Inauguration de la rue des Frères Lanfranchi, héros de la Résistance

Lors de la commémoration du 65ème anniversaire de la capitulation sans condition des armées nazies, le 8 mai 2010, Michèle Picard et l’équipe municipale ont tenu à rendre hommage aux Frères Lanfranchi, héros de la Résistance, par l’inauguration de la « rue des Frère Lanfranchi ». Ci-après l’intervention de Michèle Picard.

Le 8 mai 2010

Lors de la commémoration du 65ème anniversaire de la capitulation sans condition des armées nazies, le 8 mai 2010, Michèle Picard et l’équipe municipale ont tenu à rendre hommage aux Frères Lanfranchi, héros de la Résistance, par l’inauguration de la « rue des Frère Lanfranchi ». Ci-après l’intervention de Michèle Picard.

Il est des heures terribles où l’histoire impose à chaque individu le temps du choix. Un choix irréversible, irrémédiable, un choix après lequel on sait que sa vie, la vie de ses proches, ne sera plus la même. Il ne s’agit plus de peser le pour et le contre mais de trancher. En 1940, des millions de personnes se sont retrouvées face à eux-mêmes. Accepter la domination du IIIème Reich et la soumission de Vichy, ou combattre, résister, désobéir, vivre debout pour dire Non au racisme, à l’antisémitisme, à la loi du plus fort. A ce moment-là, c’est sa propre vie que l’on met dans la balance et c’est le sens de l’honneur qui nous observe.

Des hommes, des femmes, des immigrés ont franchi ce seuil de la peur et du défaitisme pour défendre la France des Lumières, la France Républicaine. Les frères Lanfranchi, dont nous inaugurons la rue ce matin, en font partie. Ils rejoignent la longue liste (28 rues et 80 plaques environ) des noms des résistants dont la ville de Vénissieux peut être fière. Fière de perpétuer leur mémoire, fière que leurs patronymes irriguent les lieux de notre commune, fière que dans nos déplacements quotidiens l’on puisse trouver comme points cardinaux ces hommes et ces femmes qui ont changé le cours de l’histoire. Des frères Amadéo aux Frères Lanfranchi, de la Médiathèque Lucie-Aubrac à Georges Roudil, notre commune n’a pas oublié et n’oubliera jamais. Ici plus qu’ailleurs, à travers la commémoration de la journée nationale de la Résistance, avec l’existence de notre musée, la Résistance s’écrit en lettres capitales.

Les frères Lanfranchi y ajoutent un s, un pluriel de sacrifices et de dévotion. Leur histoire est exemplaire et elle fait honneur à notre ville. La famille Lanfranchi avec ses 5 enfants quitte l’Italie et Brescia en 1923 pour trouver du travail et fuir les chemises noires de Mussolini. C’est dans la cité populaire de la Société Française des Electrodes, à Vénissieux, qu’elle trouve refuge et s’installe. Deux autres frères viennent compléter la fratrie. Fiermonti, Joseph, Fortuné, Victor, Humbert, mais aussi Marie et Martine, suivront leurs parents à Saint-Fons, en quête d’un logement plus grand et plus confortable. Mais l’histoire les rattrape une seconde fois, le 10 juin 40, lorsque l’Italie déclare la guerre à la France. La bascule est radicale, sans l’ombre d’une hésitation : le pays d’adoption devient le pays à défendre, le camp d’élection est le camp de la Résistance. Résistance avec un s comme je le signalais précédemment.

L’aîné, Fiermonti, rallie les Groupes Francs et fait du renseignement pour la Résistance avant de s’engager dans l’armée française sur le front des Alpes. Il nous a quittés en 1989. Joseph, lui, rejoint les maquis de Savoie. La milice française les arrêtera et les fera déporter à Buchenwald. Deux ans de souffrances, d’humiliation, deux ans en enfer avant que les Américains ne viennent libérer le camp en 45. Joseph est décédé en 1984. Fortuné travaille, lui, pour le réseau Marco Polo, chargé du renseignement pour l’Angleterre. Une opération longue, sensible au terme de laquelle il part retrouver son frère Victor dans le maquis. Il piste ensuite Darnand, chef de la milice française, puis est dénoncé et arrêté. Au siège de la gestapo, c’est Klaus Barbie qui le torturera à trois reprises, sans que Fortuné ne livre ne serait-ce qu’un mot, un nom, un réseau. Déporté à Dachau, il sera libéré en mai 45 par les alliés. Son corps le tient à peine debout, il pèse 38 kilos et il lui faudra du temps pour qu’il reconstitue ses forces.

C’est ce temps, parfois trop long, ce temps de la justice qui lui permettra de témoigner et de retrouver Klaus Barbie, 42 ans après, dans les prétoires de la cour d’assises du Rhône à Lyon, en tant que partie civile. Mais cette fois, c’est Klaus Barbie qui baisse le regard.

Victor tombera sous les balles allemandes dans le maquis des Landes (son corps sera ramené à Vénissieux et son nom gravé sur la plaque du monument aux morts de notre commune) tandis qu’Humbert sera gravement blessé dans les maquis de l’Ain et décoré place Bellecour, le 8 mai 45.

Cinq frères unis comme les cinq doigts de la main. Cinq frères au destin tragique et héroïque. Cinq frères et un pacte commun, de cœur et de sang : lutter pour leur pays d’adoption, lutter pour la France, lutter contre la veulerie de Vichy et l’ignominie du régime nazi. Je ne peux m’empêcher en cet instant d’inauguration de penser à tous ces jeunes immigrés pour lesquels défendre la France de l’occupant coulait de source, pour lesquels la France était encore et toujours cette terre des droits de l’homme, cette terre des libertés.

Avec cette plaque, Rue des frères Lanfranchi, c’est la ville de Vénissieux et les vénissians qui enrichissent leur passé, c’est la ville de Vénissieux et les vénissians qui perpétuent le devoir de mémoire et de transmission.

C’est notre présent enraciné dans cette identité de résistance que cinq frères italiens ont incarnée au plus haut point.

Je vous remercie.

inauguration rue des frères Lanfranchi080510

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