Journée de la laïcité

Cette journée de la laïcité résonne, cette année, d’une façon différente en chacun de nous.

Une note sourde, des émotions à vif nous parcourent, depuis les attentats barbares et lâches de Paris, mais cette journée est aussi l’occasion de redonner du sens, de s’accorder le temps de la réflexion, là où règne le chaos de l’instant.

La laïcité porte l’espoir, et trace le chemin que nous devons suivre, en ces temps obscurs, en ces temps d’une violence aveugle et injustifiable.

C’est d’ailleurs elle, entre autres, qui avait été visée, lors des attentats de Charlie Hebdo.

Il y a des principes qui interdisent, et des principes qui protègent. La laïcité est un principe qui protège, c’est cela qu’il faut rappeler, et, j’allais dire, marteler. Elle ne stigmatise pas, elle offre un cadre de respect et de tolérance, entre l’espace privé et l’espace public, elle garantit la liberté de culte, sans prosélytisme, et le respect mutuel entre croyances et convictions, entre croyants et non croyants, entre les confessions elles-mêmes.

Elle renforce la liberté de conscience, au cœur de l’égalité républicaine. Ce qu’en dit Régis Debray, philosophe et écrivain, me paraît essentiel, j’ouvre les guillemets : «  Aucune société n’est laïque spontanément. Nous sommes tous portés par des intolérances, des irritations. Nous voulons tous nos privilèges, nos groupes de convictions… La société, c’est un peu la guerre de tous contre tous. L’Etat, c’est-à-dire l’intérêt général, est là pour essayer de pacifier, de coordonner ces tiraillements. Oui, il faut un Etat pour qu’il y ait une laïcité ». Et de conclure : « La laïcité n’est pas une option spirituelle parmi d’autres, elle est ce qui rend possible leur coexistence, car ce qui est commun en droit à tous les hommes, doit avoir le pas sur ce qui les sépare en fait ».

« Aucune société n’est laïque spontanément ». Il y a dans cette phrase deux éléments-clés, qui parlent à chacun de nous : la laïcité ne se décrète pas, elle est l’aboutissement historique d’une volonté collective, pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Elle ne nous a pas été offerte, mais nous l’avons voulue et obtenue, comme l’un des socles fondateurs de la République.

On pense bien sûr au siècle des Lumières, à Voltaire et à 1789, qui pose les premiers jalons de la laïcité, en obtenant la suppression des privilèges ecclésiastiques. Il y a ensuite les deux grandes lois du 28 mars 1882 et du 30 octobre 1886, instituant respectivement, dans l’École publique, la laïcité des enseignements, et celle des personnels. Enfin la loi de 1905 et, bien sûr, la séparation de l’église et de l’Etat.

Dans un cadre plus large, celui d’une émancipation de l’individu que le principe laïque favorise, nul n’oubliera Jules Ferry et la gratuité de l’enseignement primaire, l’obligation d’instruction et non de scolarisation. Jean Zay, et ce pari relevé d’une éducation intellectuelle et morale, au service de l’intelligence et du civisme de tous les citoyens, sans privilège de classes sociales, ni de classes dominantes.

L’article 1er de la loi 1905, dessine d’ailleurs un cadre clair et explicite : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes, sous les seules restrictions édictées ci-après, dans l’intérêt de l’ordre public. » Le texte de loi ne combat pas la religion, l’opinion spirituelle relevant de la conscience individuelle, mais en empêche l’influence dans les espaces politiques, administratifs, publics, comme l’école bien sûr.

« Aucune société n’est laïque spontanément ». Cela sous-entend que la laïcité est un principe qu’il faut savoir défendre, qu’elle n’est pas, tout comme la République, gravée dans le marbre. En somme, si l’on n’y prend pas garde, aucune société n’est laïque indéfiniment. Peut-être n’avons-nous pas été assez vigilants à ce sujet ? A force d’entretenir les confusions, et d’instrumentaliser politiquement ce principe depuis des années, le message au sujet de la laïcité s’est brouillé, au point d’en perdre, et sa portée universelle et sa nature tolérante.

Laïcité à la française, laïcité de combat, laïcité contraignante, nouvelle laïcité, laïcité positive, de quoi parle-t-on au juste ?

Nous avons, je le crois, un immense travail pédagogique à accomplir, pour revenir à la base du texte : la laïcité, c’est un rempart contre l’obscurantisme religieux, un outil pour rapprocher les habitants, au-delà de toute appartenance, un vecteur pour le vivre ensemble et la rencontre des cultures.

C’est cela que l’on doit inculquer et transmettre, et il y a une réelle urgence à agir, tant l’actualité macabre, mais aussi le délitement du lien social, nous renvoient à des manifestations de repli identitaire, et de division fratricide. C’est ce travail pédagogique que nous poursuivons, depuis des années, et je tiens à remercier l’ensemble de nos services et de nos équipements culturels, ainsi que les délégués départementaux de l’Education Nationale de Vénissieux, et son président Daniel Roy, toujours à nos côtés.

11 écoles de Vénissieux, les jeunes des 6 EPJ, les élus du conseil municipal enfants ont été associés et impliqués, dans l’organisation de cette journée de la laïcité.

La transmission, nous le savons, commence par là, auprès des jeunes générations. Mais nous souhaitons également, qu’elle s’inscrive dans une réalité plus longue, toujours dans un esprit de pédagogie et de rassemblement, autour du vivre ensemble et des valeurs républicaines. C’est la raison pour laquelle nous allons mettre en place, d’ici le début de l’année 2016, une commission de la laïcité et du vivre ensemble.

Elle sera un lieu de débat, de réflexion, de sensibilisation et de valorisation des actions entreprises, en faveur la laïcité. Un outil supplémentaire pour dire non à la haine, à l’intolérance, et au rejet de l’autre, un outil pour la paix.

Avant de conclure, j’invite toutes les personnes à venir assister aux différentes manifestations qui ont lieu, tout au long de la journée, à la médiathèque, mais aussi devant l’Arbre de la Laïcité au parc Louis Dupic, à l’Hôtel de Ville, au BIJ, et enfin au cinéma Gérard-Philipe.

J’attire votre attention sur le film projeté ce soir, « Dis maîtresse ! » de Jean-Paul Julliand, un documentaire qui a fait l’objet d’une sortie nationale, et qui mérite notre intérêt.

Je vous remercie.

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