Vendredi 11 juin à 18 heures
Remise des prix du Concours Solidaire de l’Institut Bioforce
Institut Bioforce – Salle de conférence
41, avenue du 8 mai 1945 à Vénissieux
Retrouvez, ci-après, l’intervention de Michèle Picard à cette occasion.
On rencontre souvent plus de liberté en empruntant les contre-allées qu’en suivant les grands axes. Le siècle est ainsi : il tend à normaliser les comportements et à figer les opinions dans le carcan de la bien-pensance. Que rien ne dépasse et que tout soit lisse, comme si les libertés de choix et la liberté des expressions n’avaient plus lieu d’être. Les jeunes qui sont ici désobéissent au principe de l’accomplissement personnel par la seule et unique réussite individuelle. C’est beau et noble, et ça a donné l’envie au maire que je suis de faire une petite entorse au morcellement des interventions initialement prévues. Car la nature de votre engagement mérite que l’on s’y attarde quelque peu. Parfois, souvent même, il faut savoir accorder du temps à la jeunesse Vénissiane, à la jeunesse de Bioforce.
En face de l’égoïsme donc, vous avez choisi l’altruisme. En face de l’individualisme, la solidarité. En face du repli, l’ouverture sur l’autre comme sur vous-même. En face de l’indifférence, la générosité. Les plus beaux prix de cette troisième édition du concours solidaire 2010, ce sont ces valeurs que vous portez et incarnez, ces valeurs que la plupart du temps nos sociétés ignorent et minorent, détruisent et remettent en cause. Cynique époque où les comportements qui devraient nous être naturels sont devenus des actes de résistance, où ce qui devrait forger le cœur de nos vies collectives est miné par l’atomisation de l’intérêt général. C’est dire si Vénissieux est heureuse de compter parmi elle de jeunes vénissians et des jeunes en formation comme vous, c’est dire si Vénissieux est fière de partager des terres communes avec Bioforce : terre de partage, terre de solidarité, terre proche ou lointaine, terre d’asile pour voir, comprendre et appréhender le monde autrement.
Terre commune et mémoire commune également : depuis le début, Bioforce et Vénissieux, Vénissieux et Bioforce ont ainsi marché côte à côte, dans un esprit de résistance et de bataille contre l’indifférence, l’égoïsme et les injustices. On peut, ici et maintenant, remercier son président, Jean-François de Lavison, pour l’excellence du travail réalisé, et tous les partenaires, publics ou privés, qui participent au « Concours solidaire » et autres opérations.
Dans un siècle où tout est image, la surenchère médiatique détourne bien souvent l’essence même des missions humanitaires. Elles ne se substituent pas à la diplomatie, ni à la géopolitique. Elles oeuvrent sur le long terme et la proximité quand les caméras passent d’un train à un autre, survolant les catastrophes de notre monde avec les courbes du pathos dans une main et les courbes d’audience dans l’autre. Cette dimension du proche et du lointain, c’est toute la force de Bioforce.
La solidarité n’est pas forcément synonyme de latitudes exotiques. Les missions dites d’applications pratiques de solidarité locale ne sont pas moins vertueuses que celles que vous menez en Haïti. Les deux forment un tout, celui d’aider les Vénissians comme les victimes du terrible tremblement de terre du 12 janvier dernier. Et le trait d’union, c’est le verbe qui soudain devient action et engagement : aider, soutenir, reconstruire, accompagner. Ici à Vénissieux, vos missions sont reconnues, appréciées et valorisées par l’ensemble de la population et par le maire que je suis. Renforcer les capacités des associations locales et promouvoir les valeurs de citoyenneté ont pour nous un sens profond.
Oui, il y a une citoyenneté si forte en vous qu’elle en est devenue une vocation : accompagner à la scolarité des jeunes vénissians ; alphabétiser des demandeurs d’asile ; participer aux maraudes du Samu social, c’est, excusez-moi du peu, un travail de toute première importance. Dans le cadre de ce « concours solidaire 2010 », je sais que des ateliers d’écriture, de slam, de danse, que des collectes de produits d’hygiène et alimentaires ont vu le jour. La démarche de l’un des pôles de Bioforce, inscrite dans le CUCS (Contrat Urbain de Cohésion Sociale) de Vénissieux, traduit votre volonté institutionnelle d’être un acteur en synergie avec le territoire.
Il faut, et c’est la moindre des choses, vous en remercier tout comme je tiens à mettre en valeur les entreprises de Vénissieux et d’ailleurs qui s’impliquent dans ce concours solidaire, certaines depuis la première année. Car il y a aussi, à travers les opérations que vous menez, la découverte d’une ville humaine et attachante, Vénissieux la Rebelle comme on l’appelle. Les personnes en difficulté que vous croisez et épaulez, les hommes et femmes que la crise jette sur le bord de la route comme des malpropres, c’est au contact de cette nature humaine, malheureusement maltraitée, que votre propre personnalité se forge et va se forger. De la conception à la réalisation des projets, du travail en équipe sur le terrain, de la confrontation directe avec le réel, il y a là une matière d’échanges, de partages qui viendront tracer et consolider votre propre cheminement. De la générosité à la réciprocité, il n’y a souvent qu’un pas que vous, et vous seul, avez su franchir, en donnant une image de la jeunesse loin des raccourcis et des clichés courants.
J’ai parlé des missions à Vénissieux, je n’oublierai pas bien sûr de mentionner celles que Bioforce mène sur d’autres continents, vos équipes présentes à Haïti et ailleurs. Je n’oublierai pas non plus de mentionner les difficultés croissantes que rencontrent sur le terrain les équipes humanitaires, prises elles aussi pour cibles, otages de conflits violents et tragiques. Oui, il s’agit bien, au proche comme au lointain, de don et de vocation. « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent ». Cette citation est d’Albert Camus et elle vous est, je le crois, directement adressée.
Je vous remercie et vous félicite très chaleureusement.