Centenaire de l’école du Centre

Le 10 octobre – Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD,lors du centenaire de l’école du Centre, samedi 8 octobre 2011.

Le 10 octobre

Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD,lors du centenaire de l’école du Centre, samedi 8 octobre 2011.


Un siècle de vie, d’éducation, d’émancipation, de tableau noir, de marelles tracées sur le sol. Un siècle de cartes de France avec nos reliefs bien délimités, nos fleuves et cours d’eau, nos territoires annexés puis repris. Un siècle d’arithmétique, d’écriture, d’encriers et de buvards, de « têtes en l’air » ou « d’élèves sérieux et appliqués ».

Ne versons pas dans la nostalgie, mais posons-nous cette question : y a-t-il, sur nos territoires, un plus beau lieu de vie et d’espoir, un lieu si chargé de petites et grandes histoires, qu’une école publique, laïque, gratuite, qui fête aujourd’hui son 100ème anniversaire. Si l’on estime le temps d’une génération à 25 ans, l’Ecole du Centre en aura formé, éduqué et émancipé, quatre depuis 1911. C’est en effet le 15 octobre 1911 que le maire de Vénissieux, Jean-François Garin, inaugurait le premier groupe scolaire de la commune, construit en bordure du futur boulevard Laurent Gerin, lequel sera ouvert à partir de la place Léon Sublet, pour donner accès à l’école.

Autre temps, autre monde : Vénissieux comptait à l’époque 4939 habitants, la mutation d’une société agricole vers une société industrielle était en route. Autre temps, autre monde, mais des questions, déjà, qui forment un étrange écho à notre quotidien. Ecoutons ce qu’écrit Maurice Corbel, dans Vénissieux La Rebelle. Je le cite :

«  Mais les dix classes prévues à l’origine, quatre pour les filles, quatre pour les garçons, et deux pour les enfants de la maternelle, n’en finiront pas de voir leur nombre augmenter. L’afflux de population, mais aussi en 1936 la prolongation de l’âge scolaire jusqu’à 14 ans, contribuent à accroître le nombre d’élèves. En 1920, le groupe scolaire du Centre reçoit 230 garçons dans cinq classes, et 217 filles pour six classes.»

Il y a un siècle, la ville de Vénissieux avait enfourché un cheval de bataille, qu’elle ne lâchera plus depuis : améliorer les conditions d’accueil des enfants, en demandant à ce que tout le monde participe à l’effort collectif. En 1926, la municipalité réclame ainsi aux grosses entreprises, et à la Compagnie PLM des subventions, en avançant l’argument légitime que la création des usines induit l’ouverture de classes, la création de postes de personnel de service. Nous ne demandons pas autre chose à l’Etat, aujourd’hui, afin qu’il remplisse dignement son rôle et sa mission. J’y reviendrai un peu plus tard, car les politiques gouvernementales actuelles nous rapprochent, tous les jours un peu plus, du gouffre. 1934 : le groupe scolaire Pasteur est inauguré. Puis Parilly en 1935.

Aujourd’hui, Vénissieux compte 20 groupes scolaires, et ses efforts ne se démentent pas, avec la reconstruction du groupe scolaire et de la Maison de l’Enfance Joliot-Curie.

Et puis, il y a aussi à l’origine de l’Ecole du Centre, ce qui a forgé les décisions et l’identité vénissianes : l’éducation populaire comme fer de lance, l’éducation populaire comme credo, comme volonté, pour ouvrir à l’enfance tous les univers, pour l’aider à voler de ses propres ailes. Je me réfère là encore à Vénissieux La Rebelle, où les intentions de notre commune sont écrites noir sur blanc. Je cite l’extrait : « La municipalité se préoccupe d’introduire à l’école des nouvelles activités, surtout culturelles, comme l’éducation musicale ou même la pratique de la gymnastique, et que viennent renforcer les œuvres post ou parascolaires laïques, comme le cinéma éducateur, les bibliothèques scolaires, les ouvroirs, les deniers, le comité des dames patronnesses des écoles maternelles, les colonies de vacances comme les «  Enfants de la montagne » ». Ca s’appelle l’APASEV, l’Ecole de Musique ou encore la Médiathèque Lucie-Aubrac, traduction des volontés du passé dans notre ville d’aujourd’hui, traduction d’une chaîne et d’un esprit qui ne s’est jamais rompue.

Mais revenons à notre école du Centre. Elle a fière allure, et les communs des mortels que nous sommes peuvent l’envier : en vieillissant, elle rajeunit, ce qui n’est pas permis à tout le monde. La création de Maison de l’Enfance, inaugurée le 23 septembre 2008, ou encore, à l’occasion de cette nouvelle rentrée scolaire, l’ouverture d’une onzième classe de la maternelle, témoignent de sa vitalité. Petits et grands, ils sont dorénavant 625 élèves à profiter du travail remarquable de la direction, des équipes et du personnel de l’Education Nationale.

Pour répondre au nombre d’inscriptions croissantes, différents plans sont lancés ou à l’étude. Premier point : à la rentrée 2012, par un jeu de chaises musicales, le démantèlement de la salle informatique, et le redéploiement du matériel en fond de classe, permettront d’accueillir une classe supplémentaire en élémentaire, la 14ème du nom. Une étude de faisabilité est également en cours, pour savoir si la création d’un nouveau restaurant scolaire est envisageable, afin de récupérer les anciens locaux et d’y créer quatre nouvelles salles, au plus tard en septembre 2014. Enfin, nous avons engagé une étude prospective avec le cabinet Orgeco, pour estimer les effectifs à l’horizon 2014-2015-2016, et ouvrir une réflexion sur la création, à terme, d’un 2ème groupe scolaire dans le quartier du centre, ou sur la possibilité d’extension de l’école actuelle.

Si je remercie les enseignants pour l’investissement dont ils font preuve, je tiens aussi à associer tous les bénévoles et les acteurs de cette commémoration, de la Section retrouvailles de l’Amicale Laïque aux DDEN, des directions d’écoles aux parents, en passant par les clubs, chorale et compagnie qui se sont associés à l’anniversaire de notre belle centenaire.

Nous voilà ensemble face à une école qui a cent ans, et nous voilà ensemble face à une école publique, la nôtre, en grand danger. Des dizaines de milliers de postes supprimés depuis 2007; la formation des enseignants foulée aux pieds ; près de 800 journées non remplacées en cumulée à Vénissieux en 2010, faute d’effectif ; des classes surchargées ; des conditions de travail qui ne cessent de se dégrader : amère, je le suis, en colère je le suis, en révolte je le suis aussi.

Que fait-on à notre école, et que fait-on de notre école ? Que fait-on des sciences humaines, des apprentissages de base, des expressions musicales, artistiques, sportives ? Que fait-on à nos enfants, aux jeunes générations, en massacrant de la sorte l’accès aux connaissances et aux formations ? Si les politiques libérales de Nicolas Sarkozy avaient été appliquées dans le courant du 20ème siècle, l’école du Centre fêterait-elle ses cent ans aujourd’hui ? Existerait-elle encore ? Ce que je dis là ne relève pas de la provocation, c’est une forme d’anticipation qu’il nous faut garder en tête. Oui, l’école publique, laïque, gratuite est menacée. Oui l’école de la tolérance, de l’égalité, de la réussite, est abîmée. Oui l’école de Jules Ferry, qui est le cœur, le poumon, le joyau de notre République, de notre identité et de notre histoire françaises, oui cette école-là est salie, humiliée, par des politiques nationales honteuses, scandaleuses et régressives.

Nous ne pouvons pas laisser faire ça, je dirais même, nous n’avons pas le droit de laisser faire ça. Pour nos enfants, pour ce que nous sommes aussi, car chacun de nous, ici, sait ce que tel professeur ou telle discipline a pu lui apporter à un moment de son existence. Je défends une école qui ouvre l’esprit, qui transmet les connaissances sans normaliser, sans formater les enfants. Je défends une école de la différence, de l’initiation et de la sensation, dans le cadre d’une expérience collective, juste, solidaire.

Le gouvernement actuel, lui, défend autre chose : le retour du déterminisme social, l’école du riche contre l’école du pauvre, l’aliénation des classes populaires, pour créer une main d’œuvre malléable, corvéable et exploitable. C’est cela aussi qui se joue dans nos écoles, c’est la genèse des sociétés à venir qui s’y fabrique, c’est l’esprit de la République qui devrait y respirer.

Notre école du Centre est née 6 ans après la grande loi de 1905, de la séparation des églises et de l’Etat, d’un combat homérique et d’hommes héroïques, de Waldeck-Rousseau à Aristide Briand. Notre école du Centre est née 30 ans à peine après les lois scolaires de Jules Ferry : gratuité de l’enseignement primaire, obligation d’instruction et non de scolarisation…

L’école du Centre était âgée de 25 ans, lorsque Jean Zay démocratisa encore un peu plus l’éducation nationale dans notre pays. Ces hommes, tous autant les uns que les autres, ont œuvré pour l’émancipation des citoyens. Ils ont compris que par une école démocratique, par la transmission partagée d’une éducation intellectuelle et civique, l’humanité devenait en quelque sorte plus digne d’elle-même.

C’était le sens de leur combat, et c’est celui qui est devenu le nôtre, aujourd’hui en 2011. Je vous remercie.

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