Festival Essenti’Elles 2025 – Journée des droits des femmes

Les droits des femmes, c’est sur le terrain, dans le quotidien, qu’on les renforce. Ils doivent s’inscrire dans le concret.

Intervention de Michèle PICARD, Maire de Vénissieux, Vice-présidente de la Métropole de Lyon à la lutte contre les discriminations et l’égalité femmes-hommes, au Festival Essenti’Elles, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.

Notre festival Essenti’elles est au croisement de deux combats : celui des droits des femmes et celui de la culture.

Pour le premier, il ne s’agit pas d’un combat des femmes contre les hommes mais des femmes avec les hommes. Pour obtenir une égalité de droit dans le monde du travail, dans notre société, dans la sphère privée,. Ici et maintenant.

Nous ne voulons pas d’un fauteuil pour les hommes et d’un strapontin pour les femmes.

Le deuxième combat concerne la culture. Une culture populaire, comme ferment de la cohésion sociale, de la liberté d’expression et de l’épanouissement individuel.

Cette culture que le budget du gouvernement Bayrou met à mal. Combien de collectivités territoriales, auxquelles l’Etat impose des contraintes financières sans précédent, annoncent déjà des réductions drastiques des aides à la culture.

Y a-t-il des parallèles entre le combat des droits des femmes et le monde de la création ? Oui, je le crois. Dans cette volonté d’affirmer la diversité, de faire entendre une autre voix, d’aspirer et de construire un autre monde.

Ainsi notre 13ème édition du Festival Essenti’elles s’achève aujourd’hui.

Ce Festival tient sa place, pas seulement à Vénissieux, mais à l’échelle de la Métropole où il a acquis une notoriété.

Je remercie tous nos services mobilisés d’avoir fait en sorte, année après année, que notre manifestation rayonne au-delà de notre ville.

Je salue aussi la synergie entre nos équipements culturels : médiathèque et cinéma, l’école de musique Jean Wiener, Bizarre. Ils se sont associés pour faire résonner les droits des femmes à travers la création et la culture populaire.

L’édition était placée sous le signe de l’écoféminisme, mais c’est bien évidemment la place des femmes dans nos sociétés qui en formait l’ossature. Dire qu’il y a de nouveaux droits à conquérir et beaucoup de travail à accomplir est un euphémisme. Pour autant, je ne dirais pas non plus qu’il n’y a pas eu de progrès, que ce qui était permis hier l’est toujours aujourd’hui.

Non, la parole s’est libérée. Des femmes fortes comme Gisèle Pelicot ouvrent la voie pour faire évoluer la société, déconstruire les préjugés autour du viol et des agissements sexistes et modifier en profondeur les rapports entre les hommes et les femmes.

C’est ce que lègue Gisèle Pelicot à notre société. « Que la honte change de camp » comme elle l’a dit. Et c’est à nous de donner une suite au courage de toutes celles qui dénoncent l’abject et la soumission. Oui, c’est vrai chacun aimerait que ça aille plus vite, et dans tous les domaines.

137 féminicides en 2024, 16 depuis le 1er janvier 2025, tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. 213 000 femmes victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint chaque année.

Ces chiffres sont terrifiants. Car malgré la prise de conscience réelle de ce fléau de société que constituent les violences faites aux femmes, la décrue n’est pas amorcée.

Dans la sphère privée comme dans le monde du travail, les inégalités ont la vie dure.

Les femmes sont majoritaires dans les métiers peu valorisés. En France, plus d’une femme sur 4 occupe un emploi à temps partiel, contre moins d’un homme sur 10. En majorité, ces temps partiels sont subis, pas choisis. 42 % des femmes disent qu’elles ne peuvent avoir un travail rémunéré en raison de la charge trop importante au sein du foyer.

Elles sont aussi surreprésentées dans les filières mal-rémunérées. Aides-soignantes, infirmières, dans les métiers de la petite-enfance dont la pénurie d’effectifs affecte l’ensemble de l’activité. A Vénissieux comme partout en France.

Est-il normal qu’une aide-soignante en France gagne un salaire moyen de 30% inférieur à celui en vigueur en Espagne ?

Aujourd’hui, les hommes restent rémunérés en moyenne 24,4% de plus que les femmes.

Ainsi ces inégalités salariales continuent de perpétuer une société fondée sur le patriarcat et des critères sexistes. Elles sont aussi prononcées à la base de la pyramide qu’à son sommet. 6 femmes PDG seulement parmi les 120 plus grandes entreprises françaises.

On peut étendre ces injustices à la politique ou au secteur culturel. Les femmes artistes gagnent en moyenne 27% de moins que leurs homologues masculins à compétences égales ou poste égal.

Dans toutes les strates de notre société, il y a des droits à conquérir. Comme nos aînées le savaient, comme nous le savons. En faisant preuve aussi de vigilance pour conserver des acquis que les forces réactionnaires cherchent à abroger.

L’instabilité politique dans laquelle nous sommes entrés ne favorise pas l’émergence de lois fortes pour les droits des femmes.

Ces dernière années, l’IVG a été inscrite dans la Constitution. Mais je crois que sur ce sujet, il faut rester vigilant. Ce droit essentiel pour une femme de disposer de son corps suscite toujours le rejet chez les plus conservateurs.

Le plan interministériel Toutes et Tous égaux pour la période 2023-2027 a été lancé. Il soulève notamment la spécificité de la santé des femmes. Et la difficulté d’accès aux soins pour les femmes en situation de précarité ou les familles monoparentales.

Elles ont moins recours aux professions de la santé. Moindre suivi gynécologique, moindre accès à la contraception et aux dépistages du cancer du sein, moindre prévention des maladies cardio-vasculaires.

Il y a là une vraie urgence sociale. Ce plan interministériel ouvre des perspectives, mais ne sont-elles pas immédiatement condamnées par le dernier budget en date ?

Le gouvernement demande aux collectivités territoriales 2,2 milliards d’économies.

Entre les ponctions, réductions de budget et le gel de l’augmentation de la TVA affectée aux collectivités, on serait même plus proche des 7 milliards.

Or, je le dis très clairement : les droits des femmes, c’est sur le terrain, dans le quotidien, qu’on les renforce.

Ils ne peuvent être cantonnés aux grands discours et bonnes intentions. Ils doivent s’inscrire dans le concret. Ici un logement d’urgence, là le recours au planning familial. Ici un CDI plutôt qu’un temps partiel, là des aides et des possibilités pour la garde des enfants. Le levier des droits, on l’oublie trop souvent, agit dans la proximité.

Dans ce cadre-là, pénaliser les collectivités locales est contre-productif et laisse présager un recul des droits des femmes dans de nombreux domaines et sur l’ensemble du territoire national.

Nous avons fait des droits des femmes l’une des priorités de ce mandat, comme des précédents.

C’est donc un enjeu de société pour les villes que nous voulons bâtir. Un enjeu crucial pour la place des femmes à Vénissieux. L’accès à la santé et la lutte contre les violences conjugales sont ainsi essentiels.

Je les porte ici à Vénissieux et bien sûr à la Métropole en tant que Vice-Présidente en charge de la Lutte contre les discriminations et de l’égalité femmes/hommes.

Pour la quatrième année consécutive, la Ville de Vénissieux s’est engagée aux côtés de la Métropole de Lyon, en partenariat avec Règles élémentaires, dans la collecte de protections périodiques au printemps dernier.

A Vénissieux, ce sont près de 20 000 protections périodiques (tampons, serviettes…) qui ont été récoltées et redistribuées aux femmes dans le besoin.

Dans le cadre de la campagne national Octobre rose, la Ville a souhaité réserver un moment de sensibilisation et de prévention autour du cancer du sein, et de manière générale, à la santé des femmes.

Ainsi, l’après-midi du 16 octobre a eu lieu un forum à la Maison des fêtes et des familles.

Les personnes présentes ont pu rencontrer les différents partenaires de l’événement, participer à des ateliers d’autopalpation ou encore récolter des informations sur le dépistage du cancer du sein.

Consolidées par notre Contrat Local de Santé 2022-2026, nos actions en matière de santé sont transversales. Dans notre forum « Rendez-vous avec ma santé », nos Ateliers Santé Ville ou nos campagnes de sensibilisation auprès des jeunes dans les EPJ, collèges.

Sur la lutte contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre, Vénissieux est, je le crois, à la pointe du combat dans la Métropole.

La Ville a mis en œuvre, avec l’association VIFFIL, la convention 25 femmes, afin d’accompagner 25 femmes victimes de violences vers l’autonomie.

Par ailleurs, la Ville dispose d’un conventionnement avec VIFFIL pour la mise à disposition d’un logement d’urgence à destination des victimes, visant à les accueillir temporairement avant de leur offrir une solution de logement, d’éloignement et d’accompagnement sur le plus long terme.

Et cette coopération s’est renforcée avec l’entrée dans la convention des Villes de Saint-Fons et Corbas. Cela permet aux victimes vénissianes d’être logées hors du territoire communal, favorisant ainsi l’éloignement avec l’auteur des violences.

Notre ville dispose aussi d’un volet de lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales, porté par la DUPS. Il est mis en œuvre par un groupe travail associant divers acteurs de terrain et d’accompagnement social.

Ces dispositifs intègrent également une intervenante sociale en commissariat. Elle occupe une place centrale dans la mise en relation entre la victime et les différents services sociaux pouvant l’accompagner.

En interne aussi, auprès des agents et dans toutes les directions, les droits des femmes doivent être renforcés.

Notre index de l’égalité professionnelle, notre dispositif de signalement des violences, nos formations à destination des agents d’accueil du public et des agents de la Police Municipale pour adopter les bons comportements face aux victimes de violences conjugales sont autant d’outils pour avancer vers plus d’égalité.

La ville a d’ailleurs décidé d’organiser un événement dédié à ses agents dans le cadre de ce festival Essenti’elles 2025, afin de porter le combat en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes jusque dans nos murs.

Les droits des femmes sont donc un long cheminement. Des Suffragettes à Simone Veil, d’Olympe de Gouges à Gisèle Halimi, de Flora Tristan à George Sand ; un long parcours, jalonné d’avancées, de régressions, de combats acharnés, de conquêtes, emprunté par des femmes et hommes célèbres, mais également par des anonymes.

Finalement, c’est un corps social en mouvement qui écrit cette histoire-là. Jamais achevée, elle passe des mains d’une génération à la suivante, et dans laquelle chaque homme et chaque femme d’aujourd’hui peuvent s’inscrire.

Je vous remercie.

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