Ce matin se tenait une table ronde sur le thème« Territoire Zéro Non Recours ». Dans cette lutte contre la pauvreté, obstinée et résolue, il est essentiel de s’attaquer aux processus qui maintiennent les personnes hors des dispositifs de droits sociaux.
La lutte contre la pauvreté est au centre de notre engagement pour le droit de toutes et tous à une vie digne et à des perspectives d’avenir justes et épanouissantes. Ce sont en effet des jeunes, des familles, des personnes âgées, des parents seuls, en situation de précarité, qui ne sollicitent pas les aides auxquelles ils ont droit.
Sur une ville où la pauvreté touche 32 % des habitants, il est crucial que les personnes soient mieux orientées et aient recours à leurs droits, pour ne pas créer de nouvelles difficultés. Face aux besoins de nos concitoyens, alors que le nombre de foyers au RSA avait augmenté de 21 % entre 2019 et 2021 à Vénissieux, c’est avec détermination que la Ville a soutenu l’expérimentation Territoires Zéro Non Recours, lancée en octobre 2021.
Nous travaillions sur cette action innovante, au sein d’un collectif de 20 structures de la métropole lyonnaise, depuis janvier 2020 déjà, à un moment où la précarité matérielle puis psychique, liée la crise covid, était manifeste, criante et s’amplifiait.
Dans cette lutte contre la pauvreté, obstinée et résolue, il est essentiel de s’attaquer aux processus qui maintiennent les personnes hors des dispositifs de droits sociaux. Selon la DREES, 40 % des personnes considèrent que le manque d’information sur les aides est la cause principale du non recours. La seconde raison la plus avancée, pour 25 % des personnes, est la complexité des démarches. A cela s’ajoutent des raisons personnelles multiples, bien connues et bouleversantes : l’isolement social, la crainte d’effets induits, de stigmatisation, l’estime de soi, ou encore le dénigrement de ses capacités.
En deux mots, il nous faut redoubler d’effort pour mieux informer et accompagner !
En ce sens, l’expérimentation Territoires Zéro Non Recours, objet du temps d’échange très enrichissant et nécessaire que nous venons de partager, permet de travailler à objectiver les freins du côté des services publiques, des partenaires sociaux et des partenaires privés qui rencontrent les publics :
On ne questionne sûrement pas assez les usagers qui s’adressent à nous ;
– Notre action peut être trop standardisée, uniforme, alors qu’on accompagne des individus aux parcours de vie saccadés et aux quotidiens incomparables ;
– Nos personnels manquent de formation ou sensibilisation pour pouvoir considérer un ensemble de situations et ne pas rester centré sur une mission particulière…
– Et évidemment, l’insuffisance de l’aller vers.
Le non-recours aux droits sociaux est encore plus incompréhensible dans les villes populaires, où nos concitoyens ont très souvent de revenus très faibles.
L’avènement du numérique a aussi fortement modifié nos comportements, nos habitudes et démarches administratives. La multiplication des démarches en ligne peut ainsi rendre tout cela encore plus difficile, même si sur ce sujet nous déployons à Vénissieux une démarche proactive (formation aux outils et dispositifs numériques, permanences numériques, écrivain public numérique…) pour lutter contre la fracture numérique. Rien ne peut cependant remplacer le fait d’avoir en face de soi un être humain plutôt qu’une borne automatique ! Les points d’accueil du public sont la base essentielle de tous nos services publics !
C’est en addition à nos guichets d’accueil des publics que l’aller-vers est essentiel ; ne serait-ce que pour comprendre les motifs du refus ou du non-usage des droits et dispositifs, et tenter de les anticiper dans les modalités d’accès, d’inscription ou la tarification. Cette démarche va dans le sens du perfectionnement de nos politiques publiques sociales de proximité, pour réduire autant que possible les injustices sociales et traiter chacun en égalité par le droit.
Il est néanmoins évident que les moyens suffisants ne sont pas déployés par l’État pour réduire de manière réelle et significative la précarité :
- avec 9,2 millions de personnes en France touchées par la pauvreté selon l’INSEE,
- alors que le taux de privation matérielle et sociale (c’est à dire, rogner sur le chauffage, l’alimentation, divers produits et services), a atteint 14 % de la population début 2022, niveau le plus haut depuis la création de cet indicateur en 2013.
Il s’agirait d’aller enfin plus loin qu’une gestion de la pauvreté, pour l’éradiquer ! N’oublions pas que le sens de l’action publique repose sur un ensemble de valeurs fondatrices fortes, qui nous obligent vis à vis de nos concitoyens fragiles.
Finalement, énormément d’éléments ont été apportés lors de cette table-ronde, pour laquelle je remercie tous les intervenants et personnes qui ont pris la parole. A Vénissieux la lutte contre la pauvreté et pour la dignité des personnes fait partie intégrante de notre ADN politique et de nos engagements pour le mandat. Je remercie Saliha Prudhomme-Latour, mon adjointe aux Politiques Sociales, à la lutte contre la grande pauvreté et aux 3èmes âges, et par ailleurs vice-présidente du CCAS de Vénissieux, pour son implication dynamique à la tête du pilotage au quotidien de toutes nos actions sur ces sujets.
La poursuite de ce travail sur le non-recours dans le cadre d’un partenariat avec la Métropole de Lyon, dans la suite de l’expérimentation vénissiane amenée par le 107, est essentielle. Elle permet de partager les fruits du travail déjà mené et de s’occuper mieux de nos citoyens, car la pauvreté et la relégation sociale n’ont pas de frontières administratives.
Je tiens, pour conclure, à remercier encore une fois nos services et nos nombreux partenaires pour leur travail, tourné chaque jour vers les autres. Ce travail social est indispensable : pour que personne ne soit laissé au bord de la route et que notre société ne se morcelle pas d’avantage.