Les musicianes 2012

Lundi 6 février 2012 – Retrouvez l’intervention de Michèle Picard à l’occasion de la soirée d’ouverture des Musiciane? vendredi 3 février 2012

Lundi 6 février 2012

Retrouvez l’intervention de Michèle Picard à l’occasion de la soirée d’ouverture des Musicianes, vendredi 3 février 2012.

C’est le langage le plus universel qui soit, mais aussi le plus singulier. La musique parle à tout le monde, elle touche l’émotion directement, sans le filtre de l’intellect, elle est ce lien permanent avec le songe, la rêverie, les souvenirs, et ce, dès le premier âge. Langue universelle, sans frontières, d’autant plus partagée qu’elle est liée à des territoires, ancrée à des cultures, portée par l’histoire des hommes, des pays, de leurs émancipations.

C’est un voyage sonore que proposent les Musicianes, mais c’est aussi un voyage géographique, un voyage dans le temps et la diversité. Après Bach, après l’Argentine, après la Bretagne, notre quatrième édition s’ouvre à l’Espagne, soit une belle parenthèse ibère en plein hiver. Entre Vénissieux et l’Espagne, les rendez-vous se multiplient, et nous en sommes fiers. Nous avons fêté les 40 ans du foyer culturel espagnol en novembre dernier, anniversaire qui marque notre attachement à la communauté espagnole, et à notre histoire commune, depuis l’arrivée dans les années 20 des familles venues de Catalogne, de Castille ou d’Andalousie.

Notre ville a ensuite été chaleureusement accueillie à Manises, pour remettre son prix à la biennale internationale de la céramique, en novembre dernier. De l’Espagne, on connaît bien son cinéma, de Bunuel à Almodovar, sa peinture bien sûr, de Goya à Picasso, mais peut-être un peu moins sa musique. C’est l’occasion pour nous de découvrir et de s’initier à une mosaïque de sons, de danses et d’influences méconnues. Il y a le flamenco bien sûr, mais qui sait à quoi ressemble la sardane, et qui ne va pas être surpris par les influences tsiganes du groupe perpignanais Tekameli.

Du 3 au 9 février, auditions d’élèves, concerts, conférences, ateliers rencontres et soirée festive, vont se succéder dans différents lieux de Vénissieux, pour vivre ensemble des émotions, pour partager le travail des élèves et professeurs de notre belle école de musique Jean Wiener. Je profite de cette occasion pour souligner la qualité du travail, effectué pour la mise en place de ces Musicianes espagnoles, du nouveau directeur de l’école de Musique, Florent Vernay, et du personnel, qui ont poursuivi le projet lancé par l’ancienne directrice, Chantal Guiraud. Des passerelles se sont tendues entre nos différents équipements publics, du cinéma Gérard Philipe à la Médiathèque Lucie Aubrac, preuve d’une synergie culturelle forte à Vénissieux. Je tiens enfin à associer à cette belle manifestation, notre Foyer Culturel Espagnol, et l’Institut Cervantès de Lyon.

Des Fêtes Escales à ces Musicianes, Vénissieux tient, plus que tout, à démocratiser et à valoriser les rencontres et manifestations culturelles sur son territoire. Parce qu’elles sont synonymes d’ouvertures à l’autre et d’enrichissement personnel. Parce qu’elles cassent les frontières de la discrimination culturelle et du repli sur soi. Que ce soit en termes d’équipements publics, ou de mises en œuvre de politiques socio-culturelles (notamment auprès des enfants vénissians), la ville de Vénissieux a toujours fait preuve de volontarisme. Les villes populaires ont le droit à une culture populaire et exigeante, et leurs habitants ont le droit d’y avoir accès. Je le dis avec d’autant plus de persuasion, que ces droits élémentaires ne sont jamais donnés, et qu’il nous a fallu aller les conquérir, contre vents et marées.

La crise que nous traversons doit accroître notre vigilance. Ne cédons pas sur le terrain de la culture, quand les chantres du libéralisme nous affirmeront, et nous affirment déjà, que ça n’est plus une priorité. En Europe, le rabot de la rigueur, sur les budgets Culture des États de l’Union, est déjà à l’œuvre : entre 2010 et 2011 on note -22% pour la Grèce, -16,7% en Italie, -7,4% au Royaume-Uni, -7% en Espagne et aux Pays Bas. Des festivals essorés, des saisons raccourcies, une création indépendante sous perfusion, en France aussi, les coupes sont drastiques pour le Centre National du Cinéma, avec des recettes des taxes plafonnées, pour le Patrimoine (-7 millions d’euros), pour la création (-650 000 euros), pour la transmission des savoirs (-350 000 euros).

Sans oublier que le passage de la TVA à 7% va pénaliser en premier lieu, les petites librairies, ces dernières faisant part de leurs très vives inquiétudes. Le prix moyen du panier des librairies est en baisse, et le livre, qui était une valeur refuge, connaît depuis 2011, une diminution de ses ventes. L’augmentation de son prix ne va rien arranger. Cette situation fragilise les librairies indépendantes, qui dépendent le plus souvent du seul produit livre, contrairement aux grandes surfaces culturelles.

Bref du cinéma à la littérature, ce sont des secteurs entiers de la culture qui sont frappés de plein fouet, certains, comme le spectacle vivant, déjà en sursis. Entre les problèmes de droits d’auteur liés au numérique, la standardisation des œuvres, imposées par les grandes majors et les investissements déflationnistes des États, le monde de la création vit des heures cruciales, qui demandent notre mobilisation.

Qu’on ne se méprenne pas, s’attaquer à la culture, c’est s’attaquer à ce qui dérange, à la liberté d’expression qui nous est propre, au vivre-ensemble qui nous est cher. C’est s’attaquer à la vie de quartier, aux associations et au dynamisme de nos villes. La culture est un bien trop précieux pour qu’on le laisse aux mains des argentiers et financiers, dont on connaît, c’est le cas de le dire, la petite musique.

Je vous remercie et vous souhaite d’excellentes Musicianes 2012.

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