Repas des personnes âgées et retraitées

Toute société a des devoirs à l’égard de ses aînés, ces devoirs que j’appelle le droit à une vie digne.

Intervention de Michèle PICARD, Maire de Vénissieux, Vice-présidente de la Métropole de Lyon, à l’occasion du repas des personnes âgées et retraitées de la ville de Vénissieux.

Nos villes, nos agglomérations, notre société font face à de nombreux défis.

Il y en a un, dont on ne parle pas assez : le lien social, le lien intergénérationnel, la place du 3ème âge dans nos collectivités. Je commencerai par le lien social. Tout a concouru à son délitement. Les crises à répétition qui favorisent le repli sur soi, l’individualisme, les terribles effets de la COVID 19 et des périodes de confinement, renforcent la solitude des jeunes et de nos aînés.

Je ne parle pas du sentiment de solitude, mais d’une solitude réelle, au quotidien. A ce sujet, la dernière étude des Petits Frères des Pauvres est édifiante. En France, 2 millions de personnes âgées sont isolées et 750 000 vivent en situation de « mort sociale ». Le terme est brutal mais il a le mérite d’être clair. Ces 750 000 personnes, +40% en quatre ans !, ne connaissent plus aucun cercle de sociabilité, ni de contact humain. Pas de relations familiales, amicales, pas de voisinage, pas d’intégration dans un milieu associatif.

Alors oui, il y a urgence à restaurer le lien social, urgence à retisser les échanges entre les générations, urgence à faire preuve d’une solidarité exemplaire à l’égard de nos aînés.

C’est par une solidarité infaillible que nous y parviendrons, par la présence des services publics de proximité qui rapprochent les habitants, les générations et les quartiers entre eux.

Par des moments d’échanges et de convivialité comme aujourd’hui à l’occasion de nos traditionnels repas dansants ou lors de la semaine bleue. Vous êtes cette année 720 à avoir choisi ce moment de retrouvailles du repas, tandis que la ville de Vénissieux remettra 4200 colis festifs aux Vénissians âgés de 65 ans et plus. Ces moments ne sont pas anodins à Vénissieux, il faut les renouveler tant ils portent en eux le plaisir d’être ensemble, tant ils expriment nos humanités et la marque du respect.

Toute société a des devoirs à l’égard de ses aînés, ces devoirs que j’appelle le droit à une vie digne !

Et nous devons penser nos villes à l’aune de ces solidarités à réinventer, de lieux favorisant la proximité comme nos deux résidences. L’intégration du parc Ludovic-Bonin à la résidence pour personnes âgées du même nom s’inscrit dans cette volonté de créer des lieux de vie, d’activités intergénérationnelles avec l’objectif d’intégrer plus encore la résidence à son quartier.

L’allongement de la durée de la vie et l’accès à la santé forment un binôme prioritaire. Sur le premier point, si Vénissieux reste une ville jeune, elle voit sa population la plus âgée augmenter : concernant les seniors, on peut distinguer les 60/74 ans dont la population reste stable depuis 1999, et les personnes de plus de 75 ans, dont le nombre a plus que doublé sur la même période.

En France en 2030, un Français sur trois aura plus de 60 ans et les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans, pour la première fois. Avec deux EHPAD sur son territoire et la mise en place de l’accueil de jour médicalisé, la ville de Vénissieux s’est emparée de la question, mais nous avons besoin de l’Etat et d’une loi ambitieuse sur le grand âge, une loi toujours en attente.

Ce qui a été adopté en 2024 avec la loi bien vieillir ne suffira pas aux besoins immenses du secteur, c’est une évidence. En matière d’accès aux soins, la situation se détériore, tandis que les inégalités territoriales s’aggravent. Pour des raisons financières principalement ou d’éloignement géographique, près de trois personnes âgées sur quatre éprouvent des difficultés et beaucoup d’entre elles renoncent en majorité aux soins optiques, dentaires et auditifs.

Consciente d’un accès à la santé de plus en plus compliqué, la ville de Vénissieux a lancé sa mutuelle communale « Entre nous ».

Avec plusieurs types de contrats complémentaires santé, dont des contrats sociaux adaptés aux petits revenus, elle garantit une prise en charge très performante des personnes âgées (suivi post-hospitalisation, suivi des aidants). A ce jour, 140 adhésions à la Mutuelle ont été enregistrées et 347 devis réalisés, je vous invite à vous renseigner car je sais que la santé est une priorité, mais que les soins représentent un coût trop élevé.

C’est pour cette raison que le CCAS a mis en place en 2021 une aide aux soins plafonnée à 300 euros par ménage et par an. Elle concerne les frais de santé qui ne sont pas ou peu remboursés par la Sécurité Sociale (frais dentaires, optique, factures d’hospitalisation, dépassement d’honoraires…).

Et puis face à nous, comme un défi de société, il y a la lutte contre la pauvreté qui prend la forme de multiples précarités : énergétique, alimentaire, d’accès au logement. Cette pauvreté gagne du terrain dans toutes les classes d’âge.

Deux millions de personnes vivent le troisième âge sous le seuil de pauvreté, particulièrement les femmes et les personnes seules qui se retrouvent ainsi encore plus isolées.

La pauvreté touchait 10,6 % des 65-74 ans en 2022 contre 7,5 % en 2017 d’après la dernière étude de l’Insee. En repoussant l’âge légal de la retraite à 64 ans, la réforme d’Emmanuel Macron, passée au forceps contre l’avis de tous les syndicats, allait aggraver une situation déjà alarmante, en pénalisant plus particulièrement les femmes aux carrières incomplètes. Vous le savez, cette réforme a été suspendue à l’assemblée nationale jusqu’en janvier 2028 mais le Sénat vient de rejeter cette suspension. De même qu’il a rétabli le gel des pensions de retraite pour 2026. Le texte va désormais revenir à l’assemblée nationale, mais pour quelle adoption ? Bref, les inquiétudes et incertitudes restent vives autour de cette réforme.

Pour toutes ces raisons, le 3ème âge est un défi majeur qui nous attend dans nos agglomérations comme dans notre société.

La place de nos aînés dans nos villes, dans la démocratie de proximité, dans l’accès aux loisirs, la culture et la pratique sportive, autant de mutations que la Ville accompagne avec la contribution de l’OMR et ses 430 adhérents. Mais nous devons aussi être présents dans le quotidien de nos aînés vénissians.

Ce quotidien, ce sont les missions accomplies par nos services publics de proximité pour le maintien à domicile. Plus de 20 000 repas distribués en 2024 dans le cadre du portage de repas ; 15 000 interventions pour 63 bénéficiaires en matière de soins infirmiers à domicile ; 13 700 heures d’intervention pour 113 bénéficiaires en matière d’aide et d’accompagnement à domicile.

Et puis comme tous les étés, le dispositif de vigilance canicule a été activé. Plus de 5800 contacts téléphoniques ont été passés sur les 21 jours de canicule pour un nombre d’inscrits de 340, chiffre qui a doublé par rapport à 2024.

Vous le savez, ces repas occupent une place particulière dans le calendrier de notre ville. Une place affective, une place de respect, de gratitude, une place de complicité et de joie d’être ensemble.

Rien ne remplace l’humain, le lien social, rien ne remplace le rapprochement entre les générations.

Rien ne remplace une solidarité de tous les instants, une attention et une vigilance à l’égard de toutes les générations. Il faut rassembler, réunir, au lieu de diviser et de soustraire, il faut être et vivre ensemble, se tenir plus proches les uns des autres.

Pour finir, je voudrais saluer tous les hommes et les femmes qui se mobilisent pour l’organisation de ce moment si chaleureux. Merci aux bénévoles de l’OMR, à la cuisine centrale, au Lycée Hélène Boucher, à l’orchestre Bianco et bien sûr à tous les services de notre ville.

« Une civilisation naît lorsque chacun de nous fait quelque chose pour l’autre », disait un poète italien. C’est cette devise qui doit nous animer à la veille des fêtes de fin d’année, des fêtes que je vous souhaite généreuses et joyeuses. Prenez soin de vous et profitons ensemble de ce moment convivial si attendu.

Je vous remercie.

Par nos applaudissements, remercions chaleureusement :

  • la Régie de restauration scolaire et sociale,
  • les élèves du lycée Hélène Boucher,
  • les bénévoles de l’OMR,
  • les services Ville, dont la DSAS qui contribuent à la réussite de ces journées.
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