Intervention de Michèle PICARD, Maire de Vénissieux, Vice-présidente de la Métropole de Lyon, à l’occasion de la pose de la 1ère pierre de la Maison des mémoires Olga-Bancic, un futur lieu de vie et de valorisation de toutes les mémoires.
Réunir toutes les mémoires. Réunir toutes les générations. Et réunir tous les Vénissians autour de leurs identités, singulières, plurielles, populaires.
Revenir sur notre passé pour avancer ensemble, en comprenant qui l’on est, en étant fier de ses racines, de ses origines, de sa culture, de son parcours, en appartenant à l’histoire de sa ville.
Le lien social s’est tellement délité, le vivre ensemble tellement rétracté, qu’ils sont devenus des défis à relever dans nos villes et agglomérations.
Notre prochaine Maison des Mémoires Olga-Bancic est une réponse parmi d’autres, bientôt en appoint de nos politiques culturelles du quotidien.
C’est une réponse pour donner un socle commun à tous les Vénissians et toutes les générations qui ont écrit et écrivent aujourd’hui encore l’histoire de notre ville en y travaillant, en l’animant, en la réinventant.
Il faut, notamment auprès des plus jeunes, reconstruire des repères, redonner du sens, des identités collectives, réinscrire l’histoire dans une mise en perspective et dans un parcours.
Chacun a besoin de savoir d’où il vient, c’est une évidence, mais j’ai presque envie de dire qu’aujourd’hui c’est une nécessité.
Il s’agit bien de s’inscrire dans les espaces et le temps de la ville, ce temps qui ne se réduit pas à l’instant T, mais est le fruit et l’addition de tous les instants précédents.
Cette Maison des Mémoires Olga-Bancic, l’esprit de la République va l’habiter ! Chacun y aura sa place, avec ses droits, ses devoirs, ses histoires, petites ou grandes, ses mémoires, éparpillées ou rassemblées.
Nous voulons et nous allons en faire un lieu de vie.
Comme je le disais lors de la conférence de présentation, il s’agit d’une maison, pas d’un musée figé dans la diversité de ses collections.
Une maison protège, abrite, favorise les rencontres, s’ouvre au monde, c’est un lieu de vie, d’échanges entre passé et présent, entre ce qui a été et ce qui est, ce qui nous constitue. En soutenant notre projet avec une dotation de 1,7 million d’euros, l’Etat a compris l’enjeu de cette Maison.
Je le remercie très chaleureusement car aujourd’hui en temps de crise la culture a un besoin vital d’être épaulée et la mémoire des villes populaires d’être valorisée.
Avant la pose de cette première pierre, notre prochain équipement a déjà eu une longue histoire derrière lui.
Construite entre 1880 et 1882, à l’initiative du maire républicain Napoléon Sublet, l’ancienne mairie de Vénissieux est devenue par la suite mairie-école, école de musique, musée de la Résistance et de la Déportation. Portant le nom d’Henri Rol-Tanguy, son architecture, emblématique des bâtiments publics construits sous la 3ème république, est très bien identifiée par les Vénissians.
Le bâtiment n’est plus ouvert au public depuis le milieu des années 2010, un diagnostic sanitaire complet a été réalisé en 2022 confirmant le bon état de sa structure.
Le nom de Rol-Tanguy, auquel nous tenions, ne disparaît pas pour autant de notre espace public et de notre géographie collective. C’est la raison pour laquelle la rue située entre la rue du Château et la rue Paul Bert sera dénommée rue Cécile et Henri Rol-Tanguy. Tous deux communistes, l’un occupa, entre autres, le rôle de chef des FFI à la libération de Paris quand son épouse Cécile fut agente de liaison et dactylographe pour le Résistance.
L’autre histoire particulière de notre prochain équipement est plus récente.
Il s’agissait de concrétiser le pacte de confiance contracté entre les résistants, la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes et notre ville.
La donation du fonds du musée de la Résistance et de la Déportation à notre municipalité, au début des années 2010, nous honore et il nous incombait de faire vivre cet héritage au présent.
Cette Maison des Mémoires était inscrite dans le cadre du mandat précédent. Mais la réalité budgétaire et la priorité accordée aux extensions et réhabilitations de nos groupes scolaires ont décalé le projet dans le temps.
Inscrit à nouveau dans notre pacte communal 2020-2026, il devient concret aujourd’hui.
Depuis février 2024, la Maison des Mémoires a grandi et franchi une nouvelle étape avec l’organisation d’une collecte auprès des habitants.
C’est la mémoire des Vénissians (objets artisanaux, du quotidien, photographies, bijoux, textiles) que nous sommes allés rencontrer. 62 donations ont rejoint la collection de notre Maison Olga-Bancic.
On trouve ainsi des traces et témoignages du passé que nous ignorions.
Madame Cottet-Dupic a fait don de 299 tirages argentiques sur l’histoire de Vénissieux, du début du 20ème siècle jusqu’aux années 80.
Ce sont des clichés de la vie quotidienne au fil desquels notre ville passe de sa vie rurale à son identité urbaine et industrielle.
Il y a aussi celle de Monsieur Georges Clavel, pour une donation de 7 objets, dont notamment un original grand format de 1923 où posent tous les employés de l’Usine Maréchal.
Il serait trop long de citer tous les donateurs, mais je tiens à les remercier très chaleureusement, chacun d’entre eux a montré un attachement inaliénable à Vénissieux.
Ce sont des dons précieux en forme d’appartenance, sincère et profonde.
Quand notre quotidien nous fait traverser les quartiers de Vénissieux, on les aperçoit, mais on ne les regarde pas.
Derrière nos déplacements, nos mouvements, qui se souvient et pourrait se représenter la Vénissieux horticole, des rosiéristes, d’une population paysanne qui représentait encore 68 % de la population active de Vénissieux à la fin du 19ème, contre 20 % en 1911.
Les Etablissements Maréchal, fabrique de toile cirée fondée en 1874, la verrerie de Vénissieux, la fonderie Duranton et la Société française des Electrodes ouvrent la page industrielle de notre histoire avec les mutations sociologiques que cela implique : la mémoire des luttes sociales, la conquête de droits, de la réduction du temps de travail aux congés payés, mais également l’histoire de la désindustrialisation qui engendre la colère de la fin des années 70.
Et puis il y a la résistance de Vénissieux lors de la seconde guerre mondiale, aussi bien civile qu’armée, et le sauvetage des enfants juifs du camp de Bac Ky.
Et la mosaïque vénissiane qui se constitue avec les réfugiés politiques d’Europe de l’Est et d’Espagne, puis les migrations économiques des populations du Maghreb, de l’Afrique subsaharienne ou d’Asie, la Marche pour l’égalité et contre le racisme.
Notre histoire vénissiane, si multiple, va bientôt rejoindre sa maison.
Elle ne se visitera pas, mais se vivra.
La conception du programme muséographique, la scénographie, les différents espaces favoriseront une immersion et une expérience interactive dans le passé de notre ville.
Je remercie ainsi tous ceux qui ont contribué à l’élaboration du contenu, entre la collection permanente qui sera installée dans le bâtiment du 19ème et les expositions temporaires et la salle multi-activités qui prendront place dans l’un des deux monolithes contemporains qui seront construits.
De la programmation à la scénographie, du graphisme au projet architectural de l’ensemble, qui va faire dialoguer les bâtiments entre eux, les savoir-faire et la qualité de travail de tous les acteurs se sont réunis pour donner naissance à une vraie ambition culturelle.
Bravo à toutes les équipes, sans oublier tous les services et agents de notre ville qui se sont lancés avec coeur dans ce nouveau chapitre de la vie culturelle à Vénissieux.
La prochaine Maison des Mémoires Olga-Bancic remplira plusieurs objectifs.
Elle va dans un premier temps redynamiser notre centre-ville.
On ne souligne pas assez, dans le développement urbain des villes, à quel point la présence d’un équipement public structurant draine et tire par le haut la vie sociale, citoyenne, économique, associative d’un quartier.
Cette nouvelle Maison jouera ce rôle dans notre centre historique en tant qu’élément pivot entre le parc Louis Dupic, la Médiathèque, le centre et le Plateau des Minguettes désormais relié par le nouveau parc Ana Maria Primavesi.
L’appartenance vénissiane, l’identité multiculturelle de notre ville, notre patrimoine culturel et historique seront bien sûr valorisés. Nos services sont déjà à l’œuvre pour créer des convergences et des synergies entre nos équipements, entre nos partenaires, avec le milieu associatif, de l’éducation et de la culture.
Dans l’esprit, la Maison des Mémoires deviendra un outil supplémentaire de l’éducation populaire, en ouvrant des espaces d’échanges et de co-construction. Elle s’adressera à tous les publics, mais une attention particulière sera portée à l’égard des enfants, des élèves dans nos écoles, collèges et lycées et des jeunes des EPJ.
Aujourd’hui même, l’action et l’éducation culturelles sont un des piliers du travail mené par Vénissieux et bénéficient chaque année à près de 35 000 jeunes entre 3 et 25 ans.
A n’en pas douter, cette maison occupera une place centrale dans notre Projet Educatif et Solidaire, ex-PEDT de notre Ville.
En présence de 9 classes de l’école du Centre, soit environ 150 élèves, nous venons de poser la capsule temporelle à l’intérieur de la première pierre de notre prochain équipement culturel, pour une ouverture programmée à l’automne 2027.
J’aimerais conclure sur le nom que va porter notre Maison, celui d’Olga-Bancic. Seule femme parmi les 23 accusés membres du réseau communiste des FTP MOI, elle ne sera pas fusillée avec ses amis au Mont Valérien, mais transférée en Allemagne avant d’être guillotinée à la prison de Stuttgart, en mai 44, à l’âge trente-deux ans.
Son visage, sa personne, sa force de caractère se situent à la croisée de toutes les mémoires et incarne l’esprit de notre futur équipement culturel et éducatif : mémoire ouvrière, mémoire des migrations, mémoire de la résistance, mémoire des femmes et mémoire des politiques de progrès social.
« L’avenir à chaque instant presse le présent d’être un souvenir », disait Aragon. Notre Maison des mémoires se chargera, elle, de devenir une sentinelle et une mesure du temps et du chemin parcouru par Vénissieux et tous les Vénissians.
Je vous remercie.