Conférence de presse Saint-Jean Industries

Cliquez sur l’image pour visionner le reportage-vidéo et l’intervention de Michèle Picard

Dans le combat contre la fermeture de l’entreprise Saint-Jean Industries de Vénissieux, en 2009, le député-maire et l’équipe municipale, s’étaient engagés aux côtés des salariés en lutte pour la préservation du site et des emplois. Les 109 salariés licenciés avaient ensuite porté l’affaire en justice. Le conseil de prud’hommes, dans son jugement du 29 juin 2010 a qualifié ces licenciements comme abusifs.

Afin de faire un point sur la procédure en cours et le jugement rendu par le conseil de prud’hommes, Michèle Picard et André Gerin, député du Rhône, ont organisé une conférence de presse Jeudi 28 octobre 2010 à 17 h 30 à l’Hôtel de Ville en présence des ex-salariés et de leur avocat conseil. Retrouvez, ci-après, l’intervention de Michèle Picard et le reportage vidéo réalisé à cette occasion.

Mesdames, Messieurs,

Le mémoire réalisé par la direction départementale du travail suite à la fermeture de Saint Jean Industries est profondément injuste et totalement décalé par rapport à la réalité de terrain.

Rendre les salariés responsables de la liquidation judiciaire de l’entreprise est mensonger et démontre une mauvaise foi évidente. Je peux en témoigner, par une présence assidue, jour après jour, aux côtés des salariés alors que leurs combats pour sauver leur entreprise, a été exemplaire. Mais les dés étaient pipés dés le départ par un patron manipulateur, voyou, au comportement immoral. D’ailleurs, le conseil des Prud’hommes a qualifié les licenciements d’abusifs et démontré le comportement manipulateur de son dirigeant qui est à l’origine du dépôt de bilan de l’entreprise.

Le jugement des Prud’hommes rétablit donc les salariés dans leurs droits. A côté de la perte d’un emploi, c’est une petite victoire, mais rétroactivement, elle conforte dans leur honneur, dans leur savoir-faire, les employés de Saint-Jean Industries que la direction a manipulés tout en essayant de les accuser d’être les responsables de la fermeture du site.

C’est un véritable gâchis humain. 108 salariés ont été licenciés, et aujourd’hui encore 50% sont toujours sur le carreau.

Au quotidien, c’est une pression psychologique avant l’annonce du plan de licenciements, puis une pression économique avec la précarité et le chômage. C’est une perte du savoir-faire et de la transmission du savoir entre générations, un lien intergénérationnel fort à Saint Jean Industries où il n’était pas rare de trouver plusieurs membres d’une même famille, souvent père et fils. Il faut se rappeler qu’à l’origine, avant d’être racheté par Saint Jean Industries, les Fonderies Duranton, avait une longue tradition d’entreprise familiale avec des dirigeants responsables qui connaissaient et respectaient le travail et les hommes. C’est enfin une mutilation du patrimoine industriel vénissian et de son histoire.

Dans ce conflit, nous avons affaire à une direction aux comportements cyniques et manipulateurs. Manipulateur dés le début avec le sauvetage de Duranton en 2005 qui n’était qu’un leurre pour récupérer l’appareil de production et réaliser une opération immobilière sur le site. Sinon, comment expliquer l’absence d’investissements stratégiques dans l’usine de Vénissieux alors que le groupe développe l’activité en Croatie.

Le jugement des Prud’hommes met en avant le comportement fautif et manipulateur du dirigeant de la société mère de Saint Jean Industries : c’est bien le PDG de Saint Jean qui a rompu le contrat avec Renault Trucks (50% de l’activité de Saint Jean) pour spéculer dans un premier temps sur l’augmentation du prix des pièces, puis justifier la liquidation de l’usine au nom de la crise économique. Les prud’hommes confirment que les licenciements économiques sont bien des licenciements sans cause réelle et sérieuse.

Nous avons à faire à un cynisme sans borne du président de la société, M. Di Serio, qui transmet en septembre dernier aux villes environnantes, des offres d’emploi à destination des habitants pour son site de Belleville-sur-Saône.

Avec un culot et un cynisme à toute épreuve, il efface d’un coup de gomme les 108 salariés, les traite comme des kleenex jetés après usage. C’est insupportable et inacceptable ; il veut se faire passer pour un grand entrepreneur, mais sur l’échelle de la loyauté, du respect de l’outil de travail et des forces de production, il n’arrive pas aux chevilles des salariés, de ceux qui se sont battus pour sauvegarder l’entreprise. Avec les élus de la République, il se comporte avec autant de suffisance et de mépris, comme si nous devions nous soumettre à leurs diktats.

C’est en capitulant sur l’autel de la finance que l’Etat a accompagné la désindustrialisation de notre pays. Des pans entiers de l’industrie ont été balayés, asphyxiés pour finalement être rayés de la carte, que ce soit la sidérurgie, la métallurgie, l’automobile … De 1980 à 2007, la part de l’industrie dans l’emploi total a reculé de 11 points, passant de 24% à 13%, avec une perte de 1,9 millions d’emplois (3,4 millions d’emplois en 2007 contre 5,3 en 1980). Cette démission totale s’est traduite par l’effondrement de l’embauche sous statut permanent, des licenciements massifs d’ouvriers peu qualifiés, le recours à l’intérim et aux contrats temporaires lors des périodes de croissance et des salariés menacés dés que la production se contracte.

C’est la politique du moindre coût social, la concurrence à l’intérieur même de l’Union européenne et la pratique du dumping social qui tire vers le bas les salaires, les protections et les conditions de travail et détruit toute forme de transmission du savoir-faire.

Ce n’est pas un contexte à la Zola que je vous décris, mais bien la réalité vécue par des millions d’hommes et de femmes. Les salariés de Saint Jean Industries l’ont vécu au quotidien ces dernières années.

Je peux témoigner des conditions de travail, d’une usine mal entretenue avec des mises en danger des salariés de Saint Jean Industries à Vénissieux. Je pourrais vous parler des « ateliers pigeons » où les salariés travaillaient au milieu des fientes, des trous dans les plafonds, avec le risque qu’une goutte d’eau tombe sur le métal en fusion et produise des accidents de travail.

Et dans ces conditions de travail déplorables, j’ai vu des salariés responsables, dignes, attachés à leur outil de travail, à leur usine. Même si le travail était dur, physique, ils l’aimaient. Ils étaient fiers de ce qu’ils faisaient. Ils auraient pu m’en parler pendant des heures. J’ai vu la détresse des salariés inquiets sur leur avenir, des salariés dégoûtés et révoltés par la façon dont ils étaient traités, d’abord culpabilisés puis jetés comme des kleenex. Alors oui, auprès de ses salariés, sur le terrain, au fil de nos échanges, de nos liens noués dans la lutte, de l’amitié qui s’était tissée, j’ai mesuré combien leur combat était exemplaire, combien il était emprunt de dignité, de courage, de respect que ce soit de l’outil de production et des locaux. J’ai ressenti de la colère. Colère contre toute cette casse humaine. Colère contre ce jeu de monopoly mené par le monde de la finance, au détriment des hommes et des savoir-faire. Colère contre ces usuriers qui prospèrent sur les champs en ruine et sur le dos des salariés.

Contre ce système articulé autour de l’argent roi, du profit facile et des dividendes réservés à quelques-uns, nous opposons l’intérêt général, l’intérêt de millions d’hommes, de femmes, de leurs familles. Il n’y a pas de fatalité, un autre mode de développement tourné vers l’homme, par l’homme et pour l’homme, est possible.

conference de presse St Jean Industries281010



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