Journée internationale de la Paix

Œuvrer pour la paix, c’est redonner du sens à nos actions, alors que le désordre règne, que la violence se banalise. Il y a moins d’un an, un homme de paix s’éteignait, Nelson Mandela. Il avait cette phrase, que je trouve particulièrement adaptée à cette soirée. Je le cite : « cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse ». La paix n’emprunte pas un autre chemin.

Syrie, Irak, Palestine, Israël, Centrafrique, Ukraine, le Sahel, le Soudan : le monde dans lequel nous vivons n’est pas un monde en paix. La violence y est toujours plus brutale, plus aveugle, plus radicale. On la banalise, on l’utilise comme moyen de terreur et de propagande sur les réseaux sociaux, on la met en scène ou on en fait un commerce.

Cette surenchère, cette décote humaine, l’utilisation d’armes chimiques contre sa propre population, donne une idée des tensions et des conflits qui parcourent notre planète. Guerre d’intérêts économiques, guerres religieuses, guerres impérialistes, guerres géopolitiques, guerres d’influences, guerres pour l’exploitation des matières premières ou l’accès aux ressources, quelle que soit la nature du conflit, partout les populations civiles vivent des drames épouvantables. Selon la chercheuse britannique Mary Kaldor, aujourd’hui, près 80% de toutes les victimes de guerre sont des civils. Au début du 20ème siècle, 85 à 90% des victimes de guerre étaient des militaires. Durant la Seconde guerre mondiale, près de la moitié des morts étaient des civils. Les populations civiles sont donc devenues un objectif stratégique, pour affaiblir l’adversaire.

Dans cette liste terrible, il faut prêter une attention particulière aux femmes et aux enfants. Viols, kidnappings, mutilations, les femmes sont utilisées comme des armes de guerre à part entière, comme monnaie d’échange ou de moyen de pression, sur le camp adverse. Et que dire de la situation des enfants, terrible et effrayante. L’ONU estime qu’ils sont touchés directement par les conflits armés, dans plus de 20 pays différents, issus de trois continents. Ils font partie des victimes, mais pas seulement, ils font l’objet d’une instrumentalisation ignoble. Dans son rapport alarmiste, les Nations Unies révèlent qu’en 2013, des enfants ont été recrutés et employés par 7 armées nationales et 50 groupes armés en guerre, en République centrafricaine, au Soudan du Sud, en Syrie, et dans 11 autres pays.

Recrutés comme guetteurs ou porteurs de munitions, parfois exposés directement sur le front, certains d’entre eux sont désormais utilisés dans le cadre d’attentats suicides. Cette violence aveugle insupportable, cette violence radicale, s’étend et se propage de façon dramatique bien sûr, et s’avère très inquiétante.

L’absence de champs de bataille clairement définis, le recours aux nouvelles technologies, les frappes aériennes et l’utilisation des drones, l’accroissement des activités terroristes et anti-terroristes, rendent les enfants plus vulnérables en cas de conflits armés.

Dernière illustration de la barbarie actuelle : le nombre d’attaques contre des écoles et des hôpitaux est en hausse, en Afghanistan, en Irak, au Nigéria, en République centrafricaine, en République démocratique du Congo et en Syrie.

L’ensemble de ces crimes ne peuvent pas rester impunis, ne doivent pas rester impunis.

Chaque année, la journée de la paix nous rappelle combien vivre en démocratie, vivre en liberté, est précieux, mais plus fragile qu’on ne le croit.

Cette journée est là également pour nous interpeller, changer nos propres comportements, pour refuser de nous habituer, malgré la banalisation et le flot des images, à la guerre, pour ne pas être réduit à la condition de spectateur des souffrances des autres. Cet été, les bombardements de la bande de Gaza et des populations civiles, ont montré une forme de démission de la communauté internationale, face à un conflit dont on ne voit pas l’issue. Ce n’est pas une raison pour « s’habituer » entre guillemets à cette guerre, car s’y habituer, ce serait déjà la cautionner.

Il faut sortir très vite de ce sentiment d’impuissance, d’inéluctable, dénoncer cette spirale de la violence, et de moyens complètement disproportionnés. Il faut lever le blocus de la bande de Gaza, reconnaître un Etat Palestinien autonome, indépendant, arrêter la colonisation des territoires occupés, mais aussi garantir la sécurité du territoire israélien.

Je prends cet exemple, terrible et insupportable, pour insister sur l’engagement quotidien qui doit être le nôtre, en faveur de la paix et du vivre ensemble, dans notre voisinage, notre pays, comme auprès des populations livrées à l’horreur et à la barbarie. C’est un chemin âpre, long, il faut s’y tenir, ne jamais lâcher, ne jamais renoncer. Il n’y a pas d’horizon indépassable, l’amitié franco-allemande en témoigne, après tant de conflits, tant de victimes des deux côtés de nos frontières communes.

Nos peuples ont su passer au-delà des différences culturelles, au-delà des ressentiments, au-delà des épreuves douloureuses traversées. Ils ont appris à se connaître, à se reconnaître, à s’apprécier.

La paix ne se décrète pas, on y accède, on s’en approche, pas après pas. C’est bien l’affaire de tous, et le fruit d’une volonté politique, c’est bien l’affaire de la transmission des valeurs, et le fruit d’une volonté d’éducation. Il ne suffit pas de brandir des symboles, pour œuvrer pour la paix. Il faut s’y atteler au plus près du terrain, et des réalités qui nous entourent. Je voudrais ici saluer le travail accompli par Arlette Cavillon et le comité de Vénissieux du mouvement de la Paix.

Associer aussi l’espace Pandora et la compagnie Traction Avant, à l’organisation de cette journée de la paix, qui commence dès ce soir, avec l’hommage théâtral à Jean Jaurès « La paix en ambassade » créé par la compagnie Traction Avant.

Je signale aussi la soirée-débat « Enjeux de la paix aujourd’hui », lundi prochain au Café de la Paix, à 19h00, ainsi que la Fête de la Paix – Journée internationale de l’abolition de l’arme nucléaire, mercredi 24 de 15h à19h, place de la paix.

2014 est une année de commémorations forte et symbolique, dans le bon sens du terme. La mort de Jaurès, 14-18 et l’enfer d’une génération, broyée et massacrée dans les tranchées, les 70 ans du programme du CNR, la libération de la France en 44, et la fin du pire cauchemar engendré par la société des hommes.

A l’épreuve des massacres actuels, il y a dans les leçons du passé que nous devons transmettre, un caractère d’urgence indéniable. Agir vite, avant que ne revienne le pire, agir pour la paix, alors que partout autour de nous, les intolérances et la haine montent et s’enracinent. Le nationalisme, c’est la guerre. Beaucoup, en temps de crise, l’oublient, mais, oui, le nationalisme et l’extrême droite, c’est le rejet, c’est la haine, c’est le repli qui mène à l’impasse, puis à l’abject. Jamais peut-être autant, des notions aussi essentielles que l’accès aux connaissances, l’éducation, la transmission de l’histoire, sans déni ni tabou, la laïcité également, n’ont eu un rôle-clé à jouer auprès des jeunes générations. La perte des valeurs et le poids de l’image brouillent les frontières et les valeurs, le monde devient obscur, les regards cyniques, les interdits volent en éclats.

Œuvrer pour la paix, c’est redonner du sens à nos actions, alors que le désordre règne, que la violence se banalise. Il y a moins d’un an, un homme de paix s’éteignait, Nelson Mandela. Il avait cette phrase, que je trouve particulièrement adaptée à cette soirée. Je le cite : « cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse ». La paix n’emprunte pas un autre chemin.

Je vous remercie.

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