Ouverture du Festival Essenti'[Elles] 2022

Notre premier devoir sera de faire preuve de vigilance à l’égard de toutes ces femmes fragilisées par une crise qui n’est pas terminée.

Hier en fin d’après-midi, se déroulait l’ouverture de la 10ème édition du Festival Essenti’[Elles], consacré à la visibilité et l’invisibilité des femmes dans l’espace public. Changer les mentalités ne se fait pas du jour au lendemain, le combat pour les droits des femmes est un combat de civilisation qui se conjugue aux trois temps : passé-présent-futur.

Se retrouver physiquement, ensemble, c’est un moment important dans la vie de notre festival Essenti’elles, pour sa 10ème édition. La crise sanitaire nous avait contraints à organiser une édition numérique l’année dernière, initiative remarquable qui avait fait exister la Journée internationale des droits des femmes malgré la période de confinement. Mais rien, nous le savons tous, ne remplace le contact humain. En respectant les contraintes sanitaires, notre ville redonne du souffle à une manifestation dont nous sommes fiers et je remercie vivement tous ceux qui ont participé de près ou de loin à son organisation.

Notre festival Essenti’elles est l’occasion de revenir sur les effets des crises sanitaire, économique et sociale que nous traversons.

Parmi les principales victimes : les femmes, et dans tous les compartiments de leur vie. Au travail où elles occupent le plus souvent des métiers en première ligne : infirmières, caissières, auxiliaires de vie. Le chômage partiel, la perte d’emplois ou de petits boulots vont laisser des traces profondes chez les plus fragiles, dont les familles monoparentales.

Ne l’oublions pas, les femmes représentent la majorité des personnes en situation de précarité : elles sont 53% des personnes pauvres, 70% des travailleurs pauvres, 82% des emplois à temps partiel et 62% des emplois non qualifiés, 85% des familles monoparentales.

Notre premier devoir sera de faire preuve de vigilance à l’égard de toutes ces femmes fragilisées par une crise qui n’est pas terminée. Celles qui vivent en situation de précarité ont le moins recours aux professions de la santé : moindre suivi gynécologique, moindre accès à la contraception et aux dépistages du cancer du sein. Il y a une vraie urgence sociale.

Mais les impacts de la crise n’ont pas été que professionnels, ils ont affecté la sphère privée de beaucoup de femmes. Au foyer, où la charge mentale s’est alourdie lors des confinements : écoles fermées, tâches domestiques, suivi de l’éducation des enfants.

Dans leur chair, dans leur corps, dans leur être, car les violences conjugales ont augmenté de 10 % en 2020 suite aux différentes périodes de confinement. Le nombre d’appels reçus par le 39.19, le numéro national de référence pour les femmes victimes de violences, a bondi de 20 % en 2020. Et puis ce chiffre, glaçant, terrible, horrible : 113 femmes ont été tuées en 2021 en France, sous les coups de leurs conjoints ou ex-conjoints. Un fléau d’ampleur nationale étendu à tous les territoires puisque les féminicides ont été commis dans 53 des 96 départements métropolitains. Elles ont en moyenne entre 30 et 40 ans. En 2021, au moins 115 enfants ont perdu l’un de leurs parents (leur mère pour la plupart) dans un crime sur conjoint.

Cette année, le thème du Festival Essenti’elles sera consacré à la visibilité et l’invisibilité des femmes dans l’espace public. A travers le filtre de l’histoire, dans ce domaine comme tous ceux qui touchent le droit des femmes, il y a eu des avancées et des reculs, un va-et-vient fragile entre émancipation et interdiction. C’est au cœur du 19ème siècle que de nouveaux emplois dans l’industrie et le tertiaire font sortir les femmes de leurs domiciles et des tâches domestiques. Elles entrent ainsi dans l’espace public.

Aujourd’hui, rien à nouveau n’est acquis, et que ce soit à travers les harcèlements, les remarques déplacées ou la peur de porter telle tenue vestimentaire, des lieux de mixité deviennent des lieux ostracisés et masculinisés.

Il y a des résonances avec l’organisation spatiale des cours de récréation, où bien trop souvent le centre a été réservé aux activités des garçons et les filles rejetées à la périphérie. Il faut donc repenser les espaces publics à l’aune d’une mixité et d’une citoyenneté partagées.

A travers les prestations artistiques, ainsi que les temps de débat et d’échanges, nous allons questionner la place des femmes dans les espaces publics physiques et numériques (ville, espaces extérieurs, art, médias notamment…). Les enjeux sont donc nombreux.

Il s’agit de témoigner de la présence des femmes dans ces espaces au cours de l’histoire jusqu’à aujourd’hui : en valorisant notamment des personnalités positives et actrices des luttes.

Au-delà de la valorisation de femmes reconnues, il faut encourager l’art comme vecteur de pouvoir d’agir et moyen d’expression dont se saisissent toutes les jeunes filles et les femmes pour se rendre visibles et occuper les espaces. Mettre en lumière les inégalités subsistantes dans des espaces publics toujours dominés par les présences et visibilités masculines : vers des espaces publics inclusifs pour tou.te.s ?

Le programme s’annonce dense avec les projections de documentaires mettant les femmes sous les projecteurs, qu’elles soient artistes ou œuvrant au quotidien : Delphine et Carole, Insoumuses, dès ce soir, puis plus tard Debout les femmes, Ouistreham… autant de films qui interrogent la place des femmes, leur visibilité, leur liberté et leur rayonnement.

Pour cette soirée d’ouverture, nous allons enchaîner avec un débat en compagnie de Pauline Delage, sociologue, chargée de recherche au CNRS, spécialiste des questions de genre et des inégalités et violences faites aux femmes.

L’affiche du festival réalisée par un groupe mixte de jeunes de l’EPJ Léo Lagrange met en lumière ce sujet et interroge concrètement la visibilité des femmes dans les espaces publics et urbains.

D’autres manifestations auront lieu jusqu’au 10 mars, fruit des synergies entre tous nos équipements et tous nos services, résultat d’un travail collectif remarquable que je tiens à saluer.

Sans prétention aucune, on peut dire que la ville de Vénissieux, avec le concours de tous nos partenaires, est à la pointe du combat pour les droits des femmes dans l’agglomération.

Nous inscrivons nos actions dans le présent et dans le temps long, dans les réponses immédiates à l’urgence sociale et dans l’éducation, la sensibilisation auprès des jeunes, citoyens de demain.

Plus spécifiquement sur le plan de l’action sociale, de nombreuses actions sont menées pour accompagner les femmes fragilisées : accompagnement des femmes victimes de violences conjugales avec notamment un logement d’urgence coordonné avec l’association VIFFIL ; présence d’une psychologue au commissariat de Vénissieux et travail quotidien d’accompagnement mené grâce à l’implication des travailleurs sociaux de la Ville.

La prise en compte de ce public spécifique s’effectue dans le cadre de la commission de lutte contre la grande pauvreté et notamment des femmes qui en sont les premières victimes.

Le développement de l’information pour l’accès aux droits est renforcé : guide, écrivain public, expérimentation Territoire zéro non-recours au Moulin-à-Vent.

Des actions en faveur de l’insertion professionnelle des femmes sont mises en œuvre avec des parcours spécifiques, en relation avec le CIDFF et les entreprises signataires de la charte entreprises notamment.

Par ailleurs, depuis un an, un poste en charge de ces questions et de la mise en place d’un plan d’action en faveur de l’égalité femmes/hommes a été créé à la Ville, conformément au plan de mandat.

Cet élan vénissian, je le porte bien sûr à l’échelle de la Métropole en tant que Vice-Présidente de la Lutte contre les discriminations et de l’égalité femmes/hommes. Nous avons mené des campagnes fortes auprès du grand public.

La campagne Changer les Règles en 2021 nous a permis de collecter 40 000 protections hygiéniques qui ont été redistribuées. Nous allons la renouveler du 8 mars au 28 mai prochain.

Contre les violences au sein du couple ou à l’égard de la communauté LGBT, nous avons élargi la sensibilisation à l’échelle de l’agglomération.

Concernant le plan d’action égalité femme-homme, un premier plan 2018-2020 contenait 54 actions.

J’ai travaillé, renforcé et lancé un nouveau plan de 84 actions pour la période 2021-2023, élaboré et conçu pour agir à la fois sur l’égalité professionnelle en interne, mais également intégrer l’égalité femme-homme dans l’ensemble des politiques publiques menées par la Métropole de Lyon.

L’emploi et l’insertion, les coopérations internationales, la culture, le sport, la vie associative, l’éducation, la santé, l’action sociale, le logement, les déplacements, l’aménagement urbain, mais aussi les vulnérabilités spécifiques aux femmes, aucun domaine ne doit faire l’objet de discrimination.

Changer les mentalités ne se fait pas du jour au lendemain, et nous savons tous, ici, que le combat pour les droits des femmes est un combat de civilisation qui se conjugue aux trois temps : passé-présent-futur. Je vous souhaite un excellent Festival Essenti’elles 2022 et je vous remercie.

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