Le 29 janvier 1866 naissait Romain Rolland

Par délibération du 11 novembre 1947, le Conseil municipal de Vénissieux choisit de donner à une rue, le nom de Romain-Rolland, un des plus brillants écrivains de sa génération et figure emblématique du mouvement pacifiste international.

Extrait de la délibération (qui proposait également d’adopter d’autres dénominations pour des rues adjacentes, après la construction du quartier de compensation du Cluzel)

« Les noms proposés permettront de conserver vivant dans l’esprit de la population, le souvenir d’hommes qui ont donné à notre pays, leur science, leurs talents littéraires ou leur combattivité, pour la défense des institutions laïques et républicaines. »  

Romain Rolland était l’ami de Charles Peguy et celui de Stefan Sweig. Il échangera avec l’un et l’autre de nombreuses correspondances marquées par l’histoire.

Après le déclenchement de la première guerre mondiale, Romain Rolland écrit, le 3 août 1914, un texte intitulé « Au-dessus de la mêlée » qui va paraître dans « le journal de Genève ». Il y dénonce l’absurdité de la guerre, de toutes les guerres, qui, d’autant plus, emportent la jeunesse.

« Je suis accablé. Je voudrais être mort. Il est horrible de vivre au milieu de cette humanité démente et d’assister, impuissant, à la faillite de la civilisation.»

Ce texte exceptionnel,  le plus célèbre manifeste pacifiste de la Grande Guerre dont le retentissement sera international, lui vaudra de décrocher le prix Nobel de littérature en 1915.

« Ô jeunesse héroïque du monde ! Avec quelle joie prodigue elle verse son sang dans la terre affamée ! Quelles moissons de sacrifices fauchées sous le soleil de ce splendide été !… Vous tous, jeunes hommes de toutes les nations, qu’un commun idéal met tragiquement aux prises, jeunes frères ennemis – Slaves qui courez à l’aide de votre race, Anglais qui combattez pour l’honneur et le droit, peuple belge intrépide, qui osas tenir tête au colosse germanique et défendis contre lui les Thermopyles de l’Occident, Allemands qui luttez pour défendre la pensée et la ville de Kant contre le torrent des cavaliers cosaques, et vous surtout, mes jeunes compagnons français, qui depuis des années me confiez vos rêves et qui m’avez envoyé, en partant pour le feu, vos sublimes adieux, vous en qui refleurit la lignée des héros de la Révolution – comme vous m’êtes chers, vous qui allez mourir ! » (Texte intégral)

Son ami Stefan Zweig est totalement séduit par son humanisme, son pacifisme et sa connaissance de la culture allemande. Malgré les désaccords politiques, les deux hommes vont se lier d’amitié. Réunis par un même amour des lettres, ils vont entretenir une longue correspondance très prolifique.

« Stefan Zweig à Romain Rolland

Kochgasse (Autriche) 6 octobre 1914

J’écris en allemand, parce que les lettres pour l’étranger peuvent éventuellement être soumises à un droit de regard. Merci beaucoup, très cher ami, pour vos salutations en ces temps difficiles. […] Je ne sais pas si vous lisez les journaux allemands en ce moment, mais je les trouve extrêmement dignes. Aucune fanfaronnade, nulle part la moindre tentation de se moquer de la nation française ou de présenter son armée comme une bande de sadiques. Sincèrement, cela ne vous peine-t-il pas, Romain Rolland, de voir dans les journaux français de longues discussions pour savoir s’il faut soigner aussi les blessés allemands ? Sommes-nous véritablement en Europe et au XXe siècle, si Clemenceau exige publiquement de les négliger ? ( …)»

« Romain Rolland à Stefan Zweig

Genève, le 13 octobre 1914

Cher Stefan Zweig,

Je vous réécris de l’Agence où je travaille. Il faut absolument que vous nous aidiez dans notre œuvre d’humanité. Vous savez que, d’une part comme de l’autre, en Allemagne comme en France, on a fait un nombre considérable de prisonniers civils, – de tout âge – enfants, femmes, vieillards. Ces milliers de pauvres gens ont été internés, on ne sait où, dans des camps de concentration, à l’intérieur de l’Allemagne et de la France. (…) »

Ces quelques 500 lettres échangées apportent un témoignage exceptionnel sur la période du début du XXème siècle. Les lettres qu’ils écrivent, tout comme les œuvres qu’ils vont produire l’un et l’autre, vont volontairement emprunter un style accessible qui s’adresse à tout un chacun. Le message qu’ils veulent faire passer nous dit que l’autre n’est pas un ennemi mais notre prochain.

Une trace indélébile des liens d’amitié qui ont pu se construire de part et d’autre des tranchées.

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