Intervention de Michèle PICARD sur le rapport N°4 « FINANCES LOCALES – Rapport d’orientation budgétaire pour 2025.»
Le gouvernement Barnier est tombé, une première depuis 1962. En négociant le budget 2025 avec le Rassemblement National de façon exclusive, le 1er ministre a été pris au piège qu’il s’est lui-même tendu. La crise politique dans laquelle le pays est plongé est en partie liée à la dissolution ubuesque, irrationnelle, d’Emmanuel Macron, que les Français ne comprennent toujours pas. Nous sommes dans une impasse. Elle se prolongera tant qu’Emmanuel Macron cherchera à imposer des politiques macronistes après avoir perdu et sa majorité, et son pari de la dissolution !
Le DOB présenté ce soir reste néanmoins d’actualité, car si le gouvernement Barnier a été renversé, rien n’empêche le gouvernement suivant de reprendre l’examen du texte du projet de loi de finances là où les discussions se sont arrêtées. Nous avons travaillé sur cette base, un travail d’autant plus difficile que nous n’avons bénéficié d’aucune visibilité.
Je rappelle que la Loi de finances détermine le montant des transferts financiers de l’Etat alloués aux collectivités : concours financiers (DGF, FCTVA, …), fiscalité reversée (compensation TH, …). Nous avançons donc en plein brouillard.
Ce qui était demandé à ce jour aux collectivités territoriales, c’est 5 milliards d’euros d’économies ! Une attaque délibérée envers les communes, métropoles, départements et régions. Et ce chiffre de 5 milliards est un mensonge d’Etat : la vérité est que l’effort budgétaire est beaucoup plus proche des 9, 10, voire 11 milliards d’euros pour les collectivités. Le gel de la TVA, qui, selon les promesses non tenues d’Emmanuel Macron, devait compenser la suppression des impôts locaux, le rabotage du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et les coupes brutales dans le fonds vert, alors qu’on demande aux communes d’investir dans la transition écologique, font grimper l’addition. La situation est sans précédent !
Les villes en première ligne
Sous Hollande, les dotations de l’État avaient baissé de plus de dix milliards. Les coupes ont continué sous Emmanuel Macron, qui a imposé les contrats de Cahors pour limiter les dépenses de fonctionnement. Entre-temps, notre ville, comme toutes les villes en France, a fait face au Covid, à l’inflation, à la flambée des coûts de l’énergie.
Avec notre budget 2024, nous avons joué notre rôle d’amortisseur social pour l’ensemble des Vénissians, en gelant nos tarifs municipaux, nos taux de fiscalité, qui n’ont pas augmenté depuis 2016, et en venant au soutien financier des associations vénissianes.
Non seulement les villes ont suppléé les carences de l’Etat à de nombreuses reprises – personne n’a oublié le manque de masques au début de l’épidémie -, mais elles ont surtout permis aux populations les plus fragiles de franchir tant bien que mal les crises terribles qui s’agrègent depuis de longues années. Les derniers gouvernements ont-ils pris conscience des difficultés rencontrées par les familles face à l’inflation, pour se loger, se nourrir, se déplacer pour aller au travail ? Car s’attaquer de la sorte aux communes, c’est faire payer la crise et pénaliser doublement les habitants !
Enfin, j’aimerais rappeler la supercherie et l’imposture totale du gouvernement, qui pointe du doigt les collectivités territoriales pour mieux noyer le poisson et continuer d’imposer ses politiques libérales qui favorisent les plus riches. En France, toutes les études montrent que la santé financière des collectivités locales est bonne, leur dette ne représente qu’1/10ème de celle de l’Etat. Leur situation est stable depuis des années quand la dette de l’Etat, elle, a été multipliée par 2,5 depuis 30 ans. Toujours selon l’INSEE, qu’on ne peut pas qualifier d’organisme partisan, les collectivités locales ne représentent que 18% des 1608 milliards d’euros dépensés par les administrations publiques en 2023.
Verdict : non, les collectivités locales ne sont pas responsables de la dette ; oui, le laisser entendre est un mensonge d’Etat !
Maintenir notre rôle d’amortisseur social
Je tiens à remercier tous les services de la ville, et en particulier les finances, pour l’élaboration de ce budget 2025. Jamais nous n’avons été confrontés à de telles incertitudes pour tenter d’y voir clair dans les intentions du gouvernement. Depuis l’adoption de la motion de censure, c’est le brouillard total. Ce que nous savons à ce jour, c’est que le rabotage du fonds de compensation de la TVA aurait fait perdre à notre ville en 2025 237 000€. Nous anticipons également la baisse des subventions d’investissement de l’Etat liées au fonds vert.
Et puis, il y avait cette inconnue majeure du fonds de réserve annoncé par le gouvernement, ponction directe et radicale sur les recettes fiscales des collectivités, dont les budgets sont supérieurs à 40 millions d’euros, pouvant aller jusqu’à 2% des recettes de fonctionnement ! 567 collectivités étaient dans le collimateur et, selon les critères initiaux, Vénissieux en faisait partie. On pouvait espérer que les communes en Politique de la Ville, avec des taux de pauvreté de la population élevés, en auraient été exonérées. Mais rien n’est moins sûr. Si la ponction avait été appliquée à notre ville, la perte aurait pu aller à 2,4 millions d’euros.
Pour donner un ordre de grandeur aux Vénissians, 2,4 millions d’€, ça représente le coût total du projet d’extension du groupe scolaire Ernest Renan. En conclusion, si le PLF 2025 reste la base de travail du prochain budget national, si l’on additionne la ponction dont je viens de parler, la baisse de la DGF et du fonds de compensation TVA, le coût des hausses des cotisations patronales CNRACL, les pertes financières pour Vénissieux s’élèveraient à presque 3,8 millions d’euros !
L’étranglement des finances locales est donc là :
Pour certaines communes, la facture est terrible, pour la nôtre, grâce à nos finances saines, il s’agit de desserrer l’étau et de continuer malgré tout à jouer notre rôle d’amortisseur social pour les Vénissians.
Nous avons travaillé d’arrache-pied pour trouver le meilleur équilibre possible, d’autant que la crise sanitaire, avec l’arrêt des chantiers, a décalé dans le temps certains investissements. Si vous additionnez à cela l’absorption de l’inflation pour ne pas la répercuter aux Vénissians, chacun comprendra que ce mandat 2020-2026 aura traversé des tempêtes sévères qui ne sont pas de notre ressort.
Et des prochaines s’annoncent ! Il a fallu encaisser les coups à répétition. Pour rappel, les prix de l’énergie ont été en hausse de 38% pour notre collectivité en 2024, soit une augmentation de plus de 2 millions d’euros pour le gaz et l’électricité.
Poursuivre nos actions malgré les incertitudes
Avec notre DOB 2025, la Ville a décidé de poursuivre le gel des taux de la fiscalité directe locale, inchangés depuis 2016. Nous maintenons par ailleurs l’enveloppe des subventions aux associations, revalorisée en 2024, à hauteur de 4,9 millions d’€. Enfin, les tarifs municipaux impactant le plus grand nombre de familles (enfance et restauration scolaire) seront à nouveau gelés en 2025, les autres tarifs augmenteront de 2%. Le budget 2024 était placé sous le signe de l’amortisseur social, il en sera de même en 2025.
En matière d’investissement, l’équipement polyvalent Annie Steiner, la Maison des Mémoires, la reconstruction de la crèche Graine d’Eugénie et la réhabilitation du centre social Roger Vailland, l’extension du groupe scolaire Ernest Renan, le passage en 100% LED de notre éclairage public, la création d’espaces fraîcheurs se poursuivent.
Deux points importants pour finir. Tordre les finances locales des collectivités, c’est porter un coup dur à l’emploi, aux entreprises, car 70% de la commande publique provient des collectivités territoriales. On mettrait l’activité économique en veille à l’heure où 250 plans sociaux sont d’ores et déjà en préparation, concernant entre 170 000 et 200 000 emplois ! Enfin dernier point, les Politiques de la Ville sont les grandes absentes des débats en cours. Il n’y avait ni ministre attitré ni secrétaire d’Etat dans le gouvernement Barnier, avant d’être rattaché à la hâte au ministère du logement, trois semaines après sa composition ! Pour les communes en politique de la ville, comment voulez-vous vous projeter ? C’est impossible !
Les orientations actuelles, telles que le PLF les prévoyait, sont les pires que les communes aient jamais connues. Au cœur de cette crise politique et institutionnelle, inédite et grave, et à l’heure où Emmanuel Macron cherche un nouveau gouvernement, c’est bien l’avenir des services publics de proximité et des communes qui est clairement en jeu !
Je vous remercie.