Conseil municipal : Renouvellement urbain & cohésion sociale

Par nature, les politiques de la ville viennent donc en complément et en appoint de ce droit commun

Intervention de Michèle Picard sur les rapport n°7 « Approbation de la Convention Locale d’Application de Vénissieux 2024-2030 du Contrat de Ville Métropolitain -Engagements Quartiers 2030.« 

Après les émeutes de l’été dernier, les politiques de la ville ont fait l’objet de vives critiques. Inefficaces ; en échec une nouvelle fois ; gabegie des finances publiques ; argent gaspillé pour rien depuis des décennies ; résultats sans effet dans les quartiers populaires. J’ai écouté bien évidemment les arguments des uns et des autres, les plus vives critiques provenant de la droite et des apôtres du libéralisme. Caricaturer à ce point les politiques de la ville revient à dire : investissons là où il y a du profit à  faire et laissons les quartiers populaires se débrouiller entre eux, à la  lointaine périphérie des centres villes et des priorités nationales.

Je m’oppose frontalement à cette lecture partisane, démagogique, à ces  raccourcis qui méprisent aussi bien le travail accompli sur le terrain que les habitants qui y vivent. Je m’oppose à ce défaitisme, teinté de cynisme et de mépris. Le pacte républicain, le nôtre, c’est la solidarité nationale et la  continuité territoriale, certains l’oublient un peu vite ! 

Je crois surtout que le débat est très mal posé. Les politiques de la ville n’ont pas vocation à se substituer au droit commun. Les grands services publics doivent assurer une présence physique dans tous les quartiers. A l’heure de la dématérialisation et du numérique, cette présence humaine, de guichets, d’accueil, d’écoute, est une nécessité pour les habitants. Il faut maintenir une alternative au tout-numérique, une alternative humaine. L’accès au droit commun d’une partie de la population en dépend.

Par nature, les politiques de la ville viennent donc en complément et en appoint de ce droit commun, et plus ce dernier sera renforcé dans les domaines de l’éducation, de la sécurité, de la santé, de l’accès à des logements dignes, et plus le déploiement des politiques de la ville sera efficace et efficient pour tous les habitants. Dans les quartiers populaires, elles ont montré toute leur utilité, obtenu de réels succès et il serait aujourd’hui difficile de s’en passer. Objectivement, sans elles, où en serions-nous ? Les crises n’impacteraient-elles pas plus durement encore des populations déjà très fragilisées ?

J’aimerais savoir ce que proposent ceux qui s’insurgent contre les  politiques de la ville, pas grand-chose à mon avis, savoir s’ils ont connaissance de la réalité du terrain et de la précarité sociale des familles les plus fragilisées, des salariés qui ne s’en sortent pas malgré leur emploi. Les quartiers populaires encaissent les crises plus durement qu’ailleurs et  en subissent les effets beaucoup plus longtemps. Or, aujourd’hui, les crises s’agrègent les unes aux autres et les maires des villes populaires ne cessent  d’alerter les pouvoirs publics face à une pauvreté et une précarité qui gagnent du terrain, face à des fractures territoriales de plus en plus marquées entre les quartiers des grandes agglomérations. Croyez-vous, dans ce contexte, qu’il soit opportun de stopper net le déploiement des politiques de la ville ? Ma réponse est Non.

L’extension des périmètres inscrits en politique de la ville, avec trois nouveaux quartiers Les Marronniers, La Borelle et Monery, traduit les réelles difficultés sociales des habitants à Vénissieux, comme dans tous les QPV en France. A ce jour, la géographie prioritaire recouvre entre 27500 et 30000 habitants, soit plus de 40% de la population vénissiane. Avec l’agrégation des crises économique, sociale, sanitaire, et aujourd’hui celle de  l’inflation, le décrochage est manifeste au cœur même de la Métropole de  Lyon. Sur la période 2013-2019, la Conférence Territoriale des Maires (CTM) des Portes du Sud, qui réunit les villes de Corbas , Feyzin, Saint-Fons, Solaize et Vénissieux,  a connu une augmentation de 17% de la pauvreté, soit  la hausse la plus importante parmi les CTM les plus pauvres.

Nous savons la tâche immense, et je remercie à ce titre nos partenaires et nos services pour leur détermination et leur contribution. Nous devons agir avec force et rapidité, dans la compréhension et le respect de la singularité de chaque quartier, dans l’analyse précise et transversale des difficultés rencontrées, dans la  recherche de réponses et solutions de proximité et de terrain. La Convention Locale d’Application 2024-2030 se structure autour de trois priorités : conjuguer écologie et justice sociale ; favoriser l’émancipation des  jeunes et de tous les habitants ; renforcer la participation effective et l’engagement des habitants dans l’élaboration des politiques et des actions à mener dans leurs quartiers. Nous avons fait en sorte que l’égalité femmes-hommes, la prise en compte des personnes âgées dans l’aménagement de leurs logements ou l’accès aux soins, et la réappropriation de l’espace public par les habitants et les partenaires soient également priorisées dans le cadre de cette Convention Locale d’Application.

Vénissieux possède une solide expérience dans l’élaboration, la construction et le développement des politiques de la ville.  Vénissy, Armstrong, aujourd’hui le programme de rénovation urbaine Minguettes-Clochettes en cours de réalisation, nous ont permis de dresser un bilan précis des actions réussies, des dispositifs à améliorer, des stratégies à mener.

Nous allons partager cette expérience avec l’État, la Métropole, mais aussi tous les acteurs de terrain, les associations, les forces économiques et  culturelles, et bien évidemment tous les Vénissians. Nos services connaissent ce travail partenarial et transversal. Pour que cette convention réussisse, il faut partir du terrain, du quotidien des Vénissians, des difficultés rencontrées pour apporter des réponses et solutions appropriées en prise avec la réalité du moment et l’urgence sociale qui s’y exprime. A  travers cette Convention, notre ville et ses partenaires montrent que les  discriminations territoriales ne sont pas une fatalité, mais un combat politique d’ampleur que nous poursuivrons sans relâche.

Je vous remercie. 

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