Journée d’étude organisée par le Conseil local de Santé Mentale de Vénissieux/St Fons, dans le cadre de la semaine d’information en santé mentale

Les maladies psychiatriques ne doivent pas être reléguées au second plan, d’autant que la crise actuelle ne peut qu’aggraver la situation. Les collectivités, les associations, les services publics de proximité ont pris la mesure de cet enjeu sanitaire. Avec la force du droit régalien, l’État doit aussi jouer son rôle, en assurant une continuité territoriale des établissements et des personnels soignants du service public. Les progrès en termes de santé mentale en sont aussi dépendants.

Mardi 19 mars 2013

Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD à l’occasion de la journée d’étude organisée par le Conseil local de Santé Mentale de Vénissieux/St Fons, dans le cadre de la semaine d’information en santé mentale.

Décloisonner, faire tomber les tabous et briser les silences gênés, porter la question de la santé mentale au cœur de l’espace public et auprès du grand public. La semaine d’information sur la santé mentale qui s’ouvre, et dont c’est la 24ème édition, doit remplir l’ensemble de ces objectifs.

Ces missions-là sont déjà essentielles car le thème de la santé mentale doit sortir des représentations collectives, et des raccourcis dont il fait l’objet. Non, les passages de déprimes, voire de dépressions, ne sont pas réservés à l’autre, au voisin, mais peuvent affecter chacun de nous, en fonction des hauts et des bas que la vie nous fait traverser.

Oui, la santé mentale est une question avant tout collective, ne relevant pas seulement de l’ordre public (même si cet aspect compte bien sûr), mais de l’espace public en général. C’est à ce sujet que je parle de décloisonnement, outre le fait qu’il faille sortir des politiques menées ces dernières années, souvent à des fins électoralistes, résumant la question de la psychiatrie à la seule utilité répressive et sécuritaire.

Décloisonnement, car les maladies mentales, les dépressions passagères ou plus profondes, ont des échos, des prolongements dans de nombreux domaines. Sur les lieux de travail (les suicides de salariés en témoignent, tout comme les suicides des chômeurs devant Pôle Emploi témoignent de la violence de la crise), à l’école, où les enfants peuvent être déstabilisés par des situations familiales tendues, dans les logements, dans les établissements publics, où les personnels peuvent être confrontés à des situations délicates, sur fond d’agressivité. Bref, aucune sphère n’est épargnée et nos villes, qui sont des lieux de rencontres et d’échanges, peuvent aussi devenir des lieux de tensions, de stress, de traumatismes et d’isolement.

L’environnement actuel favorise malheureusement le mal-être, le mal-vivre et les situations de détresse sociale. Crise, précarité, sentiment d’exclusion, de solitude (très prononcé chez les jeunes, pas uniquement chez les retraités), harcèlement au travail, résignation, perte du lien social : nous avons là un cocktail explosif, et nous avons là les raisons de la forte augmentation de personnes démunies, perdues, désespérées, que les services de nos municipalités enregistrent année après année. Avec les associations de terrain, nous tirons la sonnette d’alarme à ce sujet, car les populations concernées sont  de plus en plus nombreuses, et de plus en plus diffuses : ce sont des jeunes, des familles monoparentales, des femmes seules avec enfants, etc.

Notre réponse doit donc être collective, ou elle ne sera pas, ai-je envie d’ajouter. Il ne s’agit aucunement de se substituer aux professionnels du secteur psychiatrique, que les 5 dernières années de politique gouvernementale ont blessés, voire stigmatisés, il s’agit de créer des passerelles entre les acteurs concernés : soignants, élus, milieux éducatifs, associatifs, pour intervenir, prévenir et suivre au plus près les patients, mais aussi, et j’insiste sur ce point, soutenir, accompagner les proches et les familles dans leurs démarches. Préserver la sécurité de tous est une évidence, mais il faut aussi garantir les libertés individuelles, il faut aussi accorder une place au cœur de nos cités, au cœur de notre société, aux personnes vivant avec des problèmes de santé mentale. Sur ces deux derniers points, la France a des progrès à accomplir.

A Vénissieux, nous avons développé des outils de proximité depuis de nombreuses années. Il y a le conseil local de santé mentale de Vénissieux/Saint-Fons, créé il y a 13 ans, qui renforce la coordination entre tous les acteurs de terrain. Nous avons également mis en place deux dispositifs clé, le Point Accueil Écoute Jeunes, pour accueillir, sensibiliser et écouter les enfants et les jeunes, et son prolongement naturel, en phase d’expérimentation, le Point Accueil Écoute Familles.

A travers l’instance Santé Psychique et Logement de Vénissieux, nous portons une attention particulière et nous agissons, pour le maintien dans les logements de personnes fragilisées.

Le précieux concours et travail des Ateliers Santé Ville, le service enfants et adolescents de l’antenne de l’Hôpital Saint-Jean de Dieu, à l’entrée du plateau des Minguettes, réaffirment notre volonté politique d’agir et de maintenir les services publics en matière sanitaire, au plus près des populations qui en ont le plus besoin, et sur tout l’ensemble du territoire.

D’une façon générale, après les années de privatisation rampante de la sécurité sociale, l’accès aux soins devient une réelle priorité nationale, médecine générale et médecine psychiatrique confondues.

Les débats et conférences qui vont animer cette semaine d’information sur la santé mentale doivent nous interpeller, et nous interroger pour améliorer et enrichir notre approche et nos actions de terrain en matière de santé mentale.

Je remercie le CLSM Vénissieux/Saint Fons et le centre hospitalier Saint-Jean-de-Dieu pour l’organisation de ces rencontres, ainsi que les nombreux intervenants.

Les maladies psychiatriques ne doivent pas être reléguées au second plan, d’autant que la crise actuelle ne peut qu’aggraver la situation. Les collectivités, les associations, les services publics de proximité ont pris la mesure de cet enjeu sanitaire. Avec la force du droit régalien, l’État doit aussi jouer son rôle, en assurant une continuité territoriale des établissements et des personnels soignants du service public. Les progrès en termes de santé mentale en sont aussi dépendants.

Je vous souhaite à tous et à toutes une journée riche en échanges et en propositions. La ville de Vénissieux sera, en tout cas, à votre écoute. Je vous remercie.

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