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CONSEIL MUNICIPAL : Esplanade Frida Kahlo

Dénomination de l’esplanade Jean Cagne, Esplanade Frida Kahlo

Intervention de Michèle PICARD sur le rapport n°24 : CONTRAT DE VILLE – Dénomination de l’esplanade située entre les numéros 14 et 32 bis de l’avenue Jean Cagne, Esplanade Frida Kahlo

Dans les manuels scolaires, en histoire notamment, comme dans l’espace public, il y a un réel déficit de la présence des femmes, comme si le récit national et la géographie des lieux appartenaient majoritairement aux hommes. C’est cet effacement, cette relégation à un arrière-plan que notre Ville veut combler.

Femmes politiques, femmes résistantes, femmes scientifiques ou femmes artistes, toutes celles qui ont œuvré pour le bien collectif, pour l’égalité des droits, la démocratie, la liberté et les valeurs progressistes, méritent au même titre que les hommes d’occuper nos espaces, rues, équipements, de les habiter, de les personnaliser. Flora Tristan, Simone Veil, Anne Sylvestre, Lucie Aubrac, Lise London, pour ne citer que les dernières en date, appartiennent désormais à la mémoire collective vénissiane.

Un travail avec la Métropole a été mené pour l’appropriation de l’esplanade par les habitants. Outre les marches exploratoires en 2021 et 2022, une animation, tout en couleurs et peinture sur le sol, a été organisée le 24 mai dernier pour favoriser l’identification du lieu par les riverains. Cet espace est le leur, ce sont les Vénissians qui vont le faire vivre et l’animer au quotidien.

L’esplanade située entre les numéros 14 et 32 bis va donc porter le nom de Frida Kahlo. Devenue une icône planétaire, l’artiste mérite que l’on dépasse l’image commerciale qui lui a été associée pour explorer en profondeur son œuvre et l’affirmation de la place de la femme au cœur d’une société mexicaine à l’époque très patriarcale.

Autoportraits, plus de 200 tableaux, son art a été classé comme surréaliste, mouvement auquel elle refuse d’appartenir.

«En fait j’ignore si mes tableaux sont surréalistes ou pas, mais je sais qu’ils sont l’expression la plus franche de moi-même. Le surréalisme m’apparaît comme une manifestation décadente de l’art bourgeois 

Frida KAHLO

Et de poursuivre : « J’aimerais que ma peinture et moi-même soyons dignes des gens auxquels j’appartiens et des idées qui me donnent de la force. J’aimerais que mon œuvre contribue à la lutte pour la paix et la liberté ».

Ses tableaux sont aussi une thérapie contre les coups durs qu’elle a subis : une poliomyélite, qui lui vaudra le surnom dès son enfance de « Frida la boiteuse », et puis cet accident d’autobus terrible, dont elle sort gravement blessée, abdomen et cavité pelvienne transpercés par une barre de métal, bassin et colonne vertébrale fracturés au niveau des lombaires.

C’est au cours de ces nombreux séjours à l’hôpital que sa vocation se précise. « Je ne suis pas morte et j’ai une raison de vivre. Cette raison, c’est la peinture », affirme-t-elle. Les conséquences de ses nombreuses blessures sont irréversibles : Frida Kahlo ne pourra pas avoir d’enfants. Elle fait de cette cicatrice profonde le moteur de son expression artistique. C’est peut-être là aussi que s’affirme l’esprit de son œuvre : la place de la femme dans l’imaginaire collectif du Mexique et la représentation du corps féminin dans son impossibilité à l’enfantement, à la maternité, le corps comme un empêchement, une infirmité ou comme une limite brisée.

Dans ses autoportraits, la force de son regard frappe les esprits : elle cache une blessure et la surmonte dans un mouvement d’absence et de profondeur, quelque chose qui va plus loin que ce que nous essayons de percer. Engagée au Parti Communiste Mexicain, Frida Kahlo défie l’ordre patriarcal en affichant son indépendance et sa bisexualité.

Elle œuvre essentiellement pour l’émancipation des femmes dans la société mexicaine, refuse les parcours tout tracés sous l’œil inquisiteur des hommes, se démarque pour aspirer à une vraie liberté, détachée des normes et codes collectifs.

A travers ses rencontres, c’est aussi une partie du XXème siècle qui défile. Il y a bien sûr le peintre qu’elle admire, Diego Rivera, dont elle deviendra l’épouse dans le cadre d’une relation passionnée et tumultueuse, mais aussi André Breton, Leon Trotsky. A Paris, elle croisera la route d’Yves Tanguy, Pablo Picasso et Vassily Kandinsky. Frida Kahlo est une artiste singulière, de tempérament, et ses tableaux, de par leurs couleurs et compositions, affichent une frontalité, une originalité et une puissance assez uniques. Pour finir, la Métropole devrait donner son accord afin que le nom de Frida Kahlo soit accolé au nom de la station du T4 Cagne. De par son parcours, son œuvre, ses blessures intimes et ses engagements, Frida Kahlo a bien toute sa place dans notre ville.

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