Colloque « La scolarisation des filles »

… »Nos combats, ce sont ceux de toutes les générations, celles d’hier, celles d’aujourd’hui, celles de demain. Un combat en forme de relais, de transmission, pour faire avancer, avec les hommes, les droits des femmes, partout où ils sont bafoués, rognés ou ignorés. »…

La ville de Vénissieux est heureuse d’accueillir l’association Regards de Femmes, à l’occasion du colloque international organisé dans le cadre de la 5ème quinzaine de l’égalité femmes-hommes de la Région Rhône-Alpes. Heureuse parce que vos combats, vos préoccupations sont les nôtres.

Nos combats, ce sont ceux de toutes les générations, celles d’hier, celles d’aujourd’hui, celles de demain. Un combat en forme de relais, de transmission, pour faire avancer, avec les hommes, les droits des femmes, partout où ils sont bafoués, rognés ou ignorés.

Dans l’espace public, dans l’espace privé, dans le monde du travail comme dans l’imaginaire collectif, le droit des femmes est un marqueur. Marqueur de l’émancipation d’une société ou marqueur au contraire de la régression d’une société. Aucun droit ne nous a été donné, il a fallu les conquérir un à un, et il n’y aurait pas pire erreur de les croire figés dans le marbre, définitivement acquis.

C’est notre vigilance, notre combativité, notre capacité à dénoncer des inégalités injustifiables et à interpeller les pouvoirs publics, qui feront changer, et c’est le plus difficile, les mentalités, qui feront reculer les idées réactionnaires et rétrogrades.

Le thème de votre colloque porte sur la scolarisation des filles, sur les difficultés qu’elles rencontrent tout au long de leur parcours. Je trouve légitime et nécessaire d’ouvrir ce débat. Oui, le droit des femmes se joue dès l’école, car sans l’accès aux connaissances nul ne peut être en mesure de discerner ce qui lui est dû de ce qui lui est imposé.

La conscience du droit est le préalable à la quête pour l’obtenir. Or, aujourd’hui encore, 100 millions d’enfants n’ont pas accès à l’enseignement primaire à travers le monde, dont 55% de filles. Par propagation, les femmes représentent 64% des adultes dans le monde qui ne peuvent ni lire ni écrire en comprenant le sens des mots.

L’égalité d’accès à l’éducation scolaire entre les filles et les garçons est impérative mais, là encore, les buts ne sont pas atteints. L’objectif de la parité des sexes dans le primaire ne serait pas rempli ni respecté dans plus de 85 pays. Ces inégalités de traitement perpétuent des schémas culturels et patriarcaux que personne ne veut remettre en question.

Sans éducation, la jeune fille deviendra la femme cantonnée aux tâches domestiques. L’enjeu est bien évidemment majeur, aussi bien pour l’émancipation des femmes que pour l’acquisition de droits et, enfin, d’un réel statut social.

Les ramifications de l’éducation scolaire touchent tous les domaines, de la lutte contre l’analphabétisme à l’enjeu sanitaire, de l’autonomie financière à la représentation sociale et politique. Elles sont le creuset du droit des femmes et elles sont son avenir, dans la mesure où une mère qui a eu accès aux connaissances, favorisera par la suite la scolarisation de sa fille.

Il serait faux de croire que notre modèle républicain nous mette à l’abri de toute forme de ségrégation et de discrimination. Des freins existent. Le premier réside dans les insuffisances du modèle éducatif et social français à dépasser, voire à faire reculer le déterminisme social.

Pour le dire plus crûment, en fonction des territoires et des classes sociales, les jeunes ne partiront pas avec les mêmes chances d’égalité. L’Etat doit tout mettre en place pour corriger des écarts à la fois de parcours et de cursus inacceptables.

Comment expliquer également que les jeunes filles, qui réussissent mieux leurs études que les garçons, soient ensuite sous-représentées dans les postes à responsabilités, les directions ou les professions les mieux rémunérées ?

Et puis, il y a aussi les freins culturels ou psychologiques, des stéréotypes ancrés dans le collectif imaginaire que nous devons faire reculer. L’absence de mixité est flagrante dans l’enseignement professionnel.

En matière d’éducation physique, des différences sont là encore marquées. Alors que 51% des filles pratiquent le sport en France, seulement 32% le font en zones d’éducation prioritaire. La pression familiale, la théorie du genre, des interdits religieux font obstacle à un accès partagé et démocratique de certaines disciplines.

Il faut également maintenir une diversité dans les activités proposées, de façon à répondre à toutes les attentes, sans préjugés ni ostracisme.

Agir au quotidien, agir au plus près du terrain et des réalités, mettre des mots, quitte à froisser la pensée unique et les mentalités, sur des discriminations injustifiables : la défense des droits des femmes passe par la loi, le droit commun et les politiques de proximité.

Je ne vais pas lister toutes les actions menées par la ville de Vénissieux, toujours à la pointe de ce combat. Avec le collectif Femmes, avec Filactions et toutes nos associations de terrain, avec l’éducation nationale et nos 6 équipements polyvalents jeunes, nous menons des campagnes régulières de sensibilisation sur les rapports filles-garçons et les notions de respect, accompagnées de moments forts comme le 8 mars et notre festival Essenti’Elles.

Nos appels à projet « La preuve Form’elle » visent également à promouvoir la pratique du sport au féminin. La pertinence des politiques de proximité n’est plus à démontrer, mais ce sont elles, malheureusement, que l’austérité et les baisses de dotation envers les collectivités menacent très directement. Paradoxe d’un droit des femmes que l’on sait fragile et d’un état qui cède sur ses missions régaliennes.

Il faut la force des mots, du verbe, mais jamais ils ne remplaceront la force de l’action et de l’accompagnement.

Je remercie l’association Regards de femmes, ainsi que l’ensemble des participants et intervenants de ce colloque passionnant, auquel je prêterai une attention toute particulière.

Merci à vous tous.

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