Intervention de Michèle Picard, Maire de Vénissieux, Vice-Présidente de la Métropole de Lyon, sur la délibération N° CP-2025-3985 : « Feyzin, Lyon 5ème, Lyon 9ème, Saint-Fons, Vénissieux – Collèges publics – Modifications de la carte scolaire pour la rentrée de septembre 2025».
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
La modification de la carte scolaire pour le nouveau collège Katia Krafft de Saint-Fons / Vénissieux est prétexte à de nombreuses polémiques autour de la mixité sociale. Une instrumentalisation politique usant de stigmatisation et de raccourcis pour diviser, faire grandir les peurs et les racismes.
Ne laissons pas dire tout et n’importe quoi sur ce sujet important de la mixité sociale, qui interroge l’ensemble des politiques publiques.
Oui, la mixité sociale est très inégale selon les collèges. Nous le mesurerons avec l’indice de position sociale, de l’Éducation nationale, tenant compte des métiers des parents. Cet indice est très bas dans les collèges de quartiers populaires, très élevé dans les collèges des villes aux plus hauts revenus, et encore plus élevé dans les établissements privés.
Cette fuite vers les collèges privés devrait être notre première source de préoccupation. Nous savons que la moitié des familles de Lyon envoient leurs enfants dans le privé, alors que 90 % des familles de Vénissieux ou Vaulx-en-Velin les envoient dans le public.
Pourquoi cet évitement scolaire ? Que cherchent à fuir ces familles qui utilisent aussi parfois les options pour envoyer leur enfant dans un collège supposé mieux coté ?
Un autre indicateur fourni par l’Éducation nationale sur les résultats au brevet des collèges, nous montre que l’écart entre les collèges de quartiers prioritaires et les autres s’est fortement réduit ces dernières années. Malgré un indice de position sociale moins élevé, nos collèges en quartier prioritaire font un travail remarquable. Je pourrais vous présenter des centaines de jeunes Vénissians aux réussites professionnelles et scolaires impressionnantes, dans les grandes écoles comme dans les filières professionnelles.
Il y a évidemment des échecs, des enfants qui décrochent, mais dans ce cas, ils sont mieux accompagnés dans une école où des renforts et des expériences pédagogiques originales peuvent « rattraper », en quelque sorte, une rupture.
Oui, nos établissements scolaires de quartiers populaires permettent à des milliers d’enfants de trouver leur chemin de réussite.
Quels que soient le lieu de vie, le niveau scolaire, les difficultés ou les facilités de l’élève, il s’agit avant tout d’un enfant, avec un rythme chronobiologique. Lui demander de faire une heure de bus matin et soir dans l’espoir d’une mixité inter-secteurs n’est pas raisonnable. Pour son confort de vie, il doit pouvoir fréquenter son collège de secteur. La vie d’un enfant ne s’arrête pas à ses activités scolaires. Son épanouissement est aussi lié à sa vie sociale ; il lui faut du temps pour la culture et le sport.
Pousser un adolescent qui habite en QPV à étudier en dehors de son quartier peut paraître une bonne idée pour la mixité sociale. Mais pour lui, c’est une journée à rallonge. Et que se passe-t-il le week-end quand il se retrouve loin de ses camarades de classe, dans son propre quartier où il n’a pas de lien social ? Car l’alchimie d’un quartier, ce sont les passerelles qui existent entre l’école, les activités extra-scolaires, les associations sportives et culturelles. C’est exactement pour cette raison que les maires des villes populaires se battent pour plus d’équipements de qualité en QPV, pour plus de lien social. D’autant que nous avons du retard à rattraper puisque 10 % des zones urbaines sensibles en France ne comptent aucune structure.
La mixité sociale à l’école doit faire l’objet d’un travail en amont, pour une mixité sociale dans les quartiers, avec une diversification des types de logement.
La politique de la ville porte de grands projets pour transformer les quartiers, améliorer le cadre de vie et encourager la mixité. Avec l’ANRU 1, sur le plateau des Minguettes, Action Logement a réalisé 180 logements libres, dont les locataires ont un revenu égal au revenu médian métropolitain, qui est le double du revenu du quartier. Et nous avons construit 800 logements en accession qui ont fait venir des couches moyennes. Nous amplifierons cette mixité avec l’ANRU 2.
Malheureusement, la paupérisation du monde du travail s’aggrave, notamment pour les habitants du parc social. La crise du logement accentue les ségrégations sociales car la majorité de ces locataires ne trouvent plus aucune voie de parcours résidentiel.
Nous devons prendre davantage de mesures pour construire plus de logements sociaux en PLAI et PLUS dans les communes qui en ont peu. Et nous devons atteindre rapidement l’objectif de la Métropole d’attribuer 25 % des logements hors quartiers prioritaires aux familles du premier quartile de revenus. L’effet sur l’indice de position sociale des collèges sera immédiat, et nous aurons fait un grand pas pour la mixité sociale.
Par ailleurs, concernant la définition des cartes scolaires, il faut expliquer que c’est un travail important qui demande une coopération entre l’Éducation nationale et les collectivités pour croiser les connaissances sociales, urbaines et scolaires.
C’est ce que fait la Ville de Vénissieux de manière continue, et que nous poursuivrons, notamment dans le secteur concerné par le collège Katia Krafft puisqu’un des grands projets de la rénovation urbaine aux Minguettes concerne la reconstruction de l’école Léo Lagrange. Cette école, aujourd’hui uniquement tournée vers le quartier prioritaire, est en lisière de la Balme des Minguettes et de la zone pavillonnaire.
En créant de nouvelles voiries pour relier le plateau à ses balmes, nous ouvrons la possibilité de casser cette frontière issue de la ZUP et de tisser des liens entre des quartiers qui s’ignoraient.
La future école Léo Lagrange sera au centre, et nous aurons à redéfinir sa carte scolaire dans les prochaines années. Cela pourrait conduire à une nouvelle discussion avec l’Éducation nationale pour la carte scolaire de Katia Krafft.
Loin des polémiques de ceux qui cherchent à salir l’Éducation nationale et le travail des collectivités territoriales, pour justifier les comportements d’évitement scolaire, nous défendons l’école publique, premier lieu de construction d’une citoyenneté républicaine.
Je vous remercie.