67ème anniversaire de la capitulation sans condition des armées nazies

Le vendredi 11 mai 2012 – Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD à l’occasion du 67ème anniversaire de la capitulation sans condition des armées nazies, à l’Usine Marius Berliet – plaques Portes B, le jeudi 10 mai dernier.

Le vendredi 11 mai 2012

Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD à l’occasion du 67ème anniversaire de la capitulation sans condition des armées nazies, à l’Usine Marius Berliet – plaques Portes B,  le jeudi 10 mai dernier.

Aujourd’hui que nous commémorons ensemble la capitulation sans condition des armées nazies, il nous faut mesurer l’ampleur du chaos et de l’horreur, laissés sur le Vieux Continent, en URSS, en Asie, en Afrique. Ce n’est pas un champ de bataille que les forces de libération découvrent, mais un champ de ruines, un champ d’une barbarie totale. En six ans, 55 millions de morts. Par jour, 25 000 disparus.

La shoah, la solution finale : de 5 à 6 millions de Juifs, soit les 2/3 de la population juive européenne, décimés dans les camps de l’horreur, dans les camps de l’ignoble, dans les camps d’une honte indélébile. En France :  600 000 morts, civils et militaires, résistants ou anonymes. L’URSS, sur laquelle s’acharnent Hitler et le 3ème Reich : 21 millions de victimes, je dis bien,        21 millions de morts, dont 7 millions et demi de civils. Grande-Bretagne : pas loin de 400 000 morts. Les Etats-Unis perdent 300 000 soldats, loin de leurs familles et de leur terre, sur le sol du vieux continent et en Extrême-Orient.

Août 45, deux bombes d’un « nouveau genre », tombent sur Hiroshima et Nagasaki : 300 000 morts, et de très très nombreuses personnes qui décéderont des suites d’un cancer, dans les mois, les années et les décennies qui suivent. Les régimes totalitaires ont inventé la guerre totale : les civils ne sont plus épargnés mais visés. Les Juifs, les opposants politiques, communistes, socialistes, syndicalistes, les tziganes, les minorités, les asociaux, ont fait l’objet d’un plan méthodique d’élimination car ils sont (ce sont les termes du 3ème Reich) des « sous-hommes ».

Tout ce qui résiste doit être éliminé, tout ce qui est différent doit être éradiqué. Dans ces heures noires, sombres, la France devait malheureusement commettre l’irréparable. Cet irréparable a un nom : Vichy, et des acteurs, Pétain, Laval et tant d’autres. Cet irréparable est non seulement grave mais aussi, et surtout, multiple. Il y a les 76 000 Juifs français livrés aux Allemands, vers Drancy, vers Auschwitz, vers la mort et l’innommable. Il y a les militants communistes, socialistes, syndicalistes, arrêtés, liquidés, déportés. Il y a aussi les lois, ce que l’on a tendance à oublier. Des lois liberticides, des lois scélérates, des lois rétrogrades, des lois réactionnaires.

Ici, à la porte B Usine Marius Berliet, le monde du travail doit se souvenir de ce que le régime de Vichy, et l’extrême droite française, ont réservé aux ouvriers et à la représentation syndicale: le STO ; la Charte du Travail avec des syndicats uniques ; l’interdiction du droit de grève, ou encore la création des Groupes d’Action pour la Justice Sociale, chargés de traquer les réfractaires contre de l’argent, et d’enlever la main-d’œuvre jusqu’en pleine rue !

Ici, à la porte B Usine Marius Berliet, les femmes doivent se souvenir de ce que le régime de Vichy et l’extrême droite française leur ont fait subir : de l’abandon du foyer, qui devient une faute pénale, ou encore la qualification de l’avortement comme “crime contre la sûreté de l’État”, voilà un extrait de ce sinistre bilan. Oui, en 2012, il faut se souvenir, et transmettre cette histoire sordide, l’histoire de la veulerie, l’histoire de ce terrible tremblement de la société.

Il faut se souvenir et se recueillir devant le courage de tous ceux qui ont essayé d’arrêter la machine infernale du 3ème Reich et de Vichy. Ils y sont parvenus au final, mais au prix de leur vie, au prix des tortures et des amis perdus, déportés, au prix de familles amputées dont la douleur n’a jamais cessé, pas même un 8 mai. Oui, nous avons, je n’ai pas peur de l’affirmer, une dette envers les combattants de 40, résistants communistes, gaullistes, socialistes, maquisards épris de République, tirailleurs sénégalais, algériens, combattants de l’Outre-Rhin, alliés américains, canadiens, soldats de l’armée rouge.

Ici, à la porte B Usine Marius Berliet, comment ne pas évoquer ces combattants des Groupes Francs, tombés devant ces murs : Pierre Gayelen, Félix Gojoly, Louis Moulin, Jean Navarro, Louis Troccaz. Comment tolérer, à l’aune de cette tragédie, la tentative actuelle de réhabilitation de Louis Renault, relecture et déformation intolérable de l’histoire. L’engagement de Louis Renault aux côtés des ligues factieuses antirépublicaines, et sa collaboration avec l’Allemagne nazie sous l’occupation, sont avérés. Il faudrait donc, aujourd’hui, effacer de la conscience collective ce choix, et cette lourde responsabilité de l’industriel, mais de quel droit et surtout à quelle fin !

« Le monde est dangereux à vivre. Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui le regardent et laissent faire ». Cette phrase, d’Einstein, est en 2012 de circonstance.  Ces dernières années en France ont été marquées par trop de dérives, trop de divisions et de stigmatisations, notamment au plus haut sommet de l’Etat. Les populismes et l’extrême droite gagnent du terrain partout en Europe.

En ce jour de commémoration, je tiens à le rappeler à chacun d’entre nous : la bête immonde n’est jamais terrassée, elle peut un jour ou l’autre resurgir. Et il dépend de notre vigilance citoyenne de ne « pas la laisser faire ».

Je vous remercie.

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