Michèle PICARD présentait ses vœux à la presse Jeudi 20 janvier 2011. Vous trouverez ci-après son intervention.
On peut lire l’année 2010 de deux façons, deux lectures contradictoires qui résument les douze mois passés.
Le point positif, c’est, je le crois, une prise de conscience citoyenne, une prise de conscience partagée : le système actuel nous mène droit dans le mur, aussi bien économiquement que socialement. La parole s’est libérée, des mouvements populaires se sont levés partout en Europe et de nombreux sociologues, historiens, philosophes ouvrent des brèches et des débats pour sortir du capitalisme financier. La jeunesse tunisienne, elle, s’est débarrassée en un mois de plus de vingt ans de corruption organisée, d’un régime autoritaire et despotique. Le chemin de la démocratie sera long, semé d’embûches, mais le peuple tunisien s’est saisi de son destin, au prix d’un bain de sang tragique et révoltant.
Dans ce contexte, les déclarations de Michèle Alliot-Marie et le silence embarrassé de la France relèvent à tout point de vue d’un post-colonialisme ahurissant et méprisant. A travers les nombreux mouvements de contestation populaire de cet automne, 2010 marque la fin de la résignation, du dépit, de la « dissolution et disparition du peuple » en quelque sorte de ces 30 dernières années. En Grèce, en Irlande, au Portugal, en France, en Angleterre, la rue a exprimé son ras-le-bol d’une politique qui sacrifie l’homme, son environnement et les modes de production sur l’autel du profit, de la finance et du CAC 40.
L’émergence de ces mouvements n’a pas suffi pour l’instant à inverser la tendance, mais elle a posé des jalons pour l’avenir, elle a créé de l’espoir et des solidarités là où l’amertume a trop longtemps régné. En France, Nicolas Sarkozy a continué son entreprise de destruction du pacte républicain. En affichant arrogance, morgue et suffisance. Jamais sous la Vème République, la droite n’avait appliqué une politique d’inégalités aussi scandaleuse !
Ce n’est pas la droite républicaine qui dirige, c’est une droite versaillaise, décomplexée, qui règle des comptes avec des siècles d’avancées sociales en France. La pauvreté augmente (8 millions de français sous le seuil de pauvreté, 2 millions d’enfants, 1 million de personnes âgées vivant dans des conditions indignes dans notre pays) et on continue la gabegie des finances publiques nationales. Le bouclier fiscal est maintenu, le trésor public rembourse 100 millions d’euros à la 3ème fortune de France, Liliane Bettencourt, les exonérations patronales sans effet sur l’emploi restent en place. 8 millions de pauvres d’un côté, 40 milliards de dividendes distribués pour les entreprises du CAC 40 de l’autre. En 2010 ! en pleine crise économique, sociale, alors que le chômage explose chez les jeunes et chez les plus de 50 ans (+17,6% en un an). Alors que presque un jeune homme sur deux est au chômage dans les ZUS !
C’est indécent, ahurissant, scandaleux (il n’y a pas d’autre mot). On reporte l’âge légal du départ à la retraite à 62 ans, des pensions sans décote à 67 ans alors que la majorité des Français s’y oppose, alors que des millions de personnes manifestent sur l’ensemble du territoire.
Arrogance, morgue, suffisance : le tandem Sarkozy-Fillon continue de gouverner contre les Français et contre le bon sens. Pire même, il prend le peuple pour plus naïf qu’il n’est, car les salariés, les jeunes, les femmes ont compris que cette réforme ne leur permettrait plus de toucher une retraite décente, une retraite complète. Qu’il faudrait la compléter par capitalisation pour ceux qui en ont les moyens ou par des petits boulots sous-payés pour une grande majorité, à 68 ans, 70 ans ! Travailler plus pour travailler plus longtemps, le MEDEF peut remercier Nicolas Sarkozy ! On sait, surtout en temps de crise, que la population a besoin plus que jamais de la présence des services publics et des missions d’intérêt général. La réponse du gouvernement ? 100 000 postes de fonctionnaires supprimés depuis 2007, un jeu de massacres extrêmement grave dans l’Éducation nationale, dans les hôpitaux, dans la police, etc. 23% de Français reportent leurs soins, en huit ans les coûts directs en matière de santé pour les ménages (cotisation à une complémentaire et montants au final moins remboursés) ont augmenté de 50% et que fait-on ?
On démantèle la sécurité sociale, on supprime des lits d’hôpitaux, on dérembourse de plus en plus de médicaments, on augmente le forfait hospitalier. Et avec le chantier de la dépendance, c’est la privatisation des différentes branches de la sécu, à travers la mainmise des assurances et mutuelles privées, que le gouvernement tente de mettre en place. Un Français sur 6 touché par la crise du logement, 3,5 millions de personnes mal-logés et François Fillon annonce le prélèvement sur les organismes HLM d’un milliard d’euros sur 3 ans, après avoir fait main basse sur le 1%.
Pour sortir de la crise du logement, on estime qu’il faudrait la construction de 500 000 logements par an pendant 5 ans. Est-ce vraiment inaccessible dans un pays comme le nôtre ? Non bien sûr, mais on préfère laisser faire la spéculation immobilière. Fiscalité du nanti, accès au savoir, à la santé, au logement, passé au tri sélectif de l’argent : ce sont les droits fondamentaux, les droits les plus universels que l’on privatise, que l’on confisque, que l’on spolie.
Pour clore cet inventaire en forme de réquisitoire, n’oublions pas, surtout pas, l’attaque frontale faite aux communes et à la décentralisation. La réforme peut paraître technique, loin des préoccupations des habitants, elle n’en demeure pas moins redoutable. La contraction des dotations et le désengagement de l’Etat vont obliger les communes à des choix douloureux dans très peu de temps. Aux yeux de ce gouvernement, une bonne commune entre guillemets, ce sera une commune qui sera gérée par des technocrates, soumise aux règles du privé : supprimer des missions de proximité, comprimer la masse salariale ou limiter les investissements. Il y a danger, danger pour les habitants, danger pour les services publics de proximité, danger pour les fonctionnaires aussi et danger tout court pour la cohésion sociale et le socle républicain.
Le contexte de crise mondiale, le poids des politiques nationales menées par la droite depuis 10 ans, pèsent sur des villes populaires comme Vénissieux. Notre tissu industriel est menacé : ne croyez pas que le monopoly financier tombe chez les autres, il frappe, blesse et meurtrit nos propres territoires. L’industrie française a pourtant un avenir, elle n’est pas malade, obsolète, ce sont les décisions et les orientations de Bruxelles, de Paris, qui la rendent malade, qui l’anéantissent.
Il faut dire stop à cette hémorragie de nos emplois, de nos savoir-faire, de nos productions. Saint-Jean Industries aura été, à cet égard, un cas d’école : 108 salariés et leur savoir-faire sacrifiés sur l’autel de la délocalisation et de la finance. Et une direction qui a le culot, l’année dernière, d’envoyer une annonce de recrutements après avoir brisé la vie des salariés et l’outil de production. Il y a ensuite Bosch et une victoire en forme de trompe l’œil et enfin Véninov pour lequel nous avons créé un comité de défense afin de mobiliser toutes les forces économiques, politiques, syndicales sur notre commune. A ce jour, l’avenir de Véninov n’est pas pérennisé et mes inquiétudes restent toujours vives. Le combat pour cette entreprise, fleuron de notre patrimoine vénissian, n’est pas fini, il commence, tout comme celui que nous devons porter pour garder la production et le savoir-faire français.
2010 a été marqué également par le sinistre inacceptable du Centre Nautique Intercommunal. Je n’accepte pas la banalisation d’actes graves, la banalisation d’une violence aveugle, gratuite, stupide, dans nos quartiers, villes et agglomérations. Il faut rompre ce cercle vicieux, rompre la loi du silence qui agit comme une chape de plomb. S’en prendre à des biens publics, c’est s’en prendre à l’intérêt général, c’est s’en prendre aux habitants, aux familles populaires, aux jeunes et écoliers, qui en sont les premières victimes. Et c’est cette injustice qui provoque chez moi une très vive colère. Je l’ai dit aux Vénissians : nous sortirons par le haut de cet énorme gâchis et nous oeuvrons, d’ores et déjà, dans ce sens.
Je ne vais pas vous rappeler toutes les inaugurations, poses de première pierre auxquelles la presse a été conviée. Vénissieux se développe vite, et dans le bon sens, Vénissieux a retrouvé une attraction immobilière mais ce n’est pas tout. Les habitants le savent, Vénissieux, contre vents et marées, a gardé une politique de service public de proximité ambitieuse malgré les abandons de l’Etat. Ce point aussi joue dans le processus de repeuplement de notre commune. Nous récoltons les fruits de notre engagement pour le logement social, mais aussi pour construire des parcours résidentiels variés, adaptés, raisonnés.
Vénissieux a livré 564 logements neufs en 2010, ce qui est remarquable, pendant que le gouvernement Fillon organisait, lui, le hold-up des prélèvements sur les organismes HLM (1 milliard d’euro en trois ans !). Constructions, réhabilitations (le cas de la résidence Aulagne est là pour nous le rappeler) je le dis, je le répète : l’Etat ne peut pas se dédouaner de ses missions régaliennes sur le dos des collectivités, sans contreparties financières, sans ambition, ni moyens pour la politique de la ville, etc. Sans quoi, les erreurs du passé, que l’on paye encore de nos jours, redeviendront le moteur de nouvelles ségrégations territoriales au cœur même de nos agglomérations.
Malgré ce contexte, malgré l’épée de Damoclès que fait peser la réforme des collectivités, Vénissieux ne manquera pas d’ambition en 2011. Ambition déjà d’offrir des services publics forts et présents dans tous les quartiers à l’ensemble des Vénissians. Il y a le Puisoz bien sûr, le site du Puisoz au sujet duquel un groupe de travail œuvre dans le souci de faire sortir de terre un projet urbain fort, mais aussi cohérent et homogène. Il y aura les inaugurations du Coralin, de l’immeuble rue Paul Bert, de l’Agence Opac du Rhône aux Minguettes, des serres municipales, de la nouvelle chaufferie gaz, des poses de première pierre au Lycée Jacques Brel, et de l’îlot Casino à Vénissy.
Vous aurez, je le crois, de la matière pour écrire sur notre ville, sans oublier des dates anniversaires qui viendront nous rappeler d’où nous venons comme, entre autres, les 100 ans de l’école du Centre. Il y aura aussi des rendez-vous importants pour notre ville au sujet desquels je vous tiendrai au courant très prochainement. Une année compte douze mois, on peut bien faire durer le plaisir un peu plus longtemps que l’espace d’une conférence de presse.
Un mot pour conclure, à vous journalistes, à tous ceux qui oeuvrent pour une information libre, citoyenne, qui oeuvrent pour la bonne santé de la démocratie. Entre les médias de masse, aux mains des grands groupes de communication, tous proches de l’Elysée, et des médias du flux (réseaux sociaux, internet, Wikileaks), nous vivons une mutation accélérée du monde de l’information, que ce soit dans les modes de diffusion ou d’appropriation des contenus. Dans ces interconnections complexes, la place de la presse écrite est primordiale pour prendre le temps et comprendre ce qui nous entoure. Sa fragilité économique actuelle devrait interpeller les pouvoirs publics au plus haut point car il n’y a pas de démocratie sans liberté d’expression et sans débats contradictoires.
Je vous souhaite à tous une bonne année 2011 en associant à ces vœux traditionnels des vœux de liberté pour Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, les deux journalistes de France Télévision enlevés depuis maintenant plus d’un en Afghanistan.
Je vous remercie.

