent parfaitement les relations, tragiques pendant la guerre, complexes par moments, porteuses d’espoir à d’autres, entre la France et l’Algérie, entre l’Algérie et la France. Vous êtes au cœur de cette histoire, vous avez vu, vécu, les tourments d’une décolonisation que notre pays va manquer. A contre-courant de l’histoire, la 4ème République va se figer et se lancer dans une guerre sanglante qui, de fait, renie ses propres principes universels : œuvrer pour l’émancipation des peuples, l’autodétermination et le droit à l’indépendance des Etats souverains.

C’est une terrible occasion manquée, une impasse totale en forme de deuils et de drames pour le peuple algérien, que vous allez vivre au cœur de l’événement. L’histoire, par moments, emporte les hommes et forge leur existence. C’est votre cas, Monsieur Ali Haroun, puisque après des études primaire et secondaire à Alger, puis des années de droit dans votre pays natal mais aussi à la Sorbonne, vous allez devenir un membre actif du mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, puis de la fédération du FLN en France et du conseil national de la révolution algérienne.

L’année 62 est une année clé pour vous, que vous relatez avec brio dans votre livre, Algérie 1962, la grande dérive. L’implosion du FLN, le 6 juin à Tripoli, et la politique suicidaire de la terre brûlée suivie par l’OAS vont modifier le cours des événements et de l’indépendance.

Député d’Alger à l’assemblée nationale de la constituante en 1962-63, les dérives que vous constatez vous amènent à une éclipse de presque trente ans. Avant que vous renouiez avec la politique en devenant Ministre des Droits de l’Homme en 1991, puis membre du haut comité d’Etat, alors que l’Algérie allait traverser à nouveau une période sombre et tragique.

De la Toussaint Rouge au 17 octobre 1961, des années 62-63, je partage avec vous ce sentiment d’occasions manquées d’un développement commun et de la fondation de rapports plus sereins entre les deux rives de la Méditerranée.

J’ai encore en tête la conversation que nous avions eue il y a deux ans, une conversation où le souci de l’homme, de l’humanisme, du respect de l’autre et de l’apprentissage démocratique nous rassemblait autour de valeurs fortes et mutuelles. Il s’agit pour nos générations de sortir du déni et de l’amnésie, entretenus pendant de trop longues années par l’Etat français, et d’éviter les guerres mémorielles, qui attisent le ressentiment et la suspicion. Vous avez, Monsieur Haroun, le souci de la vérité historique, contre la langue de bois et la bien-pensance.

A travers des actions de sensibilisation auprès des jeunes générations, à travers les commémorations de notre histoire, à côté, il y a encore quelques minutes, de cette stèle du 17 octobre en mémoire des algériens qui ont perdu la vie dans les rues de Paris, la ville de Vénissieux a fait de la mémoire partagée l’un de ses objectifs et l’une de ses priorités. Une priorité et une urgence aussi, tant ce siècle naissant manque de repères et de valeurs communes. Vous aimez, je crois, l’homme et l’œuvre d’Albert Camus, alors je vous adresse l’une de ses phrases, qui pourraient très bien vous définir.

J’ouvre les guillemets : « J’ai toujours pensé que si l’homme qui espérait dans la condition humaine était un fou, celui qui désespérait des événements était un lâche ». Au nom des Vénissians, je vous remets la médaille de notre ville et vous remercie.

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