Bernard Giraudeau, un combat au long cours à poursuivre

Acteur, écrivain, cinéaste, militant, homme de tolérance, Bernard Giraudeau a toujours fait preuve d’une très haute dignité dans tout ce qu’il a entrepris, dans tout ce qu’il a vécu, dans son rapport aux différentes cultures, les plus proches comme les plus éloignées, et dans son amour des textes et des mots.

Le 20 juillet 2010

Un visage éclairé et gracieux, un esprit curieux et voyageur, un homme de mer qui aspire au grand large et à l’autre rive, même si le corps fatigue, même si le corps vous menace, même si le corps ne répond plus ou vous trahit pour vous laisser seul face au vide, au ressac que représente une mort annoncée, une fin déjà écrite. Acteur, écrivain, cinéaste, militant, homme de tolérance, Bernard Giraudeau a toujours fait preuve d’une très haute dignité dans tout ce qu’il a entrepris, dans tout ce qu’il a vécu, dans son rapport aux différentes cultures, les plus proches comme les plus éloignées, et dans son amour des textes et des mots.

Son combat face au cancer, croisé comme une mauvaise rencontre inévitable, n’a pas échappé à sa règle de vie. Là encore, il y a été question d’humanité et de dignité, de recul face à la mort et d’humilité, de silences douloureux face aux quatre rechutes dont il a été victime et de l’anonymat dans lequel la médecine peut parfois cantonner le patient.

Bernard Giraudeau n’a pas mis en scène sa maladie, mais il l’a rendue publique, en a parlé avec des mots justes, sobres, sincères, avec les mots de tous les jours. Son témoignage, frontal et sans concession, doit être prolongé et doit servir, dès maintenant, à réorienter les politiques publiques. J’avais été profondément bouleversée par l’interview qu’il avait accordée à Libération en mai dernier où il faisait part d’une sincère colère : « On a une médecine bafouée, attaquée par les pouvoirs publics qui veulent faire des économies à tout prix. On dirait qu’ils n’ont pas connaissance de ce qui est…il y a de plus en plus de malades, de plus en plus de pathologies. Et en face ? De moins en moins de médecins. Ils courent d’un bureau à l’autre, ce sont des queues pour un examen, une radio. L’hôpital fait ce qu’il peut, et il le fait bien. Mais cela ne suffit pas ».

Le constat est terrible, il se passe de commentaires, et doit tous nous interpeller. Parcours d’un coureur de fond auquel la collectivité, par souci de pure rentabilité, ajoute des obstacles ignobles et intolérables sur le chemin d’un combat que l’on sait si difficile. Ils sont des milliers ainsi, à subir à leur corps défendant , oui à leur corps défendant, un traitement indigne et indécent, pas du corps médical mais bien des politiques en matière de santé publique, dans un pays comme le nôtre.

Bernard Giraudeau a fini par lever l’ancre ce week-end, vaincu mais pas vraiment disparu. «La mer enseigne aux marins des rêves que les ports assassinent », écrivait-il dans son roman « Les hommes à terre », recueil de cinq histoires entre terre et mer. Son éclectisme, sa sensibilité, son regard sur le monde qui nous entoure forment une œuvre humaine profonde, cohérente, une œuvre au long cours. Ses actions pour la liberté d’expression, ses réflexions et son témoignage contre (et avec) la maladie sont désormais de notre ressort. A nous de les poursuivre.

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