La plus précieuse des marchandises

Ce livre est à mi-chemin, entre le conte et le merveilleux, entre le réalisme et l’effroi. Un couple de bûcherons, une forêt, et un beau jour, le long d’une voie ferrée où transitent les biens, une petite fille est jetée par une fenêtre d’un wagon, enveloppée dans un châle et aussitôt recueillie par le couple de paysans. La petite fille grandira et sera élevée par les bûcherons. Elle est juive.
Ce serait un beau conte si dans « La plus précieuse des marchandises », l’histoire ne se passait pas au printemps 42 en France. Car ces trains-là partent de Pithiviers à destination de Drancy, remplis d’hommes, de femmes, d’enfants, vers la frontière allemande. […]

[…] Au retour, les trains filent dans la nuit, vides, sans aucune présence humaine. Que sont devenus tous les passagers ?
Il faut beaucoup d’audace pour inscrire un conte dans le contexte de la déportation et de l’holocauste. Cette audace, l’auteur Jean-Claude Grumberg en fait preuve et la porte avec une écriture toujours à bonne distance, pudique et elliptique, sans pathos ni surenchère émotionnelle. Car un tel projet aurait pu tourner au naufrage, il s’avère au contraire une vraie réussite littéraire. Jean-Claude Grumberg est dramaturge, scénariste de François Truffaut ou encore de Costa-Gavras, et écrivain français. Né à Paris en 1939, l’auteur voit son père et ses grands-parents arrêtés par les milices de Vichy, devant lui à Paris, puis déportés depuis Drancy jusqu’à Auschwitz. Il ne les reverra plus. Toute l’œuvre de Jean-Claude Grumberg est imprégnée de ce drame. Dans « La plus précieuse des marchandises », à travers le portrait de ce couple modeste et humble de bûcherons, l’auteur fait l’éloge de la différence, de la résilience et de la résistance, de la générosité aussi, quand tant d’autres personnages cèdent aux pulsions les plus primaires, les plus bestiales et les plus barbares du nazisme et de la collaboration du régime de Vichy. En choisissant la tendresse et l’humanité en lieu et place de tout jugement ou de toute morale, Jean-Claude Grumberg signe une œuvre bouleversante et audacieuse dont la dimension pédagogique est manifeste. A quel âge ce conte se prête-t-il à la lecture ? A partir de l’adolescence, à tous les âges, et c’est bien là la singularité et la prouesse de « La plus précieuse des marchandises », prix spécial du jury du prix des Libraires 2019. Un livre, aussi court que poétique, à découvrir.

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