Ouverture du festival Essenti'[Elles] 2024

53%  des pauvres en France sont des femmes et on estime que 4,9 millions de  femmes vivent sous le seuil de pauvreté.

Hier en fin d’après-midi, nous avons lancé la 12ème édition du Festival Essenti’[Elles]. Depuis sa création, nous mettons en lumière des actions, des  parcours, des talents qui font la  richesse du territoire vénissian. Et plus particulièrement cette année, en mettant à l’honneur des scientifiques, des sportives, artistes qui ont surmonté les obstacles et les préjugés sexistes de leur milieu et de la  société.

Le premier vote des femmes aura lieu le 29 avril 1945 lors d’élections municipales, mais la première proposition de  loi accordant le droit de vote aux femmes majeures, célibataires, veuves ou divorcées, mais pas aux femmes mariées, remonte à 1901.

Entre-temps, le Sénat se sera opposé à tous les projets de loi en 1919, 1922, 1927, 1935. Le code civil français déclare la femme incapable juridiquement en  1804 et elle vivra sous la tutelle de son mari jusqu’en 1975. Elle lui doit obéissance jusqu’en 1938 et ne peut exercer une profession sans son autorisation jusqu’en 1965.

Interdit depuis le directoire, le port du pantalon est accepté à condition que les femmes tiennent à la main une bicyclette ou un cheval. Cette loi sera définitivement abrogée en… 2013 !

 Les femmes peuvent accéder aux professions auxiliaires de la justice en  1948. Première conductrice de bus : il faudra attendre 1961. Première pilote de ligne, 1967 ! Première ambassadrice, 1972 ! Première femme à l’académie française, Marguerite Yourcenar, en 1980.  A l’exception de certains postes, tous les emplois de l’armée sont ouverts aux femmes à partir de 2002…

« On ne naît pas femme, on le devient », disait Simone de Beauvoir. Mais alors pourquoi devons-nous faire preuve de tant de patience, pourquoi les droits les plus communs ne nous sont accordés qu’au terme de combats si longs ? On ne naît pas femme avec des droits, on finit par les obtenir, ai-je envie de dire. Les leçons de l’histoire, on les connaît : tout au long des siècles, il a fallu ouvrir, voire forcer les portes pour tendre vers l’égalité des droits et des sexes.

Si j’ai pris les exemples des droits civiques ou encore du droit civil, vous pouvez étendre ces domaines aux congés maternité, à l’IVG enfin inscrite dans notre Constitution malgré les réticences de la droite, à l’égalité salariale, à l’éducation des enfants, aux tâches ménagères, etc.

Combien de générations de femmes se sont mobilisées, nos mères, grands-mères, etc, pour faire avancer la  loi et faire reconnaître nos droits dans des  sociétés verrouillées, patriarcales ? Combien d’hommes aussi ont compris que ce combat-là était un combat juste, à mener au côté des femmes ?

Je le dis à notre génération comme à celles qui vont nous succéder  : ne vous contentez  pas de ce que vous avez, mais continuez de mettre au jour les inégalités afin de faire bouger les lignes ! Car pour les femmes, ce qui est acquis ne l’est jamais totalement, et les injustices perdurent.

En 2023 en France, à travail égal, les femmes gagnaient toujours 15,8% de moins que les hommes, soit 3 points au-dessus de la moyenne européenne !  20% des femmes inactives le sont à cause d’obligations familiales, quatre fois plus que la part des hommes inactifs pour les mêmes raisons. 53%  des pauvres en France sont des femmes et on estime que 4,9 millions de  femmes vivent sous le seuil de pauvreté. Et cette situation va empirer.

La réforme des retraites d’Emmanuel Macron, passée aux forceps contre les syndicats, contre les Français, contre l’assemblée nationale, va pénaliser les femmes en premier lieu. 40% d’entre elles, contre 30% des hommes, partent à la retraite avec une carrière incomplète et donc des pensions amputées. Quant aux 1200€ de pension minimum par mois promis par le gouvernement, pour y prétendre, il faudra afficher une carrière complète. Or, entre les temps partiels et les interruptions de carrière pour maternité, elles seront de plus en plus nombreuses à afficher une carrière incomplète et à basculer dans la précarité. Les effets de cette réforme vont être dévastateurs.

Et puis il y a ce fléau, ce cancer qui ronge nos sociétés, les violences faites aux femmes et les féminicides. 25  recensés depuis le 1er janvier 2024. 134 en 2023, 147 en 2022. Dans 91% des cas de violences sexuelles, les femmes connaissent les agresseurs, et contrairement à des idées reçues, ce ne sont pas des psychopathes ou hommes ultra-violents, mais des hommes du proche entourage, dans la famille, des amitiés ou encore sur le lieu de travail. Emmanuel Macron en avait fait un objectif de ses mandats, mais le compte n’y est pas, au-delà des propos mal venus au sujet de Gérard Depardieu. Dire que rien n’a été fait serait également réducteur, mais tout se passe en France comme si le stade de la communication suffisait. Qu’attend-on pour s’inspirer des politiques publiques espagnoles, de l’arsenal législatif renforcé et des tribunaux spéciaux qui y ont été créés, d’un Code pénal plus précis en termes d’agressions sexuelles et de dispositifs de protection des victimes plus élaborés. En vingt ans, l’Espagne a fait baisser d’un tiers le nombre de féminicides, la  France ne doit pas faire exception à la règle. 

Sans entrer dans le registre des lois spécifiques, on remarquera que les coupes budgétaires de l’Etat dans la santé, à l’égard des collectivités locales, la libéralisation du code du travail ou la  réforme des retraites pénalisent en premier lieu les femmes, affaiblissent leurs droits et font reculer l’égalité des sexes. C’est aussi dans l’application du droit commun que les avancées seront les plus marquées et les plus pérennes.

A Vénissieux, notre histoire nous a appris à aller chercher les choses. Nous savons que le combat pour l’égalité femmes-hommes, ce n’est pas une journée par an, mais 365 jours sur 365.

Si les mots font les idées, si les  discours font les avancées, c’est bien dans le quotidien que les droits s’acquièrent et s’enracinent.

 La 12ème édition du Festival Essenti’[elles] sera fidèle aux ambitions portées par la Ville de Vénissieux depuis sa création : s’appuyer sur les  arts, le patrimoine, la connaissance, afin de promouvoir l’égalité de toutes et  tous, sensibiliser un large public au respect des droits des femmes. Elle sera également l’occasion de  mettre en lumière des actions, des  parcours, des talents qui font la  richesse du territoire vénissian. Et plus particulièrement cette année, en mettant à l’honneur des scientifiques, des sportives, artistes qui ont surmonté les obstacles et les préjugés sexistes de leur milieu et de la  société.

Nos actions et nos mobilisations sont transversales, tout au long de l’année comme à l’occasion de ce festival. Synergie entre nos équipements : notre médiathèque, notre cinéma, théâtre, école de musique et centre d’art. Collaboration élargie avec nos EPJ, la Maison de quartier Darnaise, la maison des associations Boris Vian et l’Espace Pandora. Je remercie très sincèrement tous ceux qui préparent et organisent ce Festival et tous les intervenants qui lui donnent sa tonalité et sa diversité culturelle.

Vous le savez, la Ville est très engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes, et dans le soutien aux victimes de ces violences : elle a adopté, en décembre 2022, une convention quadripartite pour la mise à disposition de logements d’urgence. Les femmes concernées peuvent être mises à l’abri dans les logements des communes partenaires, Corbas, Saint-Fons et Vénissieux et sont accompagnées par l’association VIFFIL. De même, le dispositif d’accompagnement des femmes victimes de violences par une intervenante sociale au commissariat a été reconduit.

Défendre les droits des femmes est un combat de chaque jour aussi, des actions sont organisées régulièrement pour informer et sensibiliser le plus grand nombre à cette cause, notamment les jeunes générations.

La journée nationale de lutte contre les violences à l’égard des femmes le 25 novembre est désormais l’occasion d’un temps fort sur le territoire, et  en 2023, la Ville a accompagné plusieurs initiatives citoyennes telles que la représentation de la pièce «  Maman, c’est quoi une culottée », adaptée aux jeunes publics et dont l’objectif est de donner à voir des parcours diversifiés de femmes qui se  sont emparés de leur destin. S’est également tenue la représentation du spectacle « La densité de l’air » au théâtre de Vénissieux : la pièce met en lumière les enjeux concernant le traitement des violences sexistes et sexuelles dans la société.

Les agents de la Ville de Vénissieux sont aussi sensibilisés aux enjeux de l’égalité tout au long de l’année : en novembre 2023, une formation a été proposée aux encadrants de  la Ville sur la thématique de l’égalité professionnelle. Les personnels féminins de la Ville de Vénissieux ont eu l’opportunité, comme en 2022, de participer à des Ateliers d’autodéfense féministe animés par l’association Impact.

La santé des femmes est un axe important : la Ville est associée à la collecte métropolitaine de produits de protection périodique qui se déroulera du 08 mars au 28 mai 2024 à l’Hôtel de Ville, en partenariat avec l’association Règles élémentaires. En France, deux millions de femmes n’ont pas les moyens d’acheter des tampons ou serviettes pendant leurs règles.

En 2023, la Ville a souhaité s’engager dans la sensibilisation des  publics aux cancers féminins à  l’occasion d’Octobre Rose. L’objectif est de renforcer les dépistages. A ce titre a eu lieu la représentation de la pièce « Sur le fil », dans laquelle la comédienne partageait l’expérience douloureuse de la maladie avec légèreté, humour et sourire. Le spectacle, suivi d’une table ronde, a invité le public à prendre conscience d’une thématique complexe, mais essentielle.

Le sexisme est une construction sociale, mentale, l’addition de stéréotypes et  de préjugés qui se reproduisent, se retransmettent souvent de façon inconsciente. Ce sont ces obstacles qui font notre chemin. Chaque centimètre gagné compte, chaque recul des idées préconçues et réactionnaires pèse, chaque parcours contre les a priori devient exemplaire et sème l’espoir. Nous le savons, cette bataille n’est jamais gagnée, elle est et reste devant nous.

Je vous souhaite, à toutes et à tous, un excellent Festival Essenti’elles et je vous remercie.  

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