Cérémonie de mise à l’honneur des syndicalistes Veninov

…Veninov, c’est le combat d’une ville pour défendre son patrimoine industriel historique, au même titre que les usines Bosch ou Renault Trucks (Berliet)…

24 juin 2013  – Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD à l’occasion de la cérémonie de mise à l’honneur des syndicalistes Veninov : Cathy Chollier, Ayadi Assadi, Stéphane Navarro et Serge Marcoccia

 » Pendant la guerre, les résistants avaient planqué les rouleaux dans les sous-sols de l’usine. A Veninov, jamais, jamais, ils ne laisseront les cylindres partir ! «  Ces mots prononcés la gorge nouée par Georges Clavel, ancien salarié de Veninov, résument l’identité singulière de notre ville.

Depuis toujours, Vénissieux, ville rebelle, populaire et industrielle, a su résister. Résister face à la barbarie nazie, lutter contre l’injustice, l’individualisme, s’opposer au capitalisme financier : des combats qui ont marqué l’histoire de la ville. Des hommes et des femmes qui ont refusé l’ordre établi, à l’image de Cathy, Stéphane, Ayadi et Serge, 4 syndicalistes CGT, qui se sont battus pour que Veninov puisse vivre.

Alors, est-ce la Ville qui a forgé les luttes, où les luttes qui ont forgé Vénissieux ? Cette volonté d’une société plus humaine, ce refus de plier face à l’ordre inique, ont toujours constitué l’empreinte vénissiane. Face à l’oppression, des hommes et des femmes ont su entretenir l’espoir, le feu de l’insoumission, le feu de la liberté.

Veninov, c’est l’histoire singulière d’une culture d’entreprise hors du commun, une culture d’entreprise avec un grand « C ». Des salariés fiers de leur outil de travail et de leur savoir-faire, qui ont su se rassembler pour le sauvegarder. Déjà, en 1906, les salariés de Maréchal défilaient dans les rues de Vénissieux, pour exprimer leurs revendications : la réduction du temps de travail pour les enfants et les manœuvres, à l’époque de 15 heures par jour. L’exigence que les amendes, déboursées par les ouvriers en retard, alimentent la caisse de secours de l’entreprise.

Veninov, c’est le combat d’une ville pour défendre son patrimoine industriel historique, au même titre que les usines Bosch ou Renault Trucks (Berliet).

Est-ce un hasard si les ouvriers de chez Berliet, en 1936, ont devancé le grand mouvement de grève nationale, en luttant pour les congés payés et l’amélioration des conditions de travail ? Est-ce un hasard si en 1944, Vénissieux s’est libérée d’elle-même par un mouvement d’insurrection populaire, avant l’arrivée des troupes alliées ? Est-ce un hasard si dans notre commune, des enfants juifs ont été sauvés d’une mort annoncée, en août 1942 ? Est-ce un hasard si depuis toujours, nous luttons contre les injustices sociales, contre le règne du puissant, contre l’exploitation de l’individu par le capitalisme, aux dépens de son émancipation ? Je ne le crois pas.

Certains ont rejoint le maquis d’Azergues, d’autres sont tombés sous les balles allemandes, le long du mur Berliet.

Des ouvriers et salariés ont été les initiateurs de conquêtes sociales. D’autres ont affronté un patronat, bien trop souvent à la solde de Pétain et de l’Allemagne nazie. Je pense aux ouvriers de la SIGMA, à ceux de l’usine Maréchal, aujourd’hui Veninov, à la Société des Electrodes, à la SOMUA, qui n’ont pas hésité à s’opposer à la mise en place du STO, aux ordres de réquisition, quand le gouvernement de Vichy organisait la répression du mouvement syndical, du mouvement social, exécutait, condamnait ou déportait les leaders communistes, socialistes et opposants à la droite pétainiste.

De Charles Jeannin, résistant, à Laurette Joulié, porte voix des Saint-Jean Industries, de Marguerite Carlet, membre du comité de Libération, aux salariés de Veninov, tous ont porté en eux un espoir, une volonté de résister à toute forme d’oppression. Des hommes, des femmes, dont le courage et la détermination ont fait de Vénissieux celle qu’elle est aujourd’hui. Toutes ces luttes, ces résistances, constituent le fil rouge de l’identité vénissiane, forment la mémoire commune de notre population, de génération en génération. Les combats changent, se succèdent, mais l’élément constitutif d’être vénissian reste intact : dire NON dans un mouvement collectif, autour de valeurs progressistes partagées.

Des valeurs, issues du Conseil National de la Résistance, dont nous célébrons cette année le 70e anniversaire, des valeurs imprimées dans le marbre et toujours vivantes aujourd’hui : solidarité, humanité, intérêt général, bien commun. Une ville de résistance qui, en temps de guerre, comme en temps de crise, a montré la même détermination, la même capacité à rebondir, à ne pas céder.

Les Veninov ont écrit une nouvelle page du grand livre de l’histoire vénissiane. Durant 2 ans et demi, ils ont été les acteurs d’une lutte exemplaire, pour défendre ce fleuron de l’industrie et du savoir-faire français, sacrifié sur l’autel de la finance. Une histoire industrielle commencée en 1874 par Eugène Maréchal.

Ces salariés ont dû s’opposer à un fonds de pension américain, qu’ils ont réussi à faire plier. Ils se sont battus pour trouver un repreneur, une victoire vite entachée par le non respect de ses engagements et du droit français. Entre colère et incertitude, espoir et désillusion, rien ne leur a été épargné.

Nous avons scandé des « Veninov vivra » et si aujourd’hui Veninov poursuit son activité, nous le devons à ces hommes et ces femmes, qui ont su relever la tête et prendre leur destin en main. Même si la victoire n’est pas à la hauteur de la bataille menée, elle aura permis à cette entreprise de rouvrir ses portes. Ne sous estimons pas ce que l’on a gagné.

Veninov, c’est une aventure humaine où des liens indéfectibles se sont tissés, entre les salariés eux-mêmes. J’ai une pensée toute particulière pour Jérôme, votre compagnon de lutte, décédé il y a presque un an maintenant.

Veninov, c’est aussi un formidable élan de solidarité, au travers du comité de soutien : une ville, des élus, des anciens de Veninov, des habitants, des salariés d’autres entreprises, des associations, les forces sociales et progressistes qui ont su se mobiliser autour d’eux.

Pour ma part, et pour beaucoup qui êtes là ce soir, c’est aussi une amitié partagée. Des instants difficiles, de franches rigolades, des moments insolites aussi, comme l’occupation de l’usine, en décembre dernier autour d’un karaoké. Une première pour moi !

Ce soir, nous sommes réunis pour mettre à l’honneur Cathy Chollier, Stéphane Navarro, Ayadi Assadi et Serge Marcoccia, quatre délégués syndicaux sciemment écartés par la nouvelle direction, invoquant un manque de motivation. Une provocation ultime pour ceux dont l’engagement a été sans relâche, et qui a nécessité un investissement personnel sans limite. Serge Marcoccia disait lui-même de cette période, qu’il a passé plus de temps dans l’entreprise pour la sauvegarder que lorsqu’il y travaillait.

Comme une évidence, cette soirée marque la reconnaissance d’une ville et de ses habitants à ceux qui ont su, au travers de leur lutte, défendre l’industrie et les savoir-faire français. Quatre personnalités différentes qui ont porté à bout de bras le combat des Veninov.

Cathy, une personnalité à fleur de peau, qui a su défendre avec pugnacité les intérêts des salariés. Stéphane, au caractère déterminé, qui ne lâche rien, tout en alliant dignité et humour. Ayadi, un élément incontournable de la lutte, qui a su dépasser sa réserve. Serge, dont l’investissement a été essentiel au collectif.

Ce soir, c’est avec fierté que je vous remets la médaille de la Ville. Symbole de votre lutte qui restera gravée dans l’histoire vénissiane.

 » En faisant scintiller notre lumière, nous offrons aux autres la possibilité d’en faire autant «  a dit Nelson Mandela.  C’est en quelque sorte ce que vous avez porté, Cathy, Stéphane, Ayadi et Serge, tout au long de votre combat. Ne jamais renoncer, redonner, au travers de votre lutte, l’espoir que rien n’est perdu d’avance, une véritable leçon de vie pour les combats présents et à venir. Pour tout cela, je vous dis bravo et merci.

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