Journée de la Laïcité

… »Notre école n’enseigne pas ce qu’il faut penser, mais comment parvenir et réussir à penser par soi-même. »…

J’aimerais dans un premier temps remercier et féliciter, tous les acteurs de cette journée de la laïcité, tous ceux qui font vivre ce principe d’une république laïque au quotidien, dans tous les territoires et parmi nous. Peut-être, avec un léger temps de retard, avons-nous tous compris qu’il était temps de passer d’un acquis de la laïcité, à un réapprentissage de ce qu’elle signifie ? De l’intangible intemporel à sa revitalisation urgente.

Merci donc à Daniel Roy et, plus généralement, aux délégués départementaux de l’Education Nationale de Vénissieux, merci aux écoles, directeurs et enseignants, qui ont invité et incité les enfants, à participer à cette opération de sensibilisation, dénommée « la grande lessive ». Merci aux services, aux agents qui s’impliquent dans l’organisation de ce rendez-vous du 9 décembre. Merci aux jeunes élus du CME, présents ici-même, devant notre arbre de la Laïcité. Et merci aux jeunes des EPJ, d’avoir  organisé un ciné-débat, au cinéma Gérard Philipe, auquel je vous convie en début de soirée, à partir de 18h30. Enfin, merci aux membres de notre commission Laïcité et Vivre ensemble, qui ont ouvert à Vénissieux, un espace d’échanges, de discussions, de démarches pratiques, dans le seul souci de sensibiliser et de démocratiser la laïcité.

De tous les pays laïques, la France est l’un des seuls à avoir inscrit ce principe, au cœur de sa constitution. Nous vivons donc ensemble, sous son régime et sous son influence, j’ai envie de dire, sous sa grandeur. Pour éviter tout amalgame, toute confusion, ou toute méconnaissance, il faut emprunter les chemins les plus directs, les plus simples et les plus parlants, que propose à nous la laïcité.

Il y a des principes qui protègent, et d’autres qui interdisent. La laïcité est un principe qui nous protège. Elle n’est pas non plus une religion de l’anti-religion, pas plus qu’elle ne signifie une société « sans religion ». Elle ne stigmatise pas ni ne montre du doigt telle ou telle confession.

C’est un instrument de concorde, pas de discorde, à l’exception des populistes, identitaires et apprentis sorciers, qui veulent en faire un objet de division, au cœur même de notre société. De toute évidence, pour mieux attiser la haine et le rejet de l’autre.

Alors, de quoi parle-t-on aujourd’hui ? D’une laïcité française, d’une laïcité de combat, d’une laïcité positive, d’une laïcité contraignante, d’une nouvelle laïcité ? La loi 1905, qui pose des jalons forts, laisse aussi des questions sans réponses, que chacun est tenté d’accommoder à sa propre convenance, à ses propres intérêts.

Revenons là encore, à la définition la plus simple, celle par exemple d’un député socialiste et grand résistant, à la tribune de l’assemblée constituante, André Philip, en 1945. J’ouvre les guillemets : « Le cadre laïque se donne les moyens de faire coexister sur un même territoire des individus qui ne partagent pas les mêmes convictions, au lieu de les juxtaposer en une mosaïque de communautés fermées sur elles-mêmes et mutuellement exclusives ».

C’est à ce cadre que nous devons nous attacher, un cadre de respect et de séparation, entre l’espace privé et l’espace public, un cadre qui garantit la liberté de culte, sans prosélytisme, et le respect mutuel entre croyances et convictions, entre croyants et non croyants, entre les confessions elles-mêmes. Aucune société ne naît laïque, elle le devient. Il y a donc une notion de volonté collective et de processus historique, en marche. Voltaire et 1789 viennent à l’esprit, qui posent les premiers jalons de la laïcité, en obtenant la suppression des privilèges ecclésiastiques.

Il y a ensuite les deux grandes lois, du 28 mars 1882 et du 30 octobre 1886, instituant respectivement, dans l’École publique, la laïcité des enseignements, et celle des personnels.

Enfin la loi de 1905, et la séparation de l’église et de l’Etat. J’en rappelle l’article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes, sous les seules restrictions édictées ci-après, dans l’intérêt de l’ordre public. »

En clair, l’opinion spirituelle relevant de la conscience individuelle, la loi empêche l’influence du religieux dans les espaces politiques, administratifs, publics, comme l’école bien sûr. Le principe laïque n’est pas qu’un cadre, un texte, il s’agit de le mettre en pratique sur le terrain, de l’expliquer également, tant il prête à des interprétations confuses.

Premier point, il n’y a pas de laïcité sans l’Etat, lequel est le garant de l’intérêt général, le régulateur de l’espace public, et le fédérateur, dans le cadre de la République, d’une communauté de destin. Moins d’Etat, c’est moins de laïcité. Moins d’Etat, c’est plus de morcellement. Moins d’Etat, c’est moins de règles communes, et plus de tentation hégémonique d’un groupe, d’une religion par rapport à une autre. Le virus des discours libéraux, tenus depuis les années Thatcher-Reagan, du toujours moins d’Etat, a créé les conditions de l’affaiblissement de la laïcité. Il ne faut pas s’en étonner. Dans son livre, « Allons aux faits », brillament sous-titré, « croyances historiques, réalités religieuses », Régis Debray nous livre ce constat, on ne peut plus contemporain.

Je le cite : « On peut d’ailleurs observer que lorsque les idéologies politiques n’ont plus rien de religieux, les croyances religieuses redeviennent politiques, en venant combler le vide d’espérance. L’attente des hommes a deux cordes à son arc, quand la séculière casse, la religieuse se met à vibrer. »

Les croyances ne meurent pas, elles mutent, et elles mutent d’autant plus rapidement, que l’espace politique et public se dévitalise. Là encore, c’est une question de fond qui nous est posée, et que nul ne doit ignorer.

Dans ce contexte, le rôle de l’école publique, l’école de la République, est capital. Elle est la première marche naturelle qui mène à la laïcité. L’enfant y découvre la différence,et il y découvre le respect de la différence. Notre école n’enseigne pas ce qu’il faut penser, mais comment parvenir et réussir à penser par soi-même. Différence, respect, libre exercice de l’esprit critique, cet ensemble porte un nom : il est la laïcité, que chacun de nous porte en lui, et que chacun de nous défend.

Je vous remercie.

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