10 ans après, c’est toujours NON !

Il y a 10 ans, près de 55 % des Français ont dit « Non » à la Constitution européenne et donc refusé, par biais de référendum, une Europe de la concurrence libre et non faussée.

Deux ans plus tard, en 2007, la ratification du traité de Lisbonne foulait au pied la souveraineté populaire. 5 ans après et sans aucune concertation, le Traité européen (TSCG), ratifié à son tour, ouvrait les portes à une austérité impitoyable, massive et permanente.

Dans une France prisonnière de l’Union européenne, l’heure fut donc à la concurrence la plus exacerbée entre les salariés des divers pays concernés. En un claquement de doigts, la vie humaine d’un travailleur s’est transformée en pur objet de marketing. D’importants reculs sociaux et démocratiques se sont fait jour en même temps que l’absence de volonté des leaders politiques européens de s’opposer frontalement à la domination de la finance. En pleine crise économique, l’État a renfloué les banques sans aucune contrepartie. La politique de la Banque centrale européenne –  organisme soi-disant indépendant – a préféré les intérêts des banques privées. Les spéculations ont explosé, la course à la compétitivité internationale s’est accentuée. Les goinfres de la finance, en très gros consommateurs de profits, ont fait ralentir l’activité économique et la croissance. Captant l’essentiel des bénéfices de notre économie, ce sont eux qui ont créé la dette. L’offensive patronale s’est renforcée  avec un objectif : contenir les salaires tout en augmentant la productivité de chaque salarié.

Une dernière étape vient d’être récemment franchie. Encouragée par le gouvernement de Manuel Valls, la loi Macron est venue fusiller le droit du travail à coup de 49.3. Les chantiers de la démolition sociale ont repris de plus belle. C’est ainsi que, sous l’influence des milieux libéraux, des grandes entreprises et de l’Union européenne, tous les acquis issus du Conseil national de la Résistance ont été méthodiquement démantelés. Je pense notamment aux diverses réformes des retraites dont l’âge de départ s’éloigne comme un mirage, à la sécurité sociale d’Ambroise Croizat qui subit des attaques répétées depuis des années, au droit du travail sans cesse détricoté, à l’électricité et au gaz dont la nationalisation n’est plus qu’un lointain souvenir. Même la presse qui avait pourtant acquis sa liberté, est aussi entre les mains de grands patrons liés au pouvoir.

La France, exsangue, souffre de désindustrialisation chronique. Nombreuses sont les usines qui mettent la clé sous la porte. 900 ont fermé en 3 ans. Un chiffre qui fait froid dans le dos. Sous couvert d’un « coût » du travail trop élevé – comme si le travail représentait un coût – toutes les filières sont plus ou moins touchées : automobile, électronique, pharmacie, raffinage, agro-alimentaire… Pour exemple : la Grande-Bretagne produit aujourd’hui davantage d’automobiles que la France alors que son industrie était moribonde il y a quelques années. Adieu les trente glorieuses. Adieu ateliers et usines.

C’est la notion même de travail qui est malmenée. Le lien social se délite aussi dans les usines et dans les entreprises. En délocalisant, en laissant faire la finance, on détruit l’emploi mais on détruit aussi ces lieux de vie, d’échanges, de luttes, d’innovation, de recherche et d’analyse. Les liens intergénérationnels grâce auxquels la transmission des savoir-faire est possible, sont désagrégés.

Notre société est atomisée, sans repères ni idéal. Elle se radicalise dangereusement. La droite renoue avec ses racines conservatrices. L’extrême-droite dont la doctrine entonne de faux airs antilibéraux, poursuit son ascension et se banalise. La crise financière, à travers des taux de chômage alarmants, frappe notamment les jeunes et les plus de 55 ans. Pourtant, la réalité est évidente ! L’exigence folle de rentabilité à court terme et les logiques financières sont la cause de ce marasme.

Que dire des collectivités, premier maillon local. Elles sont étranglées financièrement par cette Europe qui vampirise tous les États du continent. Pire, l’avenir même des communes est menacé. Les métropoles, créées dans un but compétitif, viennent ébranler tout ce qui constitue la démocratie locale. Ces super technostructures mettent en concurrence les territoires entre eux au détriment des populations et des missions de service public. Elles étouffent les financements et les compétences des communes. La notion même de « République, une et indivisible » est mise en défaut. C’est là tout le sens de mon intervention prononcée lors de ma conférence de presse du 11 mai dernier, après les élections partielles de Vénissieux à l’occasion de notre réinstallation au Conseil de métropole.

Le service public est sacrifié sur l’autel des objectifs économiques. Il s’affaiblit progressivement au détriment des usagers. L’intérêt général a perdu de sa pertinence. L’école publique, faute de moyens, se délite, elle ne remplit plus son rôle d’ascenseur social. Le contraste entre les établissements est tellement marqué qu’il n’est pas excessif de parler d’une école à deux vitesses. Dans ces conditions, les enfants des milieux populaires viennent grossir les rangs de ceux qui sortent du système scolaire sans diplôme.

Conséquence des choix politiques, le secteur culturel, véritable variable d’ajustement, est en berne. Festivals annulés, structures ou associations fermées faute de subventions. Un bilan qui ne cesse de s’alourdir.

« On est trop habitués en Europe à bénéficier du libre-échange des biens, de la circulation des capitaux, en échange de rien. »

De Thomas Piketty – Le Nouvel Observateur, 29 janvier 2015

La domination de la finance sur nos sociétés n’est pourtant pas inéluctable ! Des alternatives existent. Elles peuvent aisément mettre au pas la finance et briser cette logique inhumaine.

Nous devons rompre sans tarder, avec le traité de Lisbonne, totalement illégitime, et refuser cette voie sans issue dans laquelle on veut nous engouffrer. Nous avons le pouvoir de construire une autre société, plus juste et plus équitable. Les Français aspirent à une Europe qui s’inscrive dans  l’esprit du programme du Conseil national de la Résistance « Les jours heureux ». Ils veulent une Europe sociale, une Europe qui défende les salariés, l’industrie et les savoir-faire, une Europe de la solidarité, une Europe des Peuples.

10 ans après c’est toujours NON ! Non à l’Europe de la finance et de la misère sociale.

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