Journée de partage fraternel et festif du collectif des prêtres ouvriers Rhône/Drôme

… »Il n’y a pas pire renoncement que de se résoudre au déterminisme social. »…

On peut emprunter des chemins différents et atteindre le même but : agir pour le progrès social, agir pour améliorer la condition humaine. Ces chemins seraient aussi bien les chemins de l’esprit, que les chemins du réel. Il s’agit tout du long, d’y rencontrer l’homme, de marcher avec lui, de vivre le même quotidien.

Je préfère ce qui rassemble à ce qui divise, et s’il fallait trouver un point commun, entre l’histoire de Vénissieux et l’histoire des prêtres-ouvriers, c’est dans la résilience et le sens du combat pour la dignité de la vie, de nos vies, qu’on le trouverait. Il y a aussi cette détermination à ne pas se laisser dicter son destin, à ne pas suivre la bien-pensance, à savoir dire non.

Le mouvement des prêtres ouvriers le sait mieux qu’un autre, après avoir été répudié et interdit par Pie 12, en 1954, puis réhabilité le 23 octobre 1965, par l’épiscopat français et le Vatican. Jean Mollard, ici présent et que je salue, pourrait nous raconter encore, le refus de l’ultimatum de René Desgrand, Paul Guilbert, Georges Gulon, insoumis à leur hiérarchie ecclésiastique, mais toujours présents auprès des camarades d’usines, pour la défense et les revendications de la classe ouvrière.

Résistance, oui, et c’est d’ailleurs souvent au cœur de la pire histoire des hommes, dans les camps de concentration du 3ème Reich, que les prêtres vont découvrir la classe ouvrière, tout comme les deux milieux sociaux se côtoieront et apprendront à se connaître, dans les réseaux de la résistance.

« Créer, c’est résister et résister, c’est créer», disait Stéphane Hessel, que je ne cite pas au hasard. Rédacteur de la charte du CNR, il savait lui aussi, ce que signifiait appartenir à une famille hétéroclite, mais soudée par un même état d’esprit.

La force de Vénissieux est de n’avoir jamais triché avec ses racines, au fil de son histoire. Ouvrière, populaire, républicaine, laïque, ouverte aux populations immigrées de Pologne, d’Espagne, d’Italie, du Maghreb. Nous savons d’où nous venons, nous savons que chacun a apporté une pierre à la ville, que l’histoire ininterrompue d’engagement de prêtres-ouvriers, sur les lieux de travail et sur la ville, a fait avancer elle aussi, l’émancipation sociale. L’esprit du mouvement ouvrier, qui s’est constitué à la fin du 19ème siècle, qui a résonné dans les grèves des usines Maréchal, dans les ateliers de Berliet et ailleurs, continue d’irriguer l’esprit de notre ville.

Ce n’est pas un simple écho, c’est un prolongement de l’histoire. Saint-Jean Industries, Veninov, Bosch, Carbone Savoie, la nature du combat n’a pas changé, d’hier à aujourd’hui, elle reste la même : défendre l’emploi, défendre la transmission des savoir-faire, défendre le lien social qui se crée dans les usines et les entreprises, marquer aussi, le respect dû à ceux qui travaillent, à ceux qui produisent. Vénissieux croit à une éducation populaire.

Vénissieux croit à une culture populaire, car Vénissieux croit à l’émancipation de la société, et à l’émancipation de l’individu dans la société. Est-ce un hasard si Louis Dupic, le maire de l’époque, favorisait dès 45, la création de l’œuvre des cantines des écoles publiques ? Est-ce encore un hasard si, en 1966, Vénissieux devenait la première ville en France, à mettre en place un service municipal de l’enfance ? L’année dernière, nous avons marqué les 80 ans de La Maison du Peuple.

Les syndicalistes y ont trouvé un lieu approprié, j’allais dire un refuge, tant la défense des ouvriers et la revendication de nouveaux droits pour les classes populaires, étaient âpres à l’époque, et elle l’est encore aujourd’hui. Mais n’oublions pas non plus, que La Maison du Peuple a toujours eu pour objectif d’éduquer, d’émanciper, et d’éveiller la conscience sociale, culturelle, artistique, d’une population qui, à l’époque, était bien souvent considérée comme une simple main d’œuvre, et non comme une force citoyenne.

Voilà pourquoi je parle de prolongement. Car à l’œuvre des cantines de l’après-guerre, répond la construction de la nouvelle cuisine centrale. A l’ambition éducative, l’ouverture du prochain groupe scolaire Flora Tristan. A la dignité humaine, nos arrêtés contre les expulsions locatives. Au vivre ensemble, la pérennité de notre politique pour une culture populaire, au contact des habitants et des quartiers. Oui, à Vénissieux, nous pouvons parler d’un prolongement. Il n’y a pas pire renoncement que de se résoudre au déterminisme social.

Le progrès social ne se souvient pas des étiquettes, il ne retient que la volonté des hommes, à faire œuvre collectivement de solidarité, à s’unir dans les résistances. Il ne retient que ces centimètres gagnés à l’indifférence, au cynisme, à l’ignorance, aux égoïsmes, ces centimètres gagnés au libéralisme qui détruit le lien social, et gangrène nos sociétés. Que chacun de nous gagne avec ses convictions et avec son cœur. Que chacun de nous gagne jour après jour, aujourd’hui comme hier. Je souhaite au collectif des prêtres-ouvriers, et à tous les participants, une excellente journée de partage fraternel et festif.

Bienvenue à Vénissieux.

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