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Une rentrée au milieu du gué, marquée par l’héritage de la politique de Nicolas Sarkozy, dont les effets se prolongent, et une politique de gauche qui tarde à se mettre en place, vu l’urgence sociale. Le gouvernement en place ne résoudra pas en trois mois ce que la droite libérale a détruit depuis plus de dix ans, mais l’impatience d’une population, dont le pouvoir d’achat s’effondre tous les jours un peu plus, me paraît tout à fait légitime.
Il faut agir vite et agir fort car nous ne traversons pas une crise, mais des crises qui se superposent : l’emploi, l’industrie, l’éducation, le logement, la santé… Nous n’avons pas le choix, car à l’impatience risque de succéder la déception ou l’exaspération. Milieu du gué, car il ne faut pas simplement une gauche de gestion, mais une gauche de combat. La crise, les crises l’exigent. L’encadrement des loyers, la loi sur le harcèlement, le coup de pouce pour l’allocation de rentrée scolaire, le démantèlement de la fiscalité de castes érigée par Sarkozy, vont dans le bon sens.
Ce sont des conditions nécessaires, mais insuffisantes. Dans l’éducation nationale par exemple, l’empreinte de la droite domine cette rentrée, puisque malgré la création de 1000 postes supplémentaires annoncée par Vincent Peillon, on passe au global de -14 000 postes à -13 000.
De nouvelles orientations positives semblent mettre fin à une gestion de l’école sous la toise du privé. Sur les rythmes scolaires, des concertations vont s’ouvrir, plusieurs pistes sont à l’étude. Les villes devront être associées de près à ces discussions car la modification des emplois du temps des enfants entraîne aussi des changements dans la gestion et le financement des temps périscolaires.
Il y a des attentes, mais il y a aussi de vives inquiétudes. Le chômage, bien évidemment, qui continue de s’envoler, + 41000 demandeurs d’emploi en juillet, pour atteindre son plus haut taux depuis 1999. Si l’on additionne les catégories A B et C, nous approchons les 5 millions de chômeurs en France. Les villes populaires et industrielles sont frappées de plein fouet : l’observatoire des inégalités et le bureau d’études Compas ont montré que le taux de pauvreté était de 32% à Vénissieux avec un revenu médian des ménages pauvres de 732 euros.
Sur le fond, je ne suis pas surprise par une situation que je dénonce année après année à travers les arrêtés anti-expulsions et le travail que nous menons à Vénissieux au sein de la commission de lutte contre la grande pauvreté. Le constat est toujours un peu plus préoccupant : la misère sociale augmente, elle touche les familles monoparentales, les travailleurs pauvres, les jeunes, les retraités.Avec les associations, nous tirons la sonnette d’alarme car nous mesurons sur le terrain les effets destructeurs du capitalisme financier. Je continuerai donc de dénoncer avec force et détermination les injustices qui minent les grandes agglomérations, ainsi que la non application par certaines communes de la loi SRU.
Que ce soit en matière d’urbanisme, d’accès aux soins, on laisse se créer des fractures territoriales, ce qui est inadmissible et contraire au pacte républicain, synonyme de continuité et d’égalité sur tout le territoire. Inquiétudes également en matière de réindustrialisation de notre pays, enjeu crucial pour la France et les jeunes générations : il est urgent de sortir du dogme du MEDEF, de ces exonérations patronales sans aucun effet sur l’emploi, du « laissons faire le marché » qui détruit la vie des salariés, le tissu industriel et le développement de nos territoires.
Au Sénat et à l’Assemblée, les communistes ont déposé des propositions de loi contre les délocalisations dont il serait temps de s’inspirer. Qu’un site comme Aulnay puisse fermer ses portes, alors que l’automobile reste un secteur de pointe, c’est insupportable. Je trouve en la matière que l’Etat capitule un peu vite face au plan proposé par la direction de Peugeot. Veninov est l’exemple type de ce jeu de massacre auquel se livre la finance. Les fonds de pension se fichent des salariés et des productions : ils veulent l’argent, tout l’argent, et tout de suite.
La lutte historique des Veninov a empêché le pire, mais je reste vigilante sur les conditions et le calendrier de redémarrage de l’entreprise. L’impatience des salariés, après tant d’épreuves fatigantes, est légitime. La mobilisation doit se poursuivre jusqu’à la reprise effective de Veninov.
Appelez ça comme vous voulez, patriotisme industriel, interventionnisme, colbertisme, une chose est sûre : l’Etat doit retrouver la place qui était la sienne pour booster les secteurs d’avenir, accompagner les salariés, les PME-PMI et s’opposer frontalement à la rapacité de la finance. Il doit imaginer une nouvelle fiscalité pour les entreprises, qui forment, qui emploient, qui investissent dans la recherche.
La France n’est pas un parc d’attractions, elle doit produire, innover, reconquérir des secteurs de pointe, savoir-faire qu’elle possède toujours, malgré l’abandon de l’Etat dans ce domaine depuis plus de 30 ans. Le résultat du « moins d’état » des années Thatcher-Reagan est sous nos yeux. L’Europe des marchés et des marchands, sous laquelle nous étouffons, accentue toujours plus cette dérive libérale. Le traité budgétaire Merkel-Sarkozy, amendé à la marge par François Hollande à travers le pacte de croissance, et la règle d’or ne sont pas acceptables.
Nous ne pouvons pas laisser nos politiques publiques sous l’emprise des agences de notation. Nous ne pouvons pas perdre nos souverainetés nationales au cœur d’une Europe libérale. Nous ne pouvons pas continuer de construire une Union Européenne, sans, voire contre les peuples européens. Le traité de stabilité budgétaire européen doit donc faire l’objet d’un referendum. Il n’y a pas d’autre voie, si l’on veut réconcilier les peuples à l’idée européenne.
C’est aux citoyens de s’exprimer sur l’avenir de l’Europe, dans le respect de leur choix qui, je le rappelle, a été bafoué une première fois en 2005. Pendant la campagne présidentielle, François Hollande a ciblé son adversaire : le monde de la finance ! Alors c’est l’heure, pour lui, de redonner la parole au peuple, de remettre l’argent au service de l’économie et de l’intérêt général. Avant de parler de la rentrée à Vénissieux, vous me permettrez de revenir sur les dernières législatives.
Vous me connaissez, je ne suis pas de nature à me cacher derrière les obstacles, ni à baisser les bras lorsque les vents sont contraires. J’aurais aimé donner une suite au travail considérable accompli par André Gerin, je n’y suis pas parvenue, je l’assume et le regrette profondément.
Je ne le regrette pas pour moi, car je n’ai pas de plan de carrière si ce n’est celui d’être entièrement au service des habitants et salariés de Vénissieux. Je le regrette pour l’expression de la pluralité à l’Assemblée Nationale, pour les électeurs qui m’ont fait confiance et pour tous ceux qui travaillent au renouveau de la gauche populaire et à la reconquête de nos droits les plus fondamentaux. Dire que les présidentielles ont aspiré les législatives est un premier élément de réponse. Se débarrasser de Sarkozy en mai, puis se débarrasser du Sarkozysme en juin : c’est la mécanique qui a joué, une mécanique que l’inversion du calendrier électoral voulue par Jospin a renforcée.
Bon nombre de députés communistes sortants en ont fait les frais, en Ile-de-France et ailleurs. A Vénissieux, au 1er tour comme au 2ème, l’abstention a atteint une nouvelle fois des taux records, à près de 55%. Dans certains bureaux de vote, on a frôlé les 70% ! La défaite de Sarkozy a donné le sentiment à une part des électeurs que le travail avait été fait lors de la présidentielle, et que la suite importait moins.
Ces taux expriment également un scepticisme quant aux capacités des partis majoritaires à résoudre la crise et à changer le cours des choses. C’est sur ce terreau que se développe le Front National, et plus particulièrement à Lyon qui devient le laboratoire de toutes les mouvances de l’extrême droite. Nous en avons un exemple ici à Vénissieux avec Yvan Benedetti, leader de l’Oeuvre Française, qui essaye d’empêcher le déroulement démocratique du Conseil Municipal. Il veut en faire une tribune pour sa propre « com », loin des vraies préoccupations des Vénissians. La leçon que je tire de ce scrutin, c’est que rien n’entamera ma détermination de poursuivre l’essor de notre ville, populaire, industrielle, une ville de caractère que je porte en moi.
La crise domine cette rentrée 2012, à Vénissieux comme dans l’ensemble des villes populaires, elle frappe dure, elle frappe fort les plus démunis et elle s’étend à des salariés, à une partie des classes moyennes qui ne parviennent plus à faire front malgré une activité professionnelle. Tout le travail que nous avons engagé pour lutter contre la pauvreté, tous les dispositifs d’accompagnement et d’écoute sociale, d’alerte des pouvoirs publics, l’ensemble de ces missions républicaines va bien sûr se poursuivre et se renforcer.
L’étude de l’observatoire des inégalités met en avant un des défis majeurs auxquels vont être confrontées les agglomérations, à Paris comme à Lyon. Les ménages et familles modestes n’ont plus les moyens de se loger au cœur des grandes villes et partent en proche périphérie, là où des vraies politiques de logements sociaux ont été développées. Vénissieux en compte plus de 50% sur son territoire, mais l’effort que nous faisons doit être partagé par l’ensemble des communes du Grand Lyon.
Le durcissement de la loi SRU présenté par Cécile Duflot est un préalable, avec des pénalités qui pourraient être multipliées par 5 pour les communes qui ne jouent pas le jeu. Cette loi a plus de dix ans, et elle n’est toujours pas respectée sur l’ensemble du territoire, et par pas moins de 22 communes du Grand Lyon !
Ce discours qui consiste à dire « le logement social, c’est très bien chez les autres » est insupportable. A Vénissieux, nous luttons depuis toujours contre les ségrégations territoriales, et c’est un combat acharné ! Vénissieux ne développe pas une politique du logement, mais plusieurs en même temps, et c’est ce qui fait notre force et notre ambition. Impératif de solidarité : les foyers ADOMA, le plan grand froid, la reconstruction de la MAJO, bientôt un bâtiment Emmaüs dédié à l’accueil des familles monoparentales.
Vénissieux sait répondre à l’urgence. Impératif social et de diversité : avec plus de 50% logements sociaux, notre ville répond aux demandes des familles modestes tout en permettant à ses habitants de réaliser de véritables parcours résidentiels. Ce sont ces deux leviers que nous actionnons en même temps, et que nous retrouvons dans les grands projets qui vont voir le jour à Vénissy, à la ZAC Armstrong.
L’attraction immobilière, actée aussi bien par l’intérêt accru des promoteurs que celle des familles de l’agglomération, réside dans ce juste équilibre entre la place de l’urbain et la place de l’humain. Nous n’avons jamais dissocié l’un de l’autre, pour que le logement, justement, ne soit pas synonyme de déclassement social et de discrimination, pour que les Vénissians ne soient pas dépossédés de Vénissieux.
Axe Bonnevay, Cœur de Ville, le pôle autour de la gare de Vénissieux, je ne reviendrai pas sur les grands projets présentés lors du Grand Rendez-Vous 2011, que nous continuons de faire avancer avec nos partenaires. Cette rentrée est aussi celle de l’enfance et de la jeunesse. Au niveau scolaire, et pour le primaire, nous enregistrons huit ouvertures de classes pour trois fermetures.
Les conditions d’apprentissage des enfants et de travail pour les enseignants restent prioritaires pour notre ville. Il y a aussi le lancement de deux chantiers de taille, deux étapes fortes de ce mandat, avec le nouveau lycée Jacques Brel (livraison pour la rentrée 2014) et le nouveau groupe scolaire Joliot-Curie (rentrée 2013).
Enfin, la commune va se doter d’un nouvel outil d’éducation à la citoyenneté avec un conseil municipal enfants. Ce sont les élèves de CE2, CM1 et CM2, du public ou du privé, qui éliront leurs représentants, soit un garçon et une fille par groupe scolaire.
La première session aura lieu le 20 novembre. Je tiens à ce projet car il doit permettre, tout en gardant un côté ludique, d’intégrer les enfants à la vie de leur cité, d’impulser des projets, des réalisations qui seront utiles pour eux, mais aussi pour l’intérêt général. Porter des décisions, les partager, s’impliquer collectivement, cela s’apprend. Et à l’heure où les liens sociaux sont si distendus, cela se transmet !
Je voudrais conclure cette conférence sur trois points d’actualité.
Vénissieux ne fait pas partie des 15 premières zones de sécurité prioritaire décrétées par le gouvernement, contrairement à la Duchère. Les dispositifs existants restent en place, bien sûr, mais je vois dans les résultats de ces dernières années une forme de reconnaissance du travail accompli ici à Vénissieux. La réorganisation de la Police Municipale, le TOP, les relations de confiance et la collaboration étroite avec la police nationale et nos partenaires (Sytral, bailleurs) font que les chiffres de la délinquance, en baisse dans notre ville, sont encourageants.
Je ne verserai pas dans l’autosatisfaction car il reste beaucoup à faire. Il faut sortir de la logique du chiffre : la sécurité relève aussi d’une approche sociale et de dispositifs de prévention, et bien évidemment de sanction.
J’aimerais insister sur un point : la nécessité, au niveau de l’Etat, de renforcer la police d’investigation dans certains quartiers pour démanteler les trafics de drogues, d’armes et les économies souterraines qui pourrissent la vie des habitants.
Quant à l’actualité récente à Vénissieux, je répondrai directement, dans la limite de mes compétences et des éléments dont je dispose, aux questions que vous vous posez.
Deuxième point : la question des roms. Les récents démantèlements de camps à Saint-Priest, puis à Villeurbanne, montrent bien que le problème n’est pas du tout résolu. Je note que certains maires demandent aujourd’hui une conférence d’agglomération au préfet, ce que je réclame depuis maintenant trois ans, avant que nous connaissions un jour un véritable drame !
La politique de la patate chaude, qu’on se passe de ville en ville, ne peut plus durer. Les collectivités sont livrées à elles-mêmes et prises entre deux feux : nous avons un devoir de dignité et d’humanité dans la gestion de ces situations, qui divisent les quartiers, mais aussi un impératif de sécurité et de tranquillité pour les riverains.
Le dispositif mis en place à Vénissieux prend en compte ces deux dimensions, mais si l’on veut agir au cœur du problème, il faut déjà œuvrer à l’échelle de l’agglomération et interpeller les instances européennes, sans lesquelles on ne sortira pas de ce bricolage incessant et indécent.
Enfin, l’avenir des collectivités territoriales. Les maires que nous sommes sont très inquiets. Les premières annonces de Jérôme Cahuzac, Ministre du budget, font état d’un gel des dotations aux collectivités locales jusqu’en 2017.
A l’exception de l’Éducation nationale, la Justice et la police, les suppressions de postes après départ à la retraite vont se poursuivre dans la fonction publique et le gel des rémunérations des fonctionnaires est envisagé pour la 3ème année consécutive. La qualité du service public de proximité et les actions menées par les collectivités locales sont en jeu.
Mais c’est aussi l’investissement des collectivités locales (soit les trois-quarts de l’investissement public civil) qui est remis en cause avec des conséquences négatives sur l’emploi et la croissance. Les premiers signes envoyés aux populations et aux territoires ne sont pas engageants.
A travers les circulaires et les annonces gouvernementales, quel que soit le sujet, des roms en passant par l’aménagement des rythmes scolaires, les collectivités locales ne pourront pas tenir cette équation simple : des compétences toujours plus élargies sans contrepartie financière. Là encore, les années Sarkozy ne sont pas derrière nous.
Ce que j’attends de ce gouvernement, c’est que les communes et leur rôle essentiel dans la démocratie de proximité, soient reconnues et défendues.
Je vous remercie d’être venus assister à cette conférence de presse et je vous souhaite une bonne rentrée 2012.
Michèle PICARD
Maire de Vénissieux
Conférence de presse de rentrée 2012
« …Ce que j’attends de ce gouvernement, c’est que les communes et leur rôle essentiel dans la démocratie de proximité, soient reconnues et défendues…. »