100 ans de la guerre de 1914-1918

Ces années de tourmente, ils l’ont vécue dans l’immobilité, dans le froid, dans la boue qui vous enterre vivant au sens propre comme au sens figuré. Chair à canon sacrifiée par un Etat-major mégalomane, mutilés, défigurés, gueules cassées, ceux qui n’auront pas été pulvérisés par la terrible machine, reviendront usés, épuisés, consumés, transformés à jamais.

Le 3 août 1914, la France entre en guerre, lorsque l’Allemagne décide de pénétrer les territoires du Luxembourg et de la Belgique, violant ainsi les traités de neutralité de ces deux pays. Or, ce conflit ne devait pas durer, mais il va s’enliser durablement dans les tranchées. De cette armée française mal armée et mal équipée, bien peu reviendront.

Ces années de tourmente, ils l’ont vécue dans l’immobilité, dans le froid, dans la boue qui vous enterre vivant au sens propre comme au sens figuré. Chair à canon sacrifiée par un Etat-major mégalomane, mutilés, défigurés, gueules cassées, ceux qui n’auront pas été pulvérisés par la terrible machine, reviendront usés, épuisés, consumés, transformés à jamais. Un million trois cent mille poilus manquent à l’appel, 10 % de la population masculine de la France. Ils sont tombés sur les champs de batailles de la Marne, de la Somme, de Verdun, du Chemin des dames… ou bien sont morts de maladie, décimés par la faim et le froid.

« Tous avaient sous le casque les mêmes traits d’épouvante : un défilé de revenants. Les paysans du front ont le cœur endurci et ne s’émeuvent plus guère, après tant d’horreurs. Pourtant, quand ils virent déboucher la première compagnie de ce régiment d’outre-tombe, leur visage changea : « oh ! Les pauvres gars… » – Roland Dorgelès

Et puis, il y a cette histoire douloureuse des fusillés pour l’exemple qui résonne encore dans nos mémoires. Ils étaient 600 à 650 soldats condamnés par le conseil de guerre pour désertion, mutinerie ou refus d’obéissance. Ils n’ont pas su, ni pu survivre à la peur, au devoir, à la folie meurtrière qui les a déchiquetés.  Ils étaient fatigués, épuisés, physiquement et psychologiquement par la peur de mourir, et par des conditions de vie inimaginables.

C’est au terme d’un long combat auquel la ville de Vénissieux s’est associé, que le Soldat Chapelant, symbole des « Fusillés pour l’exemple », a été réhabilité en 2012. Un rapport de l’historien Antoine Prost a été remis au chef de l’État. François Hollande a demandé qu’une place soit réservée aux fusillés, au musée de l’armée aux Invalides, un geste solennel plutôt qu’une franche réhabilitation. Un siècle après, la question de la réhabilitation reste posée.

La Grande Guerre a été une guerre de l’artillerie, dispensatrice de mort anonyme et impersonnelle.  La course aux armements engagée entre les différents pays a été intense. Les « marchands de canons » (Renault, Schneider côté français, Krupp côté allemand) ont profité de cette aubaine pour engranger d’énormes profits pendant que les hommes mouraient au front et que les femmes les remplaçaient aux champs comme à l’usine,  accomplissant « leur devoir civique ».

« Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre. » – Karl Marx

Plus un seul témoin de cet horrible carnage et gâchis humain n’est vivant. Nous sommes les acteurs de leur histoire, car leur histoire est aussi la nôtre. Nous devons appréhender la force des générations précédentes et transmettre aux suivantes,  raconter l’histoire du Poilu qui, du fond de sa tranchée, s’est retrouvé en plein chaos dans une France devenue le théâtre principal de la guerre. Car ce point d’ancrage est nécessaire aux jeunes générations qui ont besoin de temps pour s’interroger sur la nature de cette guerre, sur ses origines et ses conséquences, et sur son écho dans notre monde contemporain.

 

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