Travail dominical ou l’esclavage des temps modernes

22 décembre 2014

Depuis plus de 20 ans, les entorses à la loi se multiplient sous la pression du lobbying économique : dérogations injustifiées, ouvertures tardives, sous prétexte notamment de créer des emplois. On nous dit alors que l’ouverture des commerces le dimanche va faire appel au volontariat. Qui peut encore croire que les salariés disposeraient de leur pleine liberté pour répondre à cette demande ? S’agissant des contreparties salariales, elles n’auront plus lieu d’être si le dimanche devenait un jour banalisé.

Contre toute attente, le gouvernement a décidé d’ouvrir le débat au Parlement sur la question du travail du dimanche et du travail nocturne. Le projet de loi présenté par le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, dit « projet de loi pour la croissance et l’activité » sera débattu à partir du 22 janvier 2015 à l’Assemblée nationale. Il prévoit l’institution de nouvelles zones touristiques ainsi qu’un nombre d’autorisation d’ouvertures annuelles allant de 5 à 12 jours dont 7 dimanches avec l’autorisation des maires.

Depuis plus de 20 ans, les entorses à la loi se multiplient sous la pression du lobbying économique : dérogations injustifiées, ouvertures tardives, sous prétexte notamment de créer des emplois. On nous dit alors que l’ouverture des commerces le dimanche va faire appel au volontariat.  Qui peut encore croire que les salariés disposeraient de leur pleine liberté pour répondre à cette demande ?  S’agissant des contreparties salariales, elles n’auront plus lieu d’être si le dimanche devenait un jour banalisé. Les salaires dans cette branche étant notoirement insuffisants, principalement ceux des femmes qui représentent à elles-seules 80 % des employés du commerce, d’aucuns n’ont pas d’autre choix que le travail dominical. Ceci ne peut se faire qu’au détriment de sa vie de famille, de son repos, de sa santé et bien entendu de ses loisirs. Les enfants et les jeunes auraient beaucoup à y perdre si leurs parents étaient acculés à travailler, ne pouvant plus assurer correctement leur mission éducative.

Plus près de chez nous, les salariés de Carrefour Vénissieux, l’ont bien compris. La direction avait programmé avec 161 magasins du même groupe, une « hyper nocturne » le 19 décembre dernier jusqu’à 23 heures. La lutte des syndicats l’a contrainte à faire machine arrière.

Face à la frénésie conjointe d’une droite ultralibérale et d’un parti socialiste en plein reniement de ses propres valeurs, il est urgent de rappeler un certain nombre d’exactitudes. Il y a trois aspects absolument fondés en ce qui concerne le travail du dimanche : il ne crée aucune croissance économique, le nombre d’emplois créés est nul, voire négatif, a contrario, il permet à la grande distribution de gagner des parts de marchés sur le commerce traditionnel.

Dans la conscience collective et l’histoire de la France, le dimanche est un jour particulier. Il demeure un point d’ancrage fondamental dans la vie sociale et familiale des Français. Il contribue à faire société, synchronise le temps de repos et constitue aussi bien un repère culturel que temporel. C’est un véritable marqueur collectif. Un jour de repos imposé définitivement par la loi du 13 juillet 1906. Renier cette idée c’est revenir à une conception primitive de la société.

Le travail du dimanche ne peut être qu’une exception liée à la continuité des services d’urgence et de la vie sociale. La généralisation des ouvertures dominicales reviendrait à détruire le code du travail, à poursuivre la fuite en avant vers toujours moins de droits, à tuer définitivement les petits commerces, essence de vitalité économique, moteur d’emplois et source de convivialité dans notre pays.

Nous sommes face à une politique en déliquescence, une société en perte de valeurs et des acquis durement remis en cause. L’économie est au service de l’homme et non l’inverse.

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