Journée nationale de la Résistance

… »Chaque crise nous apprend beaucoup sur les forces et faiblesses, la solidité et les fragilités de nos sociétés et de chacun. « …

« Entrer en résistance ». Dans cette phrase, le plus important réside peut-être dans le verbe d’action. La résistance nécessite qu’on aille vers elle, qu’on se libère de nos peurs, de préjugés, de nos certitudes, pour pouvoir la rejoindre. Faire un pas en nous-mêmes pour être en mesure de partager la vision d’une entité collective, une communauté d’idées.

Écoutons ces mots d’un résistant en basse Maurienne, anonyme parmi les anonymes aux heures les plus sombres de l’histoire de notre pays sous l’occupation allemande et la collaboration de Vichy : « Quand tu résistes, tu vis, tu ne plies plus, tu refuses la fatalité. Après, tu peux te regarder tranquille dans la glace. Je ne sais pas, une sorte de fierté, un vrai bonheur. Même si tu as peur. A chaque instant, nos vies pouvaient basculer. Mais bon, nous ne nous posions pas trop de questions ».

En juillet 2013, le Sénat a instauré le 27 mai, date anniversaire de la création du CNR, comme journée nationale de la Résistance. Comme pour les commémorations précédentes, malgré la grave crise sanitaire actuelle et les contraintes que nous impose la pandémie, je crois nécessaire de marquer cette journée du souvenir.

Raymond Aubrac nous le rappelait souvent : « Il faut être optimiste, c’est cela l’esprit de résistance. On ne le dit pas assez. Tous les gens qui se sont engagés dans la résistance ou avec le général de Gaulle, ce sont des optimistes, des personnes qui ne baissent pas les bras, qui sont persuadées que ce qu’elles vont faire va servir à quelque chose ».

Le terme de Résistances au pluriel serait même plus approprié que la Résistance en tant que simple entité. Le corps de la résistance est en effet un corps multiple, uni par un idéal commun. Résistants déportés et non déportés, résistants français et immigrés, communistes, gaullistes, socialistes, syndicalistes, tous se rejoignent pour former une  grande famille. Il y a les résistants juifs et les justes, il y a des femmes aussi, beaucoup de femmes. S’y ajoute une diversité des catégories sociales avec des ouvriers, des paysans, des enseignants, des fonctionnaires, des militaires, mais aussi des membres du clergé… La Résistance est une mosaïque sociologique et une addition dans le temps : les résistants de 40, des maquis et de la première heure, les résistants du cœur de l’hiver 42-43, qui donne au mouvement son caractère social et national, ou plus tardivement encore de l’été 44. Le dénominateur commun à cette grande famille française de la Résistance, c’est de dire Non à une France à la solde de l’Allemagne, de dire Non à l’ignominie des rafles de juifs de l’été 42 et à la collaboration active du régime de Vichy, régime illégal et illégitime qui n’a pas fait l’objet d’une élection démocratique. Au-delà de l’aspiration à la démocratie et à la liberté recouvrée, ces hommes et ces femmes ont non seulement remis notre pays sur les rails de sa propre histoire, mais contribué à ce que de l’horreur de la collaboration et du cauchemar nazi sortent un monde et une société plus justes, plus solidaires, plus unis. Avec le recul et dans le contexte de l’époque, l’audace du programme des Jours heureux du CNR paraît impensable, inimaginable, incroyable. Comment ces hommes, traqués par les milices de Pétain et consorts, promis à la torture ou à la déportation au moindre faux pas, à la moindre trahison, ont-ils pu malgré tout dessiner, inventer, imaginer la France de l’après-guerre ? Oui, il y a quelque chose d’irrationnel dans ce que les résistants sont parvenus à surmonter. Ils ont réussi à dire Non, pas pour s‘opposer à tout, mais pour construire le monde suivant, dans un esprit positif de reconquête de la République et de la démocratie, salies par le régime de Vichy.

Chaque crise nous apprend beaucoup sur les forces et faiblesses, la solidité et les fragilités de nos sociétés et de chacun. Ne comparons pas ce qui n’est pas comparable, un monde en guerre n’a pas d’équivalent dans la violence faite aux hommes, dans la violence psychologique qui marque à tout jamais les témoins et rescapés du chaos. A l’épreuve de ce que les résistants ont vécu, de cette histoire de la rivière qui fait le fleuve, souvenons-nous, alors que l’épidémie actuelle frappe et endeuille tous les continents, que c’est par la résilience et les solidarités que nous sortons plus forts des périodes les plus sombres.

Avant de conclure, je souhaite rendre hommage à Cécile Rol-Tanguy, qui nous a quittés le 8 mai dernier. Épouse du Colonel Rol-Tanguy, figure emblématique de la Résistance, elle prendra part, entre autres, à l’insurrection de Paris en août 44 en tant qu’agent de liaison. Communiste engagée, au caractère bien trempé, Cécile Rol-Tanguy illustre une fois encore le rôle considérable et la place occupée par les femmes au cœur de la Résistance pour la libération de notre pays.

Comme pour le 8 mai ou la journée des victimes de la déportation, je vous invite à poursuivre nos réflexions à travers quelques lectures. Commençons par la poésie avec les recueils publiés dans la clandestinité de Paul Eluard, Au rendez-vous allemand, ou encore de Louis Aragon, La diane française. La résistance expliquée à mes petits-enfants de Lucie Aubrac et le témoignage de Jacqueline Fleury-Marié dans Résistante éclairent le rôle crucial des femmes dans la lutte contre Vichy et l’occupation. Et citons pour finir la fiction historique de Didier Daeninckx intitulée Missak. Une liste non exhaustive pour mettre nos pas dans ceux des combattants de la France libre et de la Résistance.

 

 

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