Le 24 avril 1915, près de 1,5 million d’Arméniens, soit les deux tiers de ce peuple, ont été exterminés. Inscrit dans la mémoire collective au même titre que le génocide juif, tzigane ou tutsi, ce génocide fut le premier du 20ème siècle. La France ne l’a reconnu officiellement et publiquement qu’en 1998. Le gouvernement turc ne l’a toujours pas reconnu.
Lorsqu’Hitler demande en 1939 : « Qui se souvient du génocide arménien ? », il le fait dans le but de justifier l’organisation de la Shoah. La négation est le stade ultime et intolérable de toute l’horreur des crimes contre l’humanité.
Le génocide arménien n’a pas été sanctionné et il connait aujourd’hui encore, 100 ans après, une campagne de communication négationniste. Cette absence de reconnaissance continue à alimenter les haines contre les Arméniens mais aussi contre toutes les minorités telles que les Kurdes ou les Alévis. Pourtant en Turquie, des voix courageuses s’élèvent pour que cette page tragique de l’histoire soit enfin reconnue.
La quasi-totalité de la population arménienne a été victime d’une opération à grande échelle, menée sur tout l’empire Ottoman et supervisée par un triumvirat militaire appuyé par le gouvernement « Jeunes Turcs ». Au nom de l’appartenance ethnique, hommes, femmes, enfants, vieillards seront déportés à pied ou dans des wagons à bestiaux. Les déserts de Mésopotamie et de Syrie deviendront leurs tombeaux.
Ce fut une véritable mise à mort, selon un plan coordonné et méthodique visant à annihiler les fondations arméniennes, un plan qui a débuté le 24 avril 1915 par la rafle d’intellectuels, d’écrivains, de poètes, de journalistes, de médecins, de notables.
Constante dans mon engagement, je salue la mémoire des victimes et m’associe à la douleur de toute une communauté. Car aucun pays ne peut durablement échapper à son passé. Entre les deux peuples, Turc et Arménien, l’heure n’est pas à la rancœur mais à la reconnaissance des crimes commis, préalable à la réconciliation durable. Chaque pays a connu dans son histoire, des moments durs, des moments noirs semblant indépassables. Le génocide arménien est un fait historique et la Turquie a le devoir d’en admettre l’existence. Le reconnaître c’est également interdire sa négation et faire taire la souffrance et les larmes des enfants de survivants.
Dans un monde en manque de repères et de lisibilité, dans un monde tenté par les replis identitaires, la pire des solutions, il est crucial de réactiver toutes les mémoires, sans édulcorer les heures noires et la responsabilité des États ; de réactiver toutes les mémoires, sans en dénaturer les causes ni les conséquences, souvent dramatiques ; de réactiver toutes les mémoires, sans déni, sans amnésie. C’est en définitif, redonner à l’histoire cette place centrale de transmission aux jeunes générations.
Les lampes de l’épicier Karabet sont allumées,
Le citoyen arménien n’a jamais pardonné
Que l’on ait égorgé son père
Sur la montagne kurde Mais il t’aime,
Parce que toi non plus tu n’as pas pardonné
A ceux qui ont marqué de cette tache noire
Le front du peuple turc.
Nâzim Hikmet, poète Turc – Passage censuré du poème « Promenade du Soir »