Il y a 70 ans, les Françaises votent pour la première fois

« Dans notre législation telle qu’elle est, la femme ne possède pas, elle n’est pas en justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n’est pas. Il y a des citoyens, il n’y a pas de citoyennes. C’est là un état violent : il faut qu’il cesse. »

Lettre de Victor Hugo au journal l’Avenir des femmes en 1872 (Journal créé par les Libres Penseuses sous l’impulsion de Louise Michel en 1870)

L’année 2015 est marquée par une conquête très importante, le 70ème anniversaire du droit de vote des femmes. Ecartées de la vie publique, considérées comme mineures, exploitées dans leur vie comme dans le travail, les femmes françaises seront parmi les dernières dans le monde occidental à acquérir ce droit et celui de se faire élire. Un droit conquis presque seules au prix de leur vie et de luttes acharnées qui remontent à la Révolution. Il s’inscrit dans l’esprit progressiste du Conseil national de la Résistance.

C’est la France libre du général de Gaulle qui reconnaîtra, enfin, cette  égalité économique et politique des sexes, en hommage à leur engagement dans la Résistance et de leur rôle crucial pour combattre l’ennemi nazi. Les femmes passaient plus facilement inaperçues avec un panier ou une poussette. Elles effectuaient les repérages des lieux ainsi que les transports d’armes et d’explosifs avant les attentats. Ariane Knout ou encore Annette Richtiger par exemple y ont laissé leur vie. Elles étaient agents de liaison, ou chargées d’effectuer des actes de sabotage, certaines d’entre-elles ont même infiltré les réseaux de la Wehrmacht. Elles ont montré leur courage, pris des risques considérables au même titre que leurs camarades masculins.

Les femmes ont effectivement joué un rôle primordial dans le sauvetage des enfants juifs. Ce fut le cas de Mila Racine, Nicole Salon-Weil, Suzanne Spaak, Marianne Cohn et bien d’autres encore, qui ont payé cette action de leur vie, mortes en déportation ou sauvagement assassinées.

Toutes ces femmes ont payé le prix fort, celui du sang, leur engagement au service de notre pays et de la liberté. Même sang versé, mêmes souffrances endurées que les hommes et pourtant… à l’image d’Olga Bancic, seul membre féminin du groupe Manouchian, décapitée à la hache alors que ses 22 autres compagnons de l’Affiche rouge ont été fusillés, tout comme Simone Schloss ou Renée Lévy qui a été Guillotinée.

Les femmes avaient failli avoir gain de cause 25 ans auparavant, au terme de la Première Guerre mondiale, en raison de l’immense effort économique qu’elles avaient fourni. Mais le Sénat avait repoussé cette promesse par des arguments sexistes et misogynes. La droite pour sa part, affirmait que les femmes ne devaient pas faire de politique. Quant à la gauche, elle craignait que les voix féminines n’aillent alimenter le vote clérical.

Après un siècle et demi de réflexion et de lutte pour obtenir l’égalité des droits politiques avec les hommes, ce droit sera mis en pratique le 29 avril 1915 pour la première fois en France. Il était plus que temps !

70 ans plus tard, les droits des femmes en France restent très fragiles. Ils sont trop souvent remis en cause par les forces réactionnaires et rétrogrades.

Même si aujourd’hui, la représentation des femmes dans la sphère nationale ou locale tend à s’accroitre, le déséquilibre subsiste entre les deux sexes même après la loi de 2000, sur la parité ; La proportion de femmes députées avoisine les 30 % et 25 % de femmes sont sénatrices. Au niveau local, la parité en politique est loin d’être atteinte. Pour ne citer qu’un exemple, seulement 11 % des maires des communes de 30 000 et 100 000 habitants sont des femmes. Nous vivons dans une société qui continue de fonctionner avec des schémas qui cloisonnent les parcours et les fonctions. Dans le monde du travail par exemple, la répartition des professions montre bien que les femmes sont cantonnées aux métiers dits féminins à savoir : aides à domicile, aides ménagères, secrétaires, agents d’entretien, assistants maternels, infirmières, enseignantes… Elles sont donc le plus souvent au bas de la hiérarchie socioprofessionnelle et subissent ordinairement chômage et pauvreté.

Nous avons beaucoup à apprendre de nos voisins européens. A l’image de la Norvège, un pays précurseur en matière de droits des femmes, la loi promeut l’égalité entre les sexes et assure une protection contre la discrimination fondée sur le sexe. Les mêmes chances en matière d’éducation et d’emploi sont accordées aux femmes comme aux hommes. En outre, une disposition de la loi exige que les conseils d’administrations des entreprises soient équilibrés, faute de quoi, ces mêmes entreprises ne seront pas enregistrées auprès de l’administration centrale et seront placées en liquidation.

Défendre les droits des femmes est un travail de longue haleine, un travail au quotidien. C’est s’attaquer aux préjugés, aux réflexes conditionnés, à cet héritage de modèles patriarcaux. Notre société tout entière doit s’en emparer et faire sauter ce plafond de verre. Dans un contexte de régression des droits des femmes, le combat pour conserver et développer ces acquis est toujours d’actualité.

 

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